Lu sur le blog Bellaciao.
GUINGOUIN : UN CHEF DU MAQUIS
de : Ernest London
lundi 26 octobre 2015 - 15h42 -
Il y a tout juste dix ans, mourrait Georges Guingouin. Après les dernières biographies et le roman paru l’an dernier, la publication de cet album destiné au jeune public (mais parfaitement accessible aux adultes) est une preuve supplémentaire de son retour dans le récit national, après une longue période de purgatoire. Georges Guingouin aurait d’ailleurs également pu entrer lui aussi au Panthéon au printemps dernier, si le gouvernement avait voulu adjoindre un résistant communiste à Germaine Tillion, Jean Zay, Geneviève de Gaulle et Pierre Brossolette.
Né en 1913, Georges Guingouin est instituteur, militant communiste et secrétaire de mairie lorsque Pétain signe la reddition des troupes françaises. Immédiatement et sans hésiter, il organise les activités de propagande autour des sections locales du parti communiste interdit et rédige dès août 1940 un « Appel à la lutte ». Dénoncé, il rejoint la clandestinité et organise la résistance. Son maquis sabotera les convois du S.T.O., les usines stratégiques et les réquisitions de récolte pour ravitailler l’armée allemande, punira les collaborateurs et les profiteurs de guerre. Après le débarquement allié en Normandie, il organisera l’enlèvement du Strumbannführer de la division Das Reich (responsable des massacres de Tulle, d’Argenton-sur-Creuse, d’Oradour-sur-Glane…) et, à la tête de 6 000 hommes, livrera une bataille rangée contre la brigade Von Jesser venu réduire la Résistance. Il désobéira aux ordres de libérer Limoges, craignant un nouveau massacre. Élu maire de Limoges à la fin de la guerre, il sera exclu du parti communiste. Alors qu’il reprend son métier d’instituteur, une violente campagne de presse sera déclenchée contre lui et ses compagnons. Arrêté, passé à tabac en prison il obtiendra, au terme d’un procès équitable, un non lieu.
Georges Guingouin est de ces hommes intègres qu’aucune circonstance n’ébranlera jamais dans leurs fondements moraux, ni leurs convictions. Ce moment d’histoire est développé dans la partie documentaire en fin d’album abondamment enrichie de documents d’époque. La partie fiction, elle, s’appuie sur une quinzaine de récits, imaginés, de témoins, compagnons, voisins, anonymes, rapportant chacun un épisode de la vie de Georges Guingouin pendant la guerre. Cette polyphonie donne une vision sensible des enjeux, du climat. Une gravure pleine page, inspirée de l’iconographie de propagande de l’époque répond à chacun de ces textes. Yann Fastier, auteur-illustrateur inclassable, iconoclaste et talentueux, habité par son sujet, a réussi un travail admirable, s’adressant autant à l’intelligence de ses lecteurs qu’à leur sensibilité.
L’édition jeunesse se risque peu, habituellement à explorer aussi loin des sentiers archi-battus. Il faut saluer cette publication remarquable. N’est-il pas en effet quelque peu paradoxal de proposer aujourd’hui encore, des monographies de Napoléon, de César, de Louis XIV ou de Jeanne d’Arc en lecture aux jeunes générations. La vie de Guingouin, en phase avec des problématiques très actuelles, sera certainement plus prompte à éveiller les consciences. À lire, à conseiller, à offrir.
Ernest London.
GUINGOUIN : UN CHEF DU MAQUIS Yann Fastier 44 pages – 16 euros. Éditions de l’Atelier du poisson soluble – Le Puy-en-Velay – septembre 2015 www.poissonsoluble.com
Cet article est initialement paru sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451 : http://bibliothequefahrenheit.blogs...
