5 ministres de l'économie ( Allemagne, France, Pologne, Italie, Espagne ) viennent dans une tribune de réclamer à la commission européenne de proposer aux états membres une nouvelle stratégie industrielle et l'accuse de "ne pas avoir su protéger durablement" son industrie "contre des pratiques commerciales parfois injustes, ni lui consacrer les investissements nécessaires".
Nos ministres européistes seraient-ils devenus protectionnistes, populistes, repliés sur eux-mêmes ?
Faut-il voir dans cette tribune la revendication de l'indépendance économique ? : "Renoncer à l'industrie, c'est renoncer à notre maîtrise collective des objets et des technologies qui structurent nos modes de vie. C'est donc accepter une forme de dépendance."
Serait-ce une position populiste et nationaliste, visant au repli sur soi ? : "pour contrôler les investissements directs extérieurs", ..."les dispositifs nationaux existants des Etats membres doivent être renforcés..."
Proposeraient-ils donc d'abandonner la "concurrence libre et non faussée" ? de remettre en cause les dogmes des traités européens ?
Gardons-nous de nous enthousiasmer.
1 - Les peuples européens, et notamment ceux des pays représentés par nos vaillants ministres, deviennent allergiques à l'UE, à sa politique austéritaire, au pillage des industries nationales par les financiers, au chômage grandissant. Les multinationales ont atteint une quantité de restructurations difficilement supportable par les salariés et leurs familles. Une première raison pour se préoccuper enfin de réindustrialisation.
2 - La pression mondiale sur les salaires et le chômage qui l'accompagne deviennent contreproductives pour les capitalistes eux-mêmes. Une déflation ou une chute globale de demande pourrait en être la conséquence et déclencher une crise mondiale, notamment en Europe. (http://www.actioncommuniste.fr/2017/02/alerte-croissance-des-salaires-en-berne-risque-de-la-demande-globale-ou-deflation-l-austerite-ca-ne-marche-pas-le-capitalisme-nous-e)
3 - Les ministres s'en tiennent rigoureusement aux frontières européennes. Pas question que les Etats retrouvent leur souveraineté en matière économique. Sans compter les voeux pieux tels que "contrôler les investissements directs extérieurs". Les multinationales sont des montages financiers tellement complexes qu'il est difficile de les contrôler A moins de donner davantage de pouvoirs aux Etats et aux salariés pour ce faire.
4 - Ils accusent la commission européenne de ne pas avoir "consacrer les investissements nécessaires" à l'industrie. Ils lui demandent donc de faire des investissements à la place des actionnaires selon le principe " nationaliser les investissements et privatiser les profits".
4 - Enfin la commission européenne va faire appliquer le CETA, traité canadien cheval de Troie des importations de produits industriels et de services étasuniens ... Et ceci avant que les peuples et les parlements nationaux aient ratifié ledit traité.
5 - Enfin cette tribune des ministres a été précédée d'une déclaration commune des patrons européens ( publiée ici le 23 février : http://www.lemoci.com/lettre-confidentielle/industrie-strategie-les-patrons-europeens-reclament-une-strategie-industrielle-a-lechelle-de-lue/) appelant "la Commission européenne à jeter au plus vite les bases d’une nouvelle stratégie industrielle" ... Les patrons européens ( et non pas seulement les patrons des multinationales ) prennent conscience que la mondialisation dans laquelle ils se sont jetés à corps perdu n'est plus aussi bénéfique pour eux qu'à ses débuts. D'où le changement de stratégie. Et la ligne nouvelle du patronat européen que nos ministres se sont empressés de relayer.
Le problème des capitalistes, des spéculateurs financiers et des actionnaires est qu'ils ne sont capables que de stratégie financière et donc industrielle à très court terme. Il y a une contradiction inhérente au capitalisme à voir en 2016 la France décrocher le titre du « plus gros payeur de dividendes » avec une progression de 11,8 % à 54,3 milliards de dollars et dans le même temps devenir un désert industriel.
D'où la nécessité impérieuse de leur retirer le pouvoir en matière économique, de nationaliser les secteurs stratégiques de l'industriel, de la banque et des assurances, en donnant des pouvoirs accrus aux salariés - et aux usagers en ce qui concerne les services - pour veiller sur la gestion de l'entreprise.
Mais dans l'immédiat, méfions-nous. Et surveillons les recommandations de Bruxelles. Elles n'ont jamais été en faveur des salariés, ni des classes populaires.
Yvette Genestal
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