Un peu moins de trains Intercités en Haute-Normandie, un peu plus en Basse-Normandie : le rapport de la commission Duron remis mardi à Alain Vidalies, le secrétaire d’État aux Transports, n’a pas fini de faire couler de l’encre, en Normandie comme dans de nombreuses régions françaises. « Le rapport Duron semble n’être que le support pour le gouvernement et la SNCF pour se désengager de la question des transports ferroviaires en France et pour esquiver le dialogue. Un débat parlementaire apparaît impératif pour qu’enfin chacun puisse s’exprimer », souligne Agnès Canayer, Catherine Morin-Desailly et Charles Revet, trois sénateurs UMP et UDI de la Seine-Maritime.
TER et TET !
S’ils se « félicitent » qu’une décision soit préconisée pour l’achat de « matériel neuf » sur la ligne Paris-Rouen-Le Havre, ils déplorent que « le rapport n’évoque ni les perspectives d’aménagement du territoire ni la qualité du service public ferroviaire, sujets fondamentaux pour le développement économique de la Normandie ».
« Ce rapport, s’il était repris par le gouvernement, amènerait à une remise en cause profonde du rôle du ferroviaire dans notre pays et aurait des conséquences fortement néfastes sur l’aménagement du territoire, sa seule et unique orientation étant de répondre aux politiques d’austérité demandées par Bruxelles, donc de diminuer les dépenses publiques, donc la baisse des moyens alloués par l’État pour le ferroviaire », souligne pour sa part Gilles Croguennec, secrétaire du PCF au Havre.
« Des lignes comme celles de Paris-Rouen-Le Havre ou Paris-Évreux-Caen-Cherbourg-Deauville seront touchées, explique pour sa part Jean-Luc Lecomte, leader PCF dans l’Eure. L’impact négatif sur des gares comme Val-de-Reuil, Gaillon, Vernon ou encore Bernay sera important. Nous ne devons pas accepter cela. usagers. Notre principale cible n’est pas la SNCF mais l’Autorité organisatrice des transports, l’AOT, qui a la responsabilité des trains Intercités. »
Le rapport de la Commission Duron ne parle que des trains de nuit (ils ne concernent pas la Normandie) et des Intercités, ces Trains d’équilibre du territoire (TET) sous la houlette de l’État. Il n’évoque pas les TER, les Trains express régionaux, qui, eux, sont sous la responsabilité des Régions qui y investissent lourdement. Parfois même, la Région se substitue à l’État. C’est le cas par exemple pour assurer une partie du service Paris-Rouen-Le Havre et sur la ligne Paris-Dieppe. D’ailleurs, même en interne, certains cadres de la SNCF admettent que le réseau TER de Normandie est « parmi les meilleurs de France ». Nicolas Mayer-Rossignol, le président du conseil régional de Haute-Normandie, qui a la charge des TER, rappelle volontiers que les résultats de ces derniers sont « salués unanimement ».
st. s.
s.siret@presse-normande.com
Dénonçant une dégradation de la ponctualité des trains régionaux, l’association UFC-Que Choisir a appelé mardi les usagers à la mobilisation en lançant une application pour mieux recenser les retards et une pétition pour l’instauration d’une tarification variable en fonction de la qualité réelle des transports. « En 2014, seulement 89,5 % des TER (Trains express régionaux) sont arrivés à destination avec un retard inférieur à 6 minutes » et « malgré plus de 7 milliards d’euros investis par les régions dans le renouvellement des TER depuis 2002, on constate une dégradation inacceptable de la ponctualité, qui était meilleure il y a dix ans (90,4 %) », fait valoir l’organisation de défense des consommateurs dans un communiqué.
En réalité, les résultats sont très variables d’une région à l’autre. En dépit de critiques récurrentes, la Haute-Normandie (93,3 %) fait finalement figure de très bon élève en France avec la Basse-Normandie (93,3 %) et la Bretagne (93,9 %). Ces trois régions font presque aussi bien que Champagne-Ardennes (94,1 %) et l’Alsace (95,2 %). Et nettement mieux que la moins bien classée, Provence-Alpes-Côte d’Azur (77,3 % de ponctualité).
Le Point - Publié le
En Normandie, trois liaisons ferroviaires sont concernées par le rapport Duron qui préconise néanmoins un renforcement du Paris-Caen.
