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ACTION COMMUNISTE

 

Nous sommes un mouvement communiste au sens marxiste du terme. Avec ce que cela implique en matière de positions de classe et d'exigences de démocratie vraie. Nous nous inscrivons donc dans les luttes anti-capitalistes et relayons les idées dont elles sont porteuses. Ainsi, nous n'acceptons pas les combinaisont politiciennes venues d'en-haut. Et, très favorables aux coopérations internationales, nous nous opposons résolument à toute constitution européenne.

Nous contacter : action.communiste76@orange.fr>

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Humeur

Chaque semaine, AC attribue un "roquet d'or" à un journaliste qui n'aura pas honoré son métier, que ce soit par sa complaisance politique envers les forces de l'argent, son agressivité corporatiste, son inculture, ou sa bêtise, ou les quatre à la fois.

Cette semaine, sur le conseil avisé de la section bruxelloise d'Action communiste, le Roquet d'Or est attribué  à Thierry Steiner pour la vulgarité insultante de son commentaire sur les réductions d'effectifs chez Renault : "Renault fait la vidange"...  (lors du 7-10 du 25 juillet).


Vos avis et propositions de nominations sont les bienvenus, tant la tâche est immense... [Toujours préciser la date, le titre de l'émission et le nom du lauréat éventuel].

 

 
27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 15:23

bernard-maris.jpg

L'économiste Bernard Maris est professeur des universités à l'Institut d'études européennes de l'université Paris-VIII. Il est membre du conseil général de la Banque de France.

 

Alors qu'il était pour la monnaie unique depuis 25 ans,

il a changé d'avis : maintenant, il est pour la sortie de l'euro.

 

Bernard Maris écrit :

 

L'autre politique économique, ou comment échapper aux Chinois.

 

Sortir de l'euro permettrait de retarder la conquête de notre marché du travail par la Chine.

 

Existe-t-il un autre modèle que le modèle Valls – Fillon – Juppé – Sarkozy ? Oui, il y en a un, et un seul. C'est le modèle macroéconomique fondé sur une sortie totale ou partielle de la zone euro. Autrement dit, et je pèse mes mots, si on ne sort pas partiellement ou totalement de la zone euro, la seule politique macroéconomique possible est celle de Valls-et-les-autres.

 

– Si l'on garde l'euro, le seul moyen de ne pas crever face à la politique menée par l'Allemagne est de mener une politique de contre-offensive en vendant nos produits faits par nos petites mains, travaillant plus dur et plus longtemps pour des salaires plus faibles. A cette seule condition, on peut espérer tenir sur le radeau. Combien de temps ? Un demi-siècle environ. Après, toute la technologie sera passée aux Indiens et aux Chinois, qui deviendront nos employeurs.

 

– Une sortie totale ou partielle de la zone euro permettrait à l'économie française de se redresser plus rapidement, avec un coût inférieur en termes de pouvoir d'achat et de souffrance sociale. On gagnerait 25 ans environ par rapport au plan Juppé-Valls. Une génération de gagnée. Une cohésion sociale plus forte, pour envisager l'avenir (les conditions de travail offertes par nos futurs employeurs, les Chinois et les Indiens ; les conditions de rivalité de nos anciens amis – les Espagnols, les Allemands, etc, à qui nous aurions damé le pion).

 

Je ne vais pas exposer à nouveau les conditions d'une sortie intelligente et raisonnée de l'euro, négociée avec nos partenaires de la zone.

 

On aura beau dire que, français ou étranger, un patron est d'abord un patron, et que son capital comme son âme, par définition, sont mondialistes ou apatrides ou internationaux, un gouvernement français dominé par des patrons étrangers serait totalement soumis, muselé, sans aucun pouvoir.

 

Un gouvernement français dominé par des patrons français aurait plus d'autonomie parce qu'il pourrait négocier ses prébendes, fiefs, affermages contre quelques avantages sociaux relevant du modèle dit « français ». Or, pour pouvoir négocier ces fiefs, affermages (ainsi les concessions des autoroutes honteusement refilées par Villepin), il faut au moins être propriétaire du bien public fondamental qu'est l'argent.

 

Donc il faut sortir partiellement ou totalement de l'euro. Pourquoi l'euro ? Pour l'Europe fédérale. Qui veut de l'Europe fédérale ? Hollande et Bayrou. C'est peu. L'Allemagne ne veut pas d'Europe fédérale, ni l'Espagne, ni l'Italie, ni personne. Peut-être la Belgique et le Luxembourg, mais certainement pas le Royaume-Uni, la Pologne ou l'Irlande. Ou l'Italie. Ciao l'euro, et vraiment pas de regret !

