Ironie du sort, c’est un ex-conseiller du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg à Bercy qui livrait ce lundi 5 septembre un premier diagnostic économique du quinquennat de François Hollande. Xavier Ragot, devenu président de l’institut de conjoncture OFCE, dresse un bilan mitigé de quatre ans de politique économique et redonne du lustre à la ligne anti-austérité que défendait son ancien patron à Bercy. "L’impact des hausses d’impôts effectuées en début de mandat a été sous-estimé par le gouvernement, analyse-t-il. L’ampleur du choc fiscal n’était pas compatible avec une baisse du chômage au cours de la première moitié du mandat". La rigueur budgétaire a plombé la croissance française de 0,8 point par an en moyenne, selon l'institut, avec bien sûr des effets négatifs sur l'emploi.
Les chiffres compilés par les chercheurs de l’OFCE révèlent la politique "pro-business" menés par les gouvernements Ayrault puis Valls. Entre 2012 et 2017, ce sont quelque 42,6 milliards d’euros d’impôts supplémentaires qui ont été imposés aux Français, dont 27,1 milliards décidés directement par François Hollande et 15,5 milliards hérités de la présidence Sarkozy. Après une première série de hausses qui ont touché autant les ménages que les entreprises, les secondes ont profité à plein de la fameuse "politique de l’offre" à partir de 2014. Les milliards du crédit d’impôt compétitivité (CICE) et du pacte de responsabilité ont ainsi fait plus que compenser l’augmentation des prélèvements du début de quinquennat. En cinq ans, les entreprises auront vu leur fiscalité réduite de 20,6 milliards, tandis que les ménages auront subi 35 milliards de hausses.
Problème, les résultats sur le front de l’emploi
"Pour justifier sa politique, le gouvernement a avant tout communiqué sur la lutte contre le chômage, observe Xavier Ragot. Mais en réalité, il avait deux autres buts : la réduction des déficits publics et l’amélioration de la compétitivité des entreprises". Trois objectifs difficilement conciliables selon l’économiste… De fait, en quatre ans, les marges des entreprises ont repris de belles couleurs sous le double effet des baisses de cotisations sociales et du prix du pétrole. Dans l’industrie, le taux de marge a même renoué avec ses records du début des années 2000 et l’investissement repart depuis 2015. Côté comptes publics, les déficits ont régulièrement diminué pour passer de de 4,8 % à 3,3 % de la richesse nationale en quatre ans.
Problème, les résultats sur le front de l’emploi, eux, se sont fait cruellement attendre. "Sur l’ensemble du quinquennat, le chômage au sens du BIT augmenterait de 100.000 personnes malgré 720.000 créations d’emplois", prévoit l’OFCE. Les créations d’emploi dans le secteur marchand ne dépasseraient les suppressions de postes qu’à partir de 2017. Soit quatre ans après l’annonce de l’inversion de la courbe du chômage par François Hollande... Plus grave, le sous-emploi a considérablement progressé en quatre ans. En additionnant les demandeurs d’emploi, les temps partiels subis et les chômeurs non inscrits, ce sont près de 6 millions de personnes qui souffrent du chômage, soit 8 % de plus qu’il y a quatre ans (440.000 personnes).
Au total, la politique économique décidée sous François Hollande a fini par porter ses fruits pour les entreprises et l’équilibre des comptes publics, mais au détriment du portefeuille des Français et donc de la croissance à court terme. "La France de 2017 devrait se trouver dans une dynamique économique plus positive qu’en 2012, concèdent toutefois les économistes de l’OFCE, même si la fragile reprise ne doit pas occulter les difficultés persistantes du pays en matière de commerce extérieur et de chômage". En clair, ça va mieux, mais ce n’est pas encore gagné...