Parce qu’il faut d’abord comprendre le monde pour pouvoir le changer, Parce qu’il faut tirer les leçons des luttes passées pour s’en inspirer, pour n’en pas renouveler les erreurs, pour prendre le meilleur dans tout, Parce qu’il faut sans cesse se battre contre la bêtise, la haine, l’injustice, la barbarie, Parce qu’il faut des armes pour se battre, Parce qu’on a déjà perdu, si on renonce, Voici, en permanente construction, une bibliothèque de références pour ceux qui souhaitent nourrir leur culture politique, analyses et comptes rendus de lectures utiles. Les livres sont des armes ! Ernest London, le bibliothécaire-armurier. http://bibliothequefahrenheit.blogs...
"la parti communiste c’est comporte avec guingoin en salopard"
Histoire et Mémoire : Précisions historiques
Posté par Alain chancogne en réponse au commentaire ci-dessus.
Ce n’est pas faux
Mais lorsque j’ai "écrit" sur cette période , des communistes ex ftp , et pourtant pas suspect de sympathies particulières pour ce qu’a été le"stalinisme" des années d’après guerre , des camarades qui ont connu ce garçon couillu, m’ont mieux fait comprendre aussi que Guinguoin , son point fort cé’tait pas "la synthèse".. _ :)
NI le souci d’analyse objective d’une situation concrête( rapports de forces dans la france de 44-45 , Yalta etc)
En aucun cas cela n’excuse le sort fait à Guinguoin,plus tard à à Tillon, et autres résistants..
Malgré mon profond désaccord avec la "ligne liquidatrice mutante" " qui m’a fait quitter le PC, on peut reconnaitre , comme l’avait fait MARCHAIS pour TILLON que HUE a tardivement reconnu cette saloperie lorsque en 98, il a fait en sorte que des Camarades salis soient "réhabilités"(1)
Il écrivait à GUINGUOIN
http://viedelabrochure.canalblog.co...
« PARIS, le 6 février 1998,
Cher Georges Guingouin et, si vous me le permettez, cher ami,
« De nombreux communistes m’ont interpellé, notamment à la suite du discours que j’ai prononcé à Longlaville en présence de Maurice Kriegel-Valmiront[9], pour témoigner de votre histoire, celle du grand dirigeant de la Résistance, et des conditions de votre exclusion.
« J’ai été amené à dire, lors de l’ouverture des archives du PCF le 24 janvier dernier, l’obligation morale et politique que constitue pour les communistes la responsabilité de mettre en évidence ce qui s’était réellement passé en des périodes difficiles de l’histoire de notre parti. La Commission nationale d’arbitrage élue au congrès est en charge de mener un travail approfondi d’analyse sur les affaires et les exclusions politiques qui l’ont marquée afin que le Comité national s’exprime sur elles. C’est Francette Lazard, responsable de cette commission, qui est chargée de suivre ces questions et je tenais à vous en informer.
« Sans attendre les conclusions de ces travaux, je tiens à vous confirmer, à vous personnellement, combien le Parti communiste reconnaît la gravité du tort qu’il a ainsi fait à des femmes et à des hommes, et le tort qu’il s’est fait à lui-même. J’ai dit à Maurice Kriegel-Valmiront, et à travers lui à tous ceux qui ont vécu des épreuves identiques, que le PCF assume la totalité de son histoire et qu’il condamné sans appel les comportements qui ont douloureusement bouleversé la vie de nombre des siens. Nous savons quels procédés ont été utilisés et mesurons toute l’injustice que représente votre exclusion. Le reconnaître aujourd’hui n’efface certes pas les blessures mais je tenais néanmoins à vous le faire savoir, vous le chef des FTP du Limousin, et à vous exprimer ma très profonde considération.
« Persuadé que vous verrez dans cette démarche le témoignage de notre attachement au meilleur de l’idéal communiste, je vous prie d’agréer, cher ami, en mon nom et au nom de la direction du PCF l’expression de mes chaleureuses et sincères salutations. »
Ceux qui comme moi, sont passionnés par l’Histoire faite d’"ombres et de lumières" du PCF, peuvent consulter des archives au Conseil général de la SEINE ST DENIS dont je donne ici les 101 pages référençant les documents consultables
https://archives.seine-saint-denis....