 

Source : Charlie Hebdo, mercredi 24 septembre 2014, page 6

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21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 13:19
Nous publions ici un texte paru sur le site d'Attac.  Nous ne partageons pas la stratégie altermondialiste ( altercapitaliste ?) d'Attac.  Mais Attac se bat contre les traités CETA ( UE-Canada), TAFTA ( Traité transatlantique Etats-Unis-UE), ACS (Accord mondial sur le commerce des services, négocié dans le cadre de l'OMC) et a raison.  Ces traités sont mortifères pour les salariés, les usagers des services publics.   Les traités transatlantique et UE-Canada montrent pourquoi les capitalistes des grandes firmes transnationales ont oeuvré à la création de l'UE. C'est l'UE et ses institutions qui leur permet d'imposer aux peuples, sans consultation, sans discussion, par un coup de force permanent, des décisions qui devraient être votées par leur représentation nationale. 
En France, ç'aurait été du devoir de nos élus nationaux d'impuser un débat public sur ces traités et d'en éclairer les objectifs et les conséquences nationales.  Car ces textes renforceront le camp des grandes multinationales et leur contrôle de toutes les décisions publiques, de toutes les politiques décidées.  Mais nos "élites" nationales, technocrates, politiciens de droite ou de "gauche" sont trop contents d'abandonner les mauvais coups à Bruxelles.  Certains parlementaires européens avouent même dans les colonnes de Marianne (4 juillet 2014) avoir voté pour les discussions sur l'ACS sans vraiment avoir compris de quoi il retournait ... Les négociations secrètes concernant ces traités, les décisions prises, soulignent combien le pouvoir supranational de l'UE est contraire à notre Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen qui affirme : " Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément". C'est pourquoi, contrairement à Attac, nous pensons que nous ne pouvons pas exercer notre souveraineté par le biais des institutions européennes.  Et tout ce que décrit Attac à propos des traités le démontre. 
Ce combat est ainsi intimement lié à notre bataille contre l'intégration européenne et l'exploitation capitaliste.  C'est pourquoi nous nous battrons dans un même mouvement contre ces traités et leurs conséquences pour les Français, pour la sortie de l'Union Européenne et pour une politique de coopération et d'échanges mutuellement avantageux entre les Etats, non soumise aux dumpings sociaux et environnementaux.  
Attac nous incite à demander à nos députés "d' exprimer", lors du débat sur ces traités," les plus vives réserves à l'égard, en particulier, des volets «Protection des investissements» et «Coopération réglementaire» de l'accord en passe d'être conclu, et à exiger l'introduction de sauvegardes sans équivoque quant au droit des collectivités publiques à réguler."  Nous ne partageons pas cette proposition. En effet Attac montre dans l'article ci-dessous que tous ces traités poussent à la déréglementation, à la privatisation des services publics, à l'affaiblissement de la souveraineté des Etats et des collectivités locales. Nous  devons donc exiger que les parlementaires refusent de ratifier ce traité.  Un compromis ne ferait que limiter à la marge la déréglementation en matière sociale et environnementale.  Ce serait donc un recul. 
Y.Genestal
Première analyse du texte de l’accord UE-Canada

 

Le texte de l’accord « CETA » formellement conclu le 5 août entre l’Union européenne et le Canada est maintenant établi.

La version « fuitée » aux alentours du 10 août est une version dite consolidée, c’est-à-dire qu’elle est présentée de manière organisée sans que la numérotation des articles soit réalisée. Le texte est daté du 1er août, c’est donc la version la plus récente existante. Elle n’a donné lieu, pour l’heure, à aucune publication officielle [1].

 

Vu l’ampleur du texte (plus de 1 500 pages avec les annexes), la présente analyse procède pour l’instant d’une première lecture, et n’offre pas, bien entendu, d’avis exhaustif sur l’ensemble du texte. Son passage au crible nécessitera plusieurs semaines voire plusieurs mois à nos organisations tant il est complexe, conçu par des spécialistes pour des spécialistes. Bien trop tard, en somme, pour mener le travail d’information et de mise en débat auprès du public, pourtant indispensable au regard de l’étendue des bouleversements politiques qu’induira cet accord : le texte devrait être clos le 25 septembre prochain sans que les citoyens n’aient eu l’opportunité d’en être saisis, donc sans que les élus français ou européens n’aient eu l’opportunité d’infléchir son contenu.

