Le Handelsblatt est le journal de référence du milieu des affaires outre-Rhin. A ce titre, et comme l'essentiel de la presse conservatrice allemande, il a régulièrement eu la dent dure contre la Grèce, accusée de refuser les « réformes nécessaires » et de réclamer sans cesse de nouveaux fonds à l'honnête et travailleur contribuable allemand. Mais en une, ce mercredi 4 mai, le journal a affiché une « exclusivité ». Une étude inédite nous dit-on de l'ESMT, une école de gestion de Berlin, qui parvient à cette conclusion : 95 % de la supposée « aide » à la Grèce est retournée aux banques et aux créanciers du pays méditerranéen.
Pas nouveau
Le « budget grec » qui a été accusé de ruiner tous les Européens n'en a récupéré que 5 %. On connaît le prix de ces 5 %... Une réduction d'un quart du PIB, une administration réduite d'un tiers, un Etat encore plus défaillant qu'auparavant et aucune perspective de reprise véritable. [...]
Retournement des « experts »
Étrangement, voici donc que, un an après, les arguments alors inaudibles des autorités grecques deviennent « respectables ». [...] Rappelons que voici un an, on faisait des divisions simplistes de l'engagement de la France vis-à-vis de la Grèce par le nombre de Français pour annoncer le « chèque » qu'il nous faudrait rédiger en cas de défaut hellénique... Autre temps, autre mœurs. Mais ce contraste prouve une nouvelle fois que l'acharnement médiatique et l'asphyxie des créanciers qui ont visé l'an dernier le gouvernement Tsipras I n'était rien d'autre que politique. Il fallait faire taire une force politique qui mettait à jour l'ineptie de la politique européenne envers la Grèce. [...]
Tirer les conséquences
[...] Ce chiffre signifie que les prêts accordés à la Grèce en 2010 ne visaient qu'à sauver les banques françaises et allemandes. Le coût de cette aide bancaire cachée a été transmise aux contribuables européens et au peuple grec. Ce fait n'est pas un jugement du ciel ou un coup du sort, c'est le fruit d'un choix politique. [...] Les seuls qui ont payé, ce sont les Grecs. Et là encore, il s'est agi d'un choix politique.
Le mythe du Grec responsable
Dès lors, pour dissimuler l'absurdité du système mis en place, les dirigeants européens ont trouvé la parade : ce schéma de Ponzi qui ajoutait de la dette pour rembourser la dette était viable si les Grecs « faisaient des réformes ». Un mythe s'est alors construit : l'échec du système était dû à la mauvaise volonté grecque. En réalité, il était fondé sur l'absurdité d'un système qui faisait porter tout le poids du sauvetage des banques européennes aux Grecs eux-mêmes [...]
Pourquoi il fallait faire taire Alexis Tsipras
Après l'arrivée d'Alexis Tsipras au pouvoir en janvier 2015, cette logique s'est déchaînée. [...] Si l'on reconnaissait la justesse du vote du peuple grec et des arguments de Syriza, on reconnaissait l'erreur originelle des Européens et principalement d'Angela Merkel, Wolfgang Schäuble et Jean-Claude Trichet, les principaux architectes du « plan d'aide. »
Assumer ses responsabilités
Or, cette responsabilité n'est pas que morale. La stratégie de sauvetage des banques au détriment des Grecs a des conséquences bien concrètes. Elle met les pays européens qui ont fait ce choix, autrement dit, tous ceux de la zone euro, face à la nécessité d'assumer leurs erreurs et donc de faire participer leurs contribuables à ce schéma de Ponzi créé pour sauver leurs banques. Assumer sa responsabilité, c'est logiquement accepter une réduction du stock de dette envers la Grèce. C'est le prix des erreurs des dirigeants élus par les peuples de la zone euro. C'est aussi, enfin, chercher à mettre en place une politique de reconstruction réelle de l'économie grecque, en collaboration et non en conflit, avec les autorités grecques. On est loin de tout cela.
Populisme ?
Le réveil du Handelsblatt est bienvenu. Mais la réalité reste sombre : l'Eurogroupe tente encore de mettre à genoux l'économie grecque. L'Allemagne et la France refusent d'assumer leurs responsabilités et de réduire la dette grecque. [...] Et les chiffres du Handelsblatt risquent de n'y rien changer lorsque l'on songe que, l'an dernier, la presse allemande conservatrice s'est complu dans les clichés les plus désolants sur les Grecs. Décidément, la question grecque est loin d'être résolue.
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