13 Juillet 2016 , Rédigé par aragon 43 ( le blog de Bernard Lamirand)
MARX ELABORANT LE CAPITAL
MARX ET LA JOURNEE DE TRAVAIL NORMALE ( le capital chapitre X Titre V)
Reprise d’un paragraphe important de Karl Marx sur le travail vu par le capitalisme à son époque.
Je le cite et chacun pourra le mettre en rapport avec ce qui se passe aujourd’hui dans des conditions différentes de l’organisation du travail mais sur le fond "les salopards en chapeau feutre" existent toujours.
« Qu’est-ce qu’une journée de travail ?Quelle est la durée du temps pendant lequel le capital a le droit de consommer la force de travail dont il achète la valeur pour un jour ?Jusqu’à quel point la journée peut-elle être prolongée au-delà du travail nécessaire à la reproduction de cette force ?
A toutes ces questions, comme on a pu le voir, le capital répond : la journée de travail comprend vingt-quatre heures pleines, déduction faite de quelques heures de repos sans lesquelles la force de travail refuse absolument de reprendre son service. Il est évident que par soi-même le travailleur n’est rien autre chose la vie durant que force de travail, et qu’en conséquence tout son temps disponible est, de droit et naturellement, temps de travail appartenant au capital et à la capitalisation.
Du temps pour l’éducation , pour le développement intellectuel, pour l’accomplissement de fonctions sociales, pour les relations entre parents et amis, pour le libre jeu des forces du corps et de l’esprit, même pour la célébration du dimanche, et cela dans les pays des sanctificateurs du dimanche, pure niaiserie !
Mais dans sa passion aveugle et démesurée, dans sa gloutonnerie du travail extra*, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail. Il usurpe le temps qu’exige la croissance, le développement et l’entretien du corps en bonne santé. Il vole le temps qui devait être de respirer l’air libre et à respirer la lumière du soleil. Il lésine sur le temps des repas et l’incorpore, toutes les fois qu’il le peut, au procès même de la production, de sorte que le travailleur, rabaissé au rôle de simple instrument, se voit fournir sa nourriture comme on fournit du charbon à la chaudière, de l’huile et du suif à la machine. Il réduit le temps de sommeil, destiné à renouveler et rafraichir la force vitale, au minimum d’heures de lourde torpeur sans lequel l’organisme épuisé ne pourrait plus fonctionner.
Bien loin que ce soit l’entretien normal de la force de travail qui serve de règle pour la limitation de la journée de travail, c’est au contraire la dépense possible par jour, si violente et si pénible qu’elle soit, qui règle la mesure du temps de répit de l’ouvrier. Le capital ne s’inquiète point de la durée de la force de travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut -être dépensé dans une journée. Et il atteint son but en abrégeant la vie du travailleur, de même qu’un agriculteur avide obtient de son sol le plus fort rendement en épuisant sa fertilité.
La production capitaliste, qui est essentiellement production de plus value, absorption du travail extra, ne produit pas simplement après la prolongation de la journée qu’elle impose la détérioration de la force de travail de l’homme, en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soit au physique, soit au moral - elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force. Elle prolonge la période productive du travailleur pendant un certain laps de temps en abrégeant la durée de sa vie.
Mais la valeur de la force de travail comprend la valeur des marchandises sans lesquelles la reproduction du salarié ou la propagation de sa classe seraient impossible. Si donc la propagation contre nature de la journée de travail , à laquelle aspire nécessairement le capital en raison de son penchant démesuré à se faire valoir toujours davantage, raccourcit la période vitale des ouvriers, et, par suite, la durée de leurs forces de travail, la compensation des forces usées doit être nécessairement plus rapide, et, en même temps, la somme des frais qu’exige leur reproduction plus considérable, de même que pour une machine la portion de valeur qui doit être reproduite chaque jour est d’autant plus grande que la machine s’use plus vite, il semblerait en conséquence, que l’intérêt même du capital réclame de lui une journée de travail normale."
nota : cette reprise du chapitre X Titre V la lutte pour la journée de travail normale mérite toute notre attention dans les conditions d’aujourd’hui avec le capitalisme qui hurle pour l’allongement du temps de travail sur la journée, les dimanches, les nuits, sur la vie avec le recul de l’âge de la retraite mais aussi avec les puissants moyens de la révolution informationnelle lui permettant d’organiser mieux encore l’exploitation des salariés dans toutes les formes de précarité des emplois et y compris en utilisant des formes de travail comme elles existaient au 19eme siècle autour du travail aux pièces avec maintenant des salariés transformés en auto-entrepreneurs et dont le travail dépend du capital et de l’organisation qui lui permettra d’extorquer le maximum de plus value en payant la force de travail à l’instant T.
Bernard LAMIRAND
*la plus-value extra (ou différentielle). Marx s’étend peu sur cette plus-value. On peut pourtant considérer qu’elle est particulièrement enrichissante dans tous les sens du terme : pour le capitaliste et pour l’analyse que l’on peut faire du capitalisme. La plus-value extra est obtenue dès lors qu’un capitaliste réalise – via des innovations – des gains de productivité qui lui permettent de produire les mêmes biens mais en moins de temps que ses concurrents
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