L’analyse d’un certain nombre de ses aspects majeurs permet toutefois de saisir la portée considérable du texte proposé aux États membres, qui devrait être officiellement validé (donc considéré comme clos) le 25 septembre prochain lors d’un sommet entre l’UE et le Canada.

Le Conseil de politiques commerciales qui réunit les administrations respectives en charge des questions commerciales pour les 28 États membres doit se réunir vendredi 12 septembre prochain à Bruxelles.C’est la date jusqu’à laquelle chacun des 28 pourra faire état de ses critiques et lignes rouges vis à vis de ce texte, avant que la DG Commerce y mette la dernière main.
Nos recommandations
Sur le volet transparence/démocratie :

Le Secrétariat d’État français au Commerce extérieur doit urgemment faire traduire et divulguer ce texte, et le soumettre à toute ou partie (les Commissions compétentes par exemple) du Parlement français, ainsi qu’à tous les acteurs de la société civile intéressés au résultat de la négociation : paysans, syndicats, associations de protection de l’environnement, associations de consommateurs, chercheurs et experts indépendants…
À cette fin, les Parlementaires français pourraient interpeller le Premier Ministre Manuel Valls et le Ministre de tutelle du Secrétariat d’État au Commerce extérieur, M. Laurent Fabius, pour qu’ils ouvrent instamment un débat parlementaire concernant le contenu du texte.

La France, dans le cadre du Conseil des ministres du Commerce extérieur et dans le cadre du Trade Policy Committee, doit instamment appeler à la publication du texte de l’accord CETA, et l’organisation d’une consultation publique large et contraignante par la DG Commerce.

À très court terme, sur le contenu du texte :
  • La France doit demander la révision complète et substantielle du chapitre 10 sur la protection des investissements.
  • La France doit demander la révision complète et substantielle du chapitre 26 relatif à la Coopération réglementaire, et de toutes les dispositions sectorielles organisant la coopération entre des autorités de régulation hors des circuits de contrôle démocratique et citoyen.
  • La France doit étendre la liste des exceptions qu’elle instaurera aux obligations génériques de non-discrimination et du traitement national telles que listées dans l’Annexe 2, en particulier concernant tous les services d’intérêt général.
  • La France doit refuser toute disposition dont la formulation allusive pourrait remettre en question son droit d’invocation du principe de précaution.
  • La France doit demander l’introduction du droit à réguler en disposition première et surplombante, de même que contraignante à l’ensemble du texte. Une telle affirmation ne remettra pas en cause la protection légitime des investisseurs en cas de déni évident de justice, mais elle permettra d’éviter la multiplication de recours et de litiges abusifs visant à faire supprimer des règles et normes protégeant à la fois les peuples et la planète, et à dissuader la puissance publique d’exercer son droit souverain à protéger l’intérêt général.
Structure générale de l’accord

L’accord se divise en 42 chapitres : les 2 premiers sont consacrés au préambule et aux définitions, les 7 derniers clarifient une multitude de situations juridiques particulières à travers des déclarations spécifiques (comme le cas d’Andorre, une déclaration sur les Vins et spiritueux, etc.).

La plupart des chapitres portent sur l’organisation de la libéralisation du commerce entre les deux Parties en s’appuyant sur des principes comme le « Traitement national », la « Clause de la nation la plus favorisée » (clause dite « MFN ») ou traitent de questions telles que les subventions, la facilitation du commerce et les procédures douanières, les « règles d’origine », les « barrières au commerce », « mesures sanitaires et phytosanitaires », etc. Certains chapitres portent plus spécifiquement sur les services et l’investissement. Enfin, l’aspect « dérégulation » est traité de manière disséminée dans plusieurs chapitres tels que le chapitre 26 sur la « Coopération réglementaire », les 27, 28, 29 portant sur les divers protocoles de reconnaissance mutuelle de normes dans divers domaines (produits pharmaceutiques, matières premières, etc.), le 31 sur la transparence, le 33 sur le mécanisme de règlement des différends investisseurs-États.

L’accord se complète de quelques 1 000 pages d’annexes diverses dédiées au calendrier, aux offres respectives des parties négociantes, au détail des exceptions qu’elles réservent aux différents volets de l’accord…

Cet accord n’est pas seulement un accord de libre-échange, il s’agit avant tout d’un accord de dérégulation. Il doit être compris pour ce qu’il est, un précurseur politique de l’accord UE/États-Unis.

