Publié le par MS21
Défilé de l'Action Française "Fête de Jeanne d'Arc"
2ème partie
Le Front National ( FN) a mis la Nation au centre de son action politique. On peut même dire qu’il essaie depuis sa création de s’approprier ce concept. Il le fait en particulier en entretenant des mythes fondateurs de la Nation par un exercice soutenu et médiatisé de la commémoration : millénaire capétien, 1500 ème anniversaire du baptême de Clovis, et de façon encore plus ritualisée, célébration annuelle de Jeanne d’Arc. On notera cependant que le FN est loin d’avoir l’exclusivité de ces manifestations militantes ; il n’est en fait qu’un élément d’un courant bien plus vaste que l’on peut appeler national-radical où on a pu trouver entre autres : Occident, Jeune Europe, le GUD (Groupe Union Droit), le PFN ( Parti des forces nouvelles), le PNFE ( Parti nationaliste français et européen) , la FANE ( Fédération d’Action Nationale et européenne), les FNE (Faisceaux Nationalistes Européens), Œuvre française, ou le GRECE ( Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) ou le Carrefour de l’Horloge (ex Club de l’Horloge) etc… Tous ces mouvements partagent une vision radicale de la Nation dont nous avons déjà évoqué une forme particulière au XIXème siècle avec la pensée politique de Charles Maurras mais dont il faut comprendre les ressorts et l’évolution.
2.1 Le concept français de la Nation
En 1870, rendue nécessaire par le cas de l’Alsace- Lorraine annexée à l’Allemagne après la guerre de 1870, une correspondance s’engage entre deux historiens, l’un allemand Mommsen et le second français Fustel de Coulanges, sur la question de la Nation. Pour l’historien allemand, ce sont la langue et la race qui définissent la Nation ; donc l’Alsace – Lorraine est allemande. Pour l’historien français, héritier de la Révolution et de Michelet, c’est la libre adhésion des populations qui fonde « une communauté d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances » et l’Alsace-Lorraine veut rester française. En 1882, Ernest Renan précise la conception française de la Nation : « Une Nation est une âme, un principe spirituel, la possession en commun d’un riche legs de souvenirs et le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir un héritage qu’on a reçu indivis » et il ajoute : « L’existence d’une Nation est un plébiscite de tous les jours.»
On le voit, en France, l’idée nationale au XIXème siècle n’a absolument pas de connotation droitière. C’est en effet la Révolution Française qui avait réalisé la « Grande Nation », celle de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et des grands principes de 1789. Ce patriotisme était humaniste, populaire et jacobin et ses valeurs républicaines étaient opposées à celles de la Restauration, de la Monarchie de juillet et du second Empire accusés de trahison. Or, après 1870, et la victoire de la Prusse, sous l’effet de l’aventure boulangiste puis de l’affaire Dreyfus, le nationalisme français va prendre de nouvelles caractéristiques : il devient militariste, clérical, antiparlementaire et anti-intellectuel. Cette mutation du nationalisme républicain – très liée au parcours idéologique de Maurice Barrès – s’appuie sur deux thèmes principaux. Le premier est l’enracinement. Pour Barrès, il s’agit surtout de l’enracinement dans la région pour contrer le courant centralisateur parisien : « Il y a des vérités lorraines, des vérités provençales, des vérités bretonnes dont l’accord ménagé par les siècles constitue ce qui est bienfaisant, respectable, vrai en France et qu’un patriote doit défendre. » Le second est l’héritage déjà évoqué chez Renan : « Une Nation, c’est la possession en commun d’un antique cimetière et la volonté de faire valoir cet héritage indivis. » Enfin, sur le plan économique, cette mutation reprend à son compte un protectionnisme très radical qui justifie par exemple l’application du double tarif douanier de Jules Méline en 1892 : protection des produits nationaux contre la concurrence étrangère, de la main d’œuvre française contre les immigrés étrangers, de la « sève française » contre les façons de penser venues d’au-delà des frontières et les mesures contre les juifs accusés d’être beaucoup trop nombreux dans certaines professions. Des circonstances historiques singulières ont donc provoqué, en une vingtaine d’années, une forme de mutation insidieuse du concept de Nation pour l’éloigner de sa nature propulsive – un peuple prend son destin en main dans une perspective universaliste – et la réduire de ce fait à une dimension défensive et réactionnaire.
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