14, rue d’Athènes, PARIS (IXe)
Monsieur le Président et chers camarades,
Des députés communistes ont reçu votre motion relative au traité de pool charbon-acier, motion votée à l’unanimité le 27 novembre dernier par le Comité central d’Entreprise représentant, toutes tendances réunies, les 16.000 cadres, agents de maîtrise, employés et ouvriers de l’Union Sidérurgique du Nord de la France (USINOR).
Le traité du pool charbon-acier, plus connu sous la dénomination de Plan Schuman, étant considéré par vous comme comportant de graves dangers en ce qui concerne l’emploi de la main-d’œuvre dans l’industrie française, vous nous demandez de ne pas voter sa ratification.
Je tiens tout de suite à vous dire que le groupe communiste a pris la décision de voter contre la ratification de ce traité pour des raisons conformes à la fois à l’intérêt de la classe ouvrière et à l’intérêt supérieur du pays.
Le pool charbon-acier, d’inspiration américaine, tend en effet à assurer la prédominance, en Europe, de l’économie de l’Allemagne de l’Ouest, au détriment des intérêts français.
Les inspirateurs américains de ce traité n’ont d’ailleurs pas manqué de faire savoir aux capitalistes allemands qu’ils peuvent « s’attendre à être les principaux bénéficiaires du marché unique » s’étendant aux six pays signataires de ce que l’on appelle « la communauté européenne du charbon et de l’acier », à savoir : l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.
La suppression de tous droits de douanes et de tous contingents à l’intérieur du marché unique constitué par ces six pays et par les territoires d’Outre-Mer dépendant de l’un ou de l’autre d’entre eux ne peut que favoriser le pays disposant du potentiel économique le plus puissant. Et chacun comprend aisément que dans le cas concret qui vous préoccupe et préoccupe tous les Français soucieux de l’avenir de la Patrie, l’Allemagne de l’Ouest, à qui de grandes possibilités de modernisation de son équipement sont données, part gagnante à coup sûr.
Que M. Adenauer soit enchanté du pool charbon-acier plein de promesses pour les magnats de la Ruhr, cela se comprend. Mais l’attitude de M. Robert Schuman et des députés français qui l’approuvent est moins facile à expliquer du point de vue des intérêts français. [...]
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