Intro du doc co signé par MG Buffet et BRAMY en 2003
C’est avec intérêt, plaisir et une grande fierté que le Conseil général accueille aux Archives départementales et met à disposition du public le fonds des archives du Parti communiste français, reconnu par l’Etat comme relevant du patrimoine de notre pays.
C’est la première fois qu’une formation politique de cette dimension décide d’ouvrir et de rendre accessible le plus largement possible ce qui constitue une partie de notre mémoire nationale.
Cette masse de documents permettra de mieux voir et comprendre l’originalité du mouvement ouvrier françaisson rôle dans la constitution de notre République et les valeurs dont celle-ci s’honore : liberté, égalité, fraternité.
Il est remarquable que cet apport pour la recherche et la connaissance se fasse dans le cadre du service public, sous la responsabilité scientifique du ministère de la Culture, ce dont je me félicite.
L’ouverture d’un tel fonds qui compte des documents inestimables confirme lacompétence des Archives départementales et s’inscrit dans la reconnaissance des atouts et des richesses de la Seine-Saint-Denis.
Hervé Bramy
Président du conseil général de la Seine-Saint-Denis
A.C
NOTE
(1)
Georges Guingouin l’épopée de la Résistance
LUNDI, 31 OCTOBRE, 2005
L’HUMANITÉ
http://www.humanite.fr/node/337749
Le chef de la Résistance limousine est mort jeudi, à Troyes, à l’âge de 92 ans. Il fut maire communiste de Limoges de 1945 à 1947. L’an passé, dans le numéro spécial de l’Humanité, « 1944, la France se libère », Magali Jauffret traçait le portrait de ce personnage de légende.
Nous sommes en février 1941. Il vient d’avoir vingt-huit ans. À quoi pense Georges Guingouin dans la cabane souterraine d’une sapinière du mont Gargan où il se cache, en ce pays limousin boisé et peuplé de croquants, pour échapper aux Allemands et à la milice ? S’autorise-t-il même à penser, à rêver alors que le temps dicte de faire entrer les paroles dans la vie ? Il faut faire tourner la ronéo pour sortir l’Humanité clandestine, imaginer un plan pour nourrir le maquis, trouver de quoi imprimer de faux papiers. Arriver à saboter les batteuses, et donc empêcher la livraison de blé à Hitler, sera de la première importance...
Les soirs de combat, quand la mort rôde trop, après avoir assisté les blessés, accompagné les mourants, des vers de Victor Hugo, appris par coeur du temps de l’école à Bellac, transmis aux enfants du temps où il était instituteur à Saint-Gilles-les-Forêts, remontent le fil de sa mémoire et calment son envie de hurler. Dans ces moments-là, toucher ainsi à la fragilité de l’humain le rapproche de son père qu’il n’a pas eu le temps de connaître et qui repose, avec sept cents de ses camarades, dans « la grande tombe », la fosse commune d’un village du Nord creusée en hâte pendant la Grande Guerre.
Évoquer Georges Guingouin ; quatre-vingt-onze ans, terrassé ces dernières semaines par le décès de sa femme Henriette, compagne des luttes, mais aussi des mille tourments et iniquités qu’il aura à subir, c’est explorer les qualités de désobéissance, d’héroïsme, de loyauté de l’homme, lorsqu’il est à son meilleur niveau. C’est aussi comprendre la singularité fondatrice de ce Limousin rouge qui, après avoir bercé de nombreux communards, offre à la nation de - sacrés maquisards.
