Steve Ohana est professeur de finances à l'ESCP Europe et auteur de Désobéir pour sauver l'Europe (Max Milo, 2013).
Coralie Delaume est essayiste, coauteur de La fin de l'Union européenne (Michalon, 2017) et animatrice du site L'arène nue.
L'un des axes majeurs de la «super loi travail» en préparation est la décentralisation des négociations collectives, c'est-à-dire le projet de faire descendre la négociation collective du niveau de la branche vers celui de l'entreprise.
Cette démarche n'a rien d'original et s'inscrit dans un long processus engagé dans toute l'Union Monétaire Européenne depuis les années 90.
La première à s'engager dans cette voie fut l'Allemagne, dont la compétitivité-coût s'était affaissée suite à la réunification. Contrairement à ce que l'on croit souvent, ce n'est pas à la suite des réformes Hartz des années 2003-2005 mais dès 1995, avec la décentralisation des négociations collectives, que s'est engagé le processus de modération salariale en Allemagne. À partir de cette date, les entreprises allemandes ont eu la possibilité de déroger de façon importante aux accords de branche et ces dérogations ont été utilisées de façon concertée par entreprises et salariés pour contenir la progression des salaires. De 1995 à 2010, les salaires réels ont progressé nettement moins vite que la productivité, permettant la stagnation du coût unitaire du travail (salaire divisé par la productivité) sur cette période, pendant que celui des partenaires de la zone euro augmentait (+3% par an en Espagne, +2.5% par an en Italie, +1.5% par an en France). Cette politique de «cavalier solitaire» a permis à l'Allemagne de renforcer son avantage comparatif dans le secteur manufacturier, dont l'essor, porté notamment par la forte croissance des pays émergents dans les années 2000, a permis de pallier l'accroissement des inégalités salariales et l'affaissement de sa demande domestique.
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