« Un abandon de la ligne Caen-Le Mans-Tours aboutirait à un affaiblissement de cette ligne que nous ne pourrions accepter", estiment les trois présidents PS des régions concernées. © GEORGES GOBET / AFP
La Normandie est trop proche de Paris pour avoir bénéficié d’un TGV. Et trop de villes maritimes, Cherbourg, Le Havre ou Dieppe, ne permettent pas de prolongement de lignes pour les rentabiliser. Aussi, la région est irriguée par des trains Intercités, qui sont au cœur du rapport de Philippe Duron, député PS du Calvados et ancien maire de Caen. Sans surprise, la ligne Caen-Le Mans-Tours, dont le déficit a été pointé voici dix ans, est exclue du réseau Intercités.
Voilà déjà plusieurs années que les trains express régionaux (TER cofinancés par les régions Basse-Normandie, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire) ont supplanté les Corail Intercités. Entre Alençon (Orne) et Le Mans (Sarthe) distants de 70 kilomètres, 10 TER quotidiens contre seulement deux Intercités. « Très peu de passagers empruntent la ligne complète entre Caen et Tours », estime Philippe Duron, au micro de France Bleu Basse-Normandie. Il préconise deux lignes TER : Caen-Le Mans et Le Mans-Tours.
Avant même la publication du rapport, les présidents PS des trois régions concernées ont tenté de bloquer l’aiguillage : « Un abandon de la ligne Caen-Le Mans-Tours aboutirait à un affaiblissement de cette ligne que nous ne pourrions accepter. Au-delà, c’est bien d’aménagement du territoire dont on parle. Souhaite-t-on que des territoires périphériques soient désertés et que le sentiment de relégation se renforce encore auprès des habitants ? » Et de réclamer un débat au Parlement.
Pierre Ménard, président haut-normand de Convergence nationale rail (CNR), qui regroupe usagers et cheminots, entend rappeler à la SNCF ses obligations pour rendre « équitable » l’accès aux transports : « Pas question que la SNCF demande aux régions de payer. Si deux régions voisines ne sont pas d’accord, l’offre de transports diminuera. »
Le sort de la ligne Paris-Rouen-Le Havre semble un peu moins rude : selon des chiffres fournis par la SNCF, les 23 liaisons quotidiennes, dont 13 allant jusqu’au Havre, seraient réduites à 13, dont 4 jusqu’au Havre [note des auteurs du blog : c'est quand même une réduction de 50 % pour Rouen et de deux tiers pour Le Havre ]. Avec un taux d’occupation de 57 %, l’exploitation de cette ligne se solde par un déficit de 8 millions d’euros pour 95 millions de chiffre d’affaires. « Il est hors de question de diminuer le service Paris-Rouen-Le Havre. Ce serait frontalement contradictoire avec tous les investissements qui sont engagés par la SNCF, l’État et la région, à mon impulsion sur la vallée de la Seine», déclare à Paris-Normandie Nicolas Mayer-Rossignol, président PS du conseil régional de Haute-Normandie. Trois sénateurs UMP et UDI de Seine-Maritime, qui regrettent de ne pas avoir été reçus par la commission Duron, demandent eux aussi un débat au Parlement. [ Note des auteurs du blog : Nicolas Mayer-Rossignol oublie qu'il a voté la loi sur la SNCF que les cheminots ont combattu avec vigueur en Juin 2014 et que les socialistes ont toujours voté à Bruxelles pour la casse de la SNCF. Ils n'ont jamais défendu le service public SNCF, car un service public n'a pas à être rentable. Son utilité sociale dépasse largement son coût global ...]
En revanche, pas de restriction pour la ligne Paris-Caen (10 millions d‘euros de bénéfices annuels) : le rapport préconise le renforcement des moyens en raison du potentiel de développement. Sur le tronçon Caen-Cherbourg, Philippe Duron recommande de nouvelles lignes TER. Confrontés à des retards quasi quotidiens, les 7 000 usagers quotidiens de la ligne Cherbourg-Caen-Paris y trouveront-ils leur compte ? Début mai, le président de la SNCF a annoncé 235 millions de travaux de rénovation sur la ligne entre 2015 et 2020. Mais l'âge des 29 locomotives n'arrange rien : les 8 BB 26000 ont 22 ans et les 21 BB 15000 dépassent 30 ans..
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