Comme accord de libre-échange, il opère la plus large libéralisation du commerce international entre l’Union européenne et le Canada, en allant plus loin que les accords de l’OMC.

En tant qu’accord de dérégulation, il installe deux mécanismes qui institutionnaliseront les droits exceptionnels des entreprises transnationales (ETN), désormais appelées à co-écrire les règles les concernant et à déterminer le périmètre de l’intervention publique sans aucune validation démocratique : le mécanisme de règlement des différends Investisseur-État et le « Forum de coopération réglementaire ». Les ETN jouiront grâce à cet accord d’un privilège, celui de se voir appliquer des procédures particulières en dehors du droit commun.

Préambule : le droit à réguler

De façon assez habituelle dans ce type de texte, le préambule de l’accord rappelle les principes qui ont officiellement conduit sa rédaction, à savoir la recherche de la croissance et du développement dans le respect des « Droits humains ». Il est fait référence à la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle et affirme le droit des États de réguler dans ce domaine, y compris par un soutien financier aux activités y afférant. Le préambule affirme également que l’accord « préserve le droit (des Parties) de réguler sur leur territoire (et de) préserver la flexibilité nécessaire pour mettre en œuvre les objectifs de politiques publiques légitimes comme la santé publique, la sûreté, l’environnement, la morale publique et la promotion et la protection de la diversité culturelle ».

Une fois ces affirmations générales faites, l’accord organise pourtant concrètement les moyens de réduire le droit des États à réguler et de donner aux ETN un rôle surplombant. En effet le préambule n’a pas de vocation contraignante pour l’ensemble du texte, alors que les mouvements citoyens demandent de longue date l’affirmation du droit à réguler en article premier de l’accord, et la soumission de toutes les dispositions suivantes à ce premier article.

Au delà du préambule, comme prévu, l’accord réduit les droits de douane agricole dans un certain nombre de produits, et modifie les quotas fixés à l’encontre des viandes canadiennes (entre autres). Mais nous aurons besoin de plus de temps pour analyser les dispositions agricoles en détail.

Il consacre une attention particulière aux indications géographiques, tel que l’UE le défend depuis le lancement de ses négociations avec le Canada et les États-Unis.

Il comporte une partie significative sur les procédures de facilitation du commerce, dans la continuité de la tendance lourde actuelle : dématérialisation des documents de douanes, échange d’informations automatiques (art. X 3-3 et 4. et X-8), mise en place d’un organisme conjoint chargé de simplifier les procédures en douanes (le JCCC art X-14).

Malgré l’énonciation de bons principes dans le préambule, les dispositions contenues dans l’accord EU-Canada ne protègent pas la capacité des États à réguler.
Le volet « Protection des investissements » : des droits inégalés conférés aux entreprises transnationales

Les chapitres 10 et 33 traitent de la protection des investissements, dont la mise en place, à cet effet, d’un mécanisme de règlement des différends investisseur-État.

Le chapitre « Investissement » décrit les conditions d’accès au marché pour les investisseurs de chacune des Parties (article X-4) et stipule comme prévu qu’elles devront accorder en général un traitement rigoureusement identique, en situation identique, aux entreprises nationales et à celles de l’autre Partie (traitement national). Ce principe consiste à considérablement libéraliser les investissements canadiens dans l’UE, et réciproquement, d’autant plus que le texte établit la liste précise de toutes les types de mesures qui seront prohibées par l’accord. Certaines de celles-ci sont d’ailleurs hautement problématiques : par exemple les alinéas 2-a, 2-d ou 2-e de l’article X-4, qui prohibent l’introduction de restrictions liées à la volonté de réguler l’usage des terres, de protéger l’environnement ou de limiter la consommation de ressources naturelles, ou encore de limiter le nombre de licences ou d’autorisations dans le domaine des télécommunications en raison de contraintes physiques ou techniques.

Les alinéas 1-b et 1-c de l’article X-5 relatif aux « exigences de performance » que pourrait fixer l’une ou l’autre des parties à un investisseur sont également problématiques : elles interdisent en effet à une collectivité publique de fixer des seuils minimaux de contenu local à un investisseur, de même que de donner préférence à des produits ou des services locaux dans leurs commandes publiques.