Et aussi, juste après ce 18 juin 1940 où, blessé, mais déterminé à ne pas être fait prisonnier par les Allemands, il s’enfuit de l’hôpital Sainte-Madeleine de Moulins, Guingouin, l’un des premiers à penser la nécessité de créer un réseau clandestin contre Vichy, n’a aucun mal à convaincre les paysans communistes de la région d’Eymoutiers, parmi lesquels Andrée Audouin, qui deviendra journaliste à l’Humanité, de grimper avec lui dans la montagne avec des fusils. « Tu as été le seul normalien de Limoges à participer à la grève du 12 février 1934, lui disent-ils. Tu es quelqu’un de solide. On te suit. »
Les années passent. Le charisme, l’intelligence terrienne de Georges Guingouin s’affirment. Chef de la résistance civile dans la région, il est capable de diriger, à l’apogée de la lutte, des hommes aussi différents que 8 750 FTP, 4 100 membres de l’Armée secrète, 1 000 membres de l’organisation Résistance armée, 300 républicains espagnols et 500 ex-Vlassov. Cerveau de nombreux sabotages, il multiplie les coups gagnants contre l’économie de guerre, contre les lignes de communication de l’armée allemande. Ce faisant, il ne néglige pas la lutte des classes et s’allie les paysans en leur permettant de garder le fourrage et le blé, en rémunérant correctement les produits agricoles, en faisant revenir le pain blanc sur les tables grâce à des décrets signés « le préfet du maquis ». Enfin, on le découvre stratège. La capture, le 9 juin 1944, du Sturmbannführer Kämpfe, « héros » de la division d’élite SS Das Reich, retarde cette dernière de deux jours, dans sa mise en mouvement vers la Normandie. Le général Eisenhower reconnaîtra que ce retard a sauvé la tête de pont alliée. Mais ce n’est pas tout. Le 3 août, procédant à une manoeuvre d’encerclement de Limoges, il obtient sans effusion de sang la capitulation du général Geiniger. Cerise sur le gâteau : des escadrons de gendarmes et de gardes mobiles qui se terraient dans la campagne limousine après l’y avoir pourchassé des années durant se rendent à lui.
Les années passant, l’isolement gagnant, Georges Guingouin, sans contacts ni directives, a pris insensiblement ses distances avec les décisions du Parti qui ne lui semblent pas opportunes. Lorsqu’il ne partage pas les mêmes analyses, lorsque les directives lui semblent aventureuses, lorsque le coût en vies humaines lui paraît trop élevé, il désobéit. Son personnage n’en finit pas de soulever la controverse. Prend-il conscience que pareilles libertés, insoumissions, prises de distance avec l’appareil sont inconcevables dans un contexte de guerre froide, d’adhésion à la IIIe Internationale, de culte de la personnalité ? En tout cas, le portrait dressé de lui, à l’époque, est terriblement schizophrénique. Surnommé affectueusement « Lou Grand » à l’intérieur du maquis, il est, à l’extérieur, traité de « fou qui vivait dans les bois, se levant la nuit pour écraser des chiens ».
Guingouin l’incontournable l’ignore, mais il est déjà diabolisé, pris dans les mâchoires d’une étrange et double tenaille, étranglé par les manoeuvres conjointes de socialistes, de vichystes revanchards, mais aussi des siens, qui l’accusent de « travail fractionnel », d’« acceptation sans protestation des éloges de la presse américaine », de razzia sur les fonds secrets de la Résistance ! Deux exclusions valant mieux qu’une, un procès de Moscou est en marche dans le Limousin contre celui qui devient maire de Limoges de 1945 à 1947 et que de Gaulle a élevé compagnon de la Libération. Un grave accident automobile, une machination judiciaire qui l’envoie en prison, dans le coma et en hôpital psychiatrique parachèvent ce tableau de l’indignité.
Georges Guingouin, finalement réhabilité par Robert Hue en février 1998, est l’honneur des communistes français. Anticipant la déstalinisation, sa vie atteste que les valeurs communistes se valident à l’aune d’une liberté ressentie, questionnée en permanence et nourrie de l’humain. En 1964, il rédige une adresse aux membres du 17e Congrès du Parti communiste français. Se plaignant de la rupture entre les paroles et les actes au détriment de l’idéal proclamé, il a conclu par ces mots : « Au soir des combats, j’ai bercé dans mes bras des mourants (...), j’ai tenté des actions désespérées pour sauver ceux qui étaient destinés aux fours crématoires et au poteau d’exécution. Croyez-moi, c’est cette vertu de compréhension qu’il faut pratiquer pour trouver l’art d’avancer.