Vu sur le site du Figaro
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour les économistes David Cayla et Henri Sterdyniak, le sort de l'aciérie d'Ascoval est loin d'être isolé. Ce site est selon eux victime d'une démission de l'État en matière de politique industrielle, illustrée notamment par le remplacement d'Arnaud Montebourg par Emmanuel Macron à Bercy en 2014.
FIGAROVOX.- L'aciérie d'Ascoval (Hauts-de-France) a jusqu'au 7 novembre pour trouver un repreneur. L'État est actionnaire du groupe Vallourec, propriétaire de l'usine: que pourrait-il faire pour sauver le site?
David CAYLA et Henri STERDYNIAK.- Avec plus de 15 % des actions (14,56 % pour Bpifrance et 1,66 % pour la Caisse des dépôts) l'État est en effet le principal actionnaire du groupe Vallourec, une entreprise de taille mondiale spécialisée dans la production de tubes d'acier. Derrière l'État, détenant un peu moins de 15% du capital, se trouve le groupe japonais Nippon Steel & Sumitomo Metal, puis vient l'actionnariat salarié qui possède moins de 5 % du capital. Le problème de Vallourec, c'est que le capital est en majorité (65 %) est «flottant», c'est-à-dire détenu par des investisseurs de marché qui n'ont pas d'engagement à long terme dans cette société. L'absence d'investisseur majoritaire exerce une pression sur le management qui doit concentrer ses objectifs sur la maximisation du cours boursier, ce qui implique une gestion à court terme et pousse à se débarrasser des sites de production les moins rentables.
Ainsi, même s'il est le principal actionnaire, l'État ne pèse pas suffisamment pour contraindre la direction à revoir sa stratégie. D'ailleurs, alors que le ministre de l'économie Bruno Le Maire se dit prêt à accompagner financièrement un éventuel repreneur, Phillippe Crouzet, le président de Vallourec, vient d'exclure toute participation de son groupe à une offre de reprise. Vallourec étant le principal client d'Ascoval, une reprise sans son accord n'aurait aucun sens.
Pour sauver le site, il faut évidemment investir dans l'appareil productif. Mais il faut également trouver des clients et développer une stratégie de diversification pour éviter que cette entreprise sous-traitante soit à la merci de clients bien plus puissants qu'elle. Ceci suppose que l'État indique clairement sa volonté d'assurer la pérennité de cette entreprise et surtout de l'ensemble de la filière en amont comme en aval.[...]

David Cayla est économiste, maître de conférences à l'université d'Angers.
Henri Sterdyniak est économiste à l'OFCE.
Tous deux ont contribué à l'ouvrage collectif, coordonné par Henri Sterdyniak, Macron, un mauvais tournant (Les liens qui libèrent, 2018).
Autres ouvrages de ces auteurs :


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