De même le texte prohibe le conditionnement d’avantages (en nature ou sous forme de subventions) à des critères de contenu ou d’origine locale.

Le texte précise ensuite, toutefois, qu’aucune de ces dispositions ne pourra empêcher une collectivité de conditionner un avantage, en particulier une subvention, à l’exigence de « localiser la production, fournir un service, former ou employer des travailleurs, construire ou développer des facilités ou des infrastructures, ou conduire des activités de recherche-développement sur le territoire ». Mais c’est là le propre des subventions.

La section définissant les obligations de protection des investissements des parties au traité détaille la définition de l’expropriation directe ou indirecte (Annexe X-11 de la section investissements), sachant que cela peut être défini par un faisceau d’indices multiples parmi lesquels le fait que les mesures ont un « effet sur la valeur économique de l’investissement » (Annexe 11, 2-a) ou qu’elles aient un impact sur les « retours sur investissements raisonnablement escomptés » (2-b). Le texte permet donc aux entreprises européennes et canadiennes de fonder la rentabilité de leurs investissements sur une garantie de stabilité réglementaire et/ou normative, garantie du financement immédiat de leur projet et garantie des profits futurs.

Ce point est extrêmement important et il est nouveau. Le caractère extraordinairement flou de la notion ouvre toutes les portes aux interprétations favorables aux entreprises, et suspendra une épée de Damoclès sur toute décision publique ; comment la puissance publique pourrait-elle effectivement garantir l’intangibilité des lois et des règlements applicables aux acteurs économiques privés ? C’est pourtant bien ce que suggère le texte de l’accord. De plus, seront attaquables les mesures « manifestement excessives », y compris celles prises dans le but de protéger des « objectifs publics légitimes tels que la santé, la sûreté et l’environnement », mais seulement dans des « circonstances exceptionnelles » (point 3 du même article).

Le texte précise également la notion de « traitement juste et équitable », fréquemment invoquée dans les litiges relatifs à l’investissement, et considérée par les observateurs indépendants comme bien trop floue et subjective dans les traités existants, en particulier ceux initiés par les États-Unis. L’article X-9 circonscrit un peu mieux la notion, pour la limiter aux cas évidents de déni de justice, de discriminations évidentes liées au sexe, à la race ou à la religion de l’investisseur, et à la violation des dispositions relatives à la non-discrimination, au traitement national et à la clause « MFN ». Il précise également qu’une violation d’une autre clause du traité ne constituera pas un motif de violation des obligations de traitement « juste et équitable » à l’égard d’un investisseur (et ne pourra donc automatiquement fonder un litige arbitral).

La section 5 de la partie dédiée à la protection des investissements est consacrée quant à elle aux exceptions possibles au reste des dispositions générales définies préalablement en la matière. Elle stipule que les réserves possibles aux obligations en matière d’investissement sont libellées dans les annexes 1 et 2 du traité.

Or la liste des réserves formulée au plan communautaire, comme par la France spécifiquement, ne semble pas spécifier clairement que les services d’intérêt général que sont l’éducation, la santé ou encore les services sociaux seront explicitement des secteurs soustraits à la libéralisation des investissements. Tout au plus est-il fait mention de la possibilité, pour l’UE ou pour l’un de ses États membres, d’interdire ou de limiter la prise de participation étrangère dans des entreprises publiques ou dans une structure considérée comme gouvernementale. Mais qu’en est-il de la prise de participation étrangère dans des entreprises de statut privé qui fournissent pourtant des services publics ou d’intérêt général sur une base contractuelle avec l’État ou toute autre collectivité publique ?

En outre les organisations de la société civile avaient beaucoup insisté pour limiter l’usage des listes négatives dans la définition du droit des autorités publiques à réguler et à définir leurs priorités de développement ; elles ont à l’inverse défendu l’affirmation de celui-ci comme le droit commun, assorti de la liste précise des offres d’accès au marché et de facilités faites aux investisseurs. Mais l’analyse de ces annexes démontre que la crainte du système de liste « négative » était parfaitement fondée puisque le droit à réguler est réduit à l’état d’exception, dont la démonstration du bien-fondé reviendra à la puissance publique. Qu’adviendra-t-il de la volonté publique de réguler dans tous les secteurs non listés en annexe du traité lorsque l’intérêt général l’exigera ? Sera-t-elle susceptible d’être attaquée par une entreprise puis soumise à une procédure d’arbitrage ? Et comment sera régulé l’investissement dans des secteