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ACTION COMMUNISTE

 

Nous sommes un mouvement communiste au sens marxiste du terme. Avec ce que cela implique en matière de positions de classe et d'exigences de démocratie vraie. Nous nous inscrivons donc dans les luttes anti-capitalistes et relayons les idées dont elles sont porteuses. Ainsi, nous n'acceptons pas les combinaisont politiciennes venues d'en-haut. Et, très favorables aux coopérations internationales, nous nous opposons résolument à toute constitution européenne.

Nous contacter : action.communiste76@orange.fr>

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Humeur

Chaque semaine, AC attribue un "roquet d'or" à un journaliste qui n'aura pas honoré son métier, que ce soit par sa complaisance politique envers les forces de l'argent, son agressivité corporatiste, son inculture, ou sa bêtise, ou les quatre à la fois.

Cette semaine, sur le conseil avisé de la section bruxelloise d'Action communiste, le Roquet d'Or est attribué  à Thierry Steiner pour la vulgarité insultante de son commentaire sur les réductions d'effectifs chez Renault : "Renault fait la vidange"...  (lors du 7-10 du 25 juillet).


Vos avis et propositions de nominations sont les bienvenus, tant la tâche est immense... [Toujours préciser la date, le titre de l'émission et le nom du lauréat éventuel].

 

 
5 décembre 2014 5 05 /12 /décembre /2014 15:50

Tandis qu'après le meurtre de Rémi Fraisse les cultivateurs s'obstinent à défendre le modèle économique démentiel qui ruine les plus fragiles d'entre-eux, les écologistes continuent de les tenir pour responsables de ce qui s'est déroulé depuis plusieurs mois à Sivens. Il est pourtant évident que l'environnement, comme les êtres humains, quels qu'ils soient, sont victimes d'un seul et même système.

 

 

L'espèce humaine est issue de la nature qu'elle transforme par le travail

 

Dans le domaine des relations des êtres humains à la nature, deux grandes conceptions ont dominé au cours de l'histoire de nos sociétés. Dans l'une, la « nature » est tenue pour être « ce dont l'homme est absent ». Dans l'autre, les êtres humains font partie de la nature, dont ils sont issus et qu'ils transforment. Ces deux conceptions ont sous-tendu des options philosophiques et légitimé des pratiques sociales qui ont coexisté et continuent de coexister contradictoirement dans la conscience de beaucoup, notamment aujourd'hui dans la conscience de beaucoup d'écologistes. Spontanément nous nous situons en position de face-à-face avec la nature, comme si nous y étions étrangers, et comme si notre présence sur la Terre était destructrice de mécanismes d'équilibration ayant existé de toute éternité. Cette illusion est tenace. Pourtant, la réalité est autre : l'espèce humaine est issue de la nature, qu'elle transforme par le travail (agriculture, élevage et  production industrielle).  Tout le problème, qui remonte à loin1  dans l'histoire, réside dans la durabilité, ou non, de ces activités. Il s'agit donc de penser, non des objets figés (comme l'Homme ou la Nature, avec des initiales majuscules), mais des processus, des interactions de dynamiques « naturelles » et sociales.
 

En liant, dans les « Thèses sur Feuerbach » (1846), la double question de la « nature de la nature » et de la « nature de l'humanité », la philosophie de Marx (1818-1883) se situe en harmonie avec ce point de vue, aujourd'hui dominant.  Dans la première thèse, Marx édifie une conception novatrice de la nature, désormais saisie comme pratique humaine : alors que dans les matérialismes antérieurs, dont celui de Ludwig Feuerbach (1804-1872), « (...) l'objet, la réalité, le monde sensible [ne] sont saisis que sous la forme d'objet ou d'intuition », il s'agit de les penser « en tant qu'activité humaine, en tant que pratique2 ».   La nature « vierge », celle dont l'homme serait absent, n'existe plus nulle part, sauf peut-être « dans quelques atolls australiens de formation récente3 ».   Voilà pour la « nature de la nature ».

