La valeur de la monnaie américaine annoncée chaque matin par ce site Web depuis sa création en 2010 est devenu « la » référence pour qui veut acheter des dollars au marché noir (et pour qui les vend). Comment les créateurs de DT établissent-ils le prix de la devise ? En s’appuyant sur les variations du taux pratiqués par les bureaux de change de… Cúcuta (ville située sur la frontière, côté colombien) !
Cette curiosité a pour origine la « résolution numéro 8 » émise par la Banque de la République (la banque centrale colombienne) le 25 mai 2000, durant le gouvernement d’Andrés Pastrana. Il en résulte que si celle-ci établit la parité du peso, sa monnaie nationale, avec le bolivar, elle autorise les cambistes de la frontière, hors de tout contrôle, à établir leurs propres taux. Ce qu’ils font, en les manipulant arbitrairement et de façon disproportionnée.
Il existe, à Cúcuta, plusieurs centaines de ces bureaux de change légaux et illégaux. En vertu d’une autre loi colombienne tout aussi ahurissante, ces officines peuvent effectuer toute transaction sans les reporter aux autorités de tutelle, pour peu qu’elles soient inférieures à 10 000 dollars – mécanisme on ne peut plus utile pour blanchir l’argent du narcotrafic.
C’est donc cette mafia qui, théoriquement, alimente de ses données Dollar Today. Dont les responsables vivent, comme il se doit, à Miami, d’où ils mènent leur activité. Le plus connu d’entre eux s’appelle Gustavo Díaz. Ancien militaire, il a participé le 11 avril 2002 au coup d’Etat contre Chávez et a été nommé sous-chef du cabinet militaire (Casa Militar) durant l’éphémère « gouvernement » du président de facto Pedro Carmona. Expulsé de l’armée, il a demandé en 2005 l’asile politique aux Etats-Unis et l’a bien sûr obtenu.
Qu’on examine cette configuration mafieuse par n’importe quel bout, une conclusion s’impose : c’est avec le soutien de Washington et des autorités de Bogotá qu’est mise en œuvre cette distorsion économique permettant de dévaluer artificiellement la monnaie vénézuélienne et de faire exploser l’inflation (720 % en 2016 d’après le FMI). Le 10 juillet 2015, l’économiste et analyste politique Tony Boza expliquait que DT n’est pas une page Web, « mais le mécanisme que la Colombie a inventé pour agresser l’économie vénézuélienne ; c’est un acte de guerre ; c’est l’équivalent d’un Plan Colombie, économique, contre le Venezuela [1]. » Rencontré en juin dernier, Luis Salas ne dit pas autre chose : « Pour réussir à se positionner comme référence du taux de change, il faut une organisation et une capacité de communication qu’une page Web, à elle seule, ne possède pas. » [...]
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