Pour Dominique, « la stratégie de l’entreprise n’est pas respectée par son actionnaire, certes majoritaire (83,7 %), pour une simple raison politique. » Un bras de fer ou un jeu de dupes que tous soulignent. « On a vaguement l’impression que l’État et EDF se renvoient la balle. Personne ne voulant véritablement trancher », avance Isabelle. Vendredi, François de Rugy plaçait EDF face à sa responsabilité de « donner des réponses précises », quant au projet EcoCombust (production d’électricité à partir de biomasse sur laquelle travaillent conjointement les centrales de Cordemais et du Havre). « Le ministre a eu à plusieurs reprises sur son bureau des études montrant que ce projet est viable », s’agace Guillaume Argentin, délégué syndical CGT. Au fil des mois, ce dossier prenait la tournure d’un itinéraire bis, d’une issue de secours pour tout ou partie de l’activité de la centrale.
Avant une première alerte. Ainsi, le 28 janvier, EDF annonçait la mise en place « d’un travail préalable à une décision sur le projet Ecocombust », sans que ne soit cité Le Havre. Puis le 3 avril, RTE (Réseau de transport d’électricité), au-delà de souligner l’inutilité de la centrale thermique, se disait non favorable à son intégration à EcoCombust. « Alors qu’on dégagerait soixante fois moins de CO2 que la centrale au gaz de Landivisiau pour laquelle le contribuable a déjà versé 800 M€ pour qu’elle voie, peut-être, le jour. On ne saura pas sur quel pied danser tant qu’une décision tranchée n’aura pas été actée. Mais on en est peut-être loin. Et pour cause, EDF a investi au Havre pour que l’unité produise jusqu’en 2035 (160 M€). Si l’État prend la décision de tout arrêter, peut-être devra-t-il mettre la main à la poche. Alors que si EDF le fait... »
Selon le délégué syndical, 170 salariés EDF travaillent à la centrale, sur un total de 800 à 1 000 emplois directs et indirects. Parmi ces derniers, les cinquante-trois agents portuaires et dockers à STMC6 (le quai à charbon du port du Havre, à deux pas de la centrale thermique). Or, la Fédération nationale des ports et docks (FNPD-CGT), alerte sur « l’incohérence d’afficher sa volonté de développer les ports français et la décision de l’arrêt des importations et du transport du charbon ».
Paradoxe que relaie localement Johann Fortier, secrétaire du syndicat CGT des dockers du Havre. « Au-delà du cas du charbon, nous nous inquiétons des conséquences de cette politique de transition écologique sur divers trafics tels que celui de la bauxite ou encore du diester. Que nos emplois et nos métiers soient respectés et que l’on ne se contente pas de nous répondre que l’on reclassera du personnel dans l’éolien. On ne dit pas qu’il faut brûler du charbon éternellement, mais pourquoi en France, on fixe 2022 quand l’Europe repousse ces mêmes fermetures à 2025-2027 ? L’Allemagne vient d’annoncer qu’elle n’en sortirait qu’en 2038. Elle se donne vingt ans. C’est incompréhensible. »