 

Mais il faut aussi penser la discontinuité entre la nature et l'humanité. Un être humain est un être biologique, mais pas seulement. D'où l'énoncé de la sixième thèse sur Feuerbach : « (...) l'essence humaine n'est pas une abstraction inhérente à l'individu singulier. Dans sa réalité, elle est l'ensemble des rapports sociaux.4 »   Ainsi ce n'est plus dans une abstraction comme l'âme qu'il convient de chercher l'essence humaine (le fait qu'un être humain est un être humain), mais dans le fait que l'homme biologique, initialement candidat à l'humanité, s'hominise en s'appropriant et en enrichissant tout au long de sa vie une culture qui lui est extérieure. Voilà pour la « nature de l'humanité ».

 

 

« La production capitaliste … ne fait qu’épuiser les sources originaires de toute richesse : la terre et le travailleur »

 

Combinons les deux thèses5  puisque nature et sociétés humaines interagissent depuis les origines. La nature devient alors produit des rapports sociaux. La question cruciale des relations entre les êtres humains et leurs environnements est dès lors étroitement liée à celle des relations entre les êtres humains eux-mêmes.  Que ces rapports soient brutaux et destructeurs, que la rapacité, l'oppression et l'exploitation dominent, et voici ce à quoi nous assistons aujourd'hui : le pillage aveugle de l'environnement « naturel », l'altération des mécanismes d'équilibration et la marchandisation destructrice d'un patrimoine commun à tous les êtres humains. En effet, comment donc ne pas voir avec Marx et Engels que c'est bien la brutalité des rapports des hommes entre eux qui gouverne la brutalité de leurs rapports à la nature ?  Et que, comme Marx le note dans Le Capital en 1867 : «[...] la production capitaliste, en développant la technologie et en réunissant dans un ensemble social l'action de divers processus, ne fait qu'épuiser les sources originaires de toute richesse : la terre et le travailleur.» 


Inversement, on pourrait imaginer que dans un monde où prévaudraient des rapports sociaux justes, épanouissants et harmonieux, les conditions seraient créées pour une gestion rationnelle donc non-destructrice des richesses environnementalesde la planète. 


 

C’est la déraison de l’ « ordre » libéral qui est à l’origine de l’affrontement

 

Et nous voici donc invités à penser l'avenir écologique du monde en termes d'émancipation humaine. Le drame de Sivens est que les écologistes n'ont pas tort de vouloir protéger une zone humide vitale pour les oiseaux migrateurs. Ou de prétendre préserver une forêt. Ou de dénoncer un projet de barrage jugé surdimensionné par rapport aux besoins hydriques réels des agriculteurs. Mais ceux-ci ont raison de défendre leur métier qui est de  produire des aliments en cultivant ou en utilisant leur environnement. Le problème est que ni les uns ni les autres ne perçoivent spontanément que les causes du conflit qui les oppose réside dans l'ordre libéral ! Les écologistes croient que les cultivateurs sont responsables de la destruction de l'environnement. Les cultivateurs pensent que les « écolos » veulent les empêcher de faire leur métier. Alors que c'est la déraison de « l'ordre » libéral qui est la cause réelle de l'affrontement. On sait que la concurrence est démentielle en matière agricole, notamment sur le maïs si important dans la composition des aliments pour le bétail. Or les producteurs américains de maïs, dont la culture extensive est protégée sous diverses formes par les Etats concernés, sont mis en capacité commerciale d'exporter une partie de leur production dans le sud-ouest de la France ! Ce qui conduit à une fuite en avant destructrice et inutile dont l'affrontement de Sivens – ou la tentation des organismes transgéniques - est l'aboutissement tragique. Certes, cette fuite en avant est sans issue dans le cadre d'une économie libérale, mais le comprendre éviterait aux uns et aux autres de se tromper d'adversaire, et peut-être un jour les engagerait à faire front commun contre la cause unique de ce genre de tragédie.
Pascal Acot

 

1-  Des extinctions d'espèces causées par des sociétés humaines surviennent dès le paléolithique. La semi-désertification de l'actuel Proche-Orient a été provoquée par le surpâturage depuis le néolithique.

2-  Marx, K., Engels, F., L'idéologie allemande, Paris, Editions Sociales, 1968, p. 137.
3-  Ibid. p. 71.

4-  Ibid.p. 140.

5-  Marx ne l'a jamais fait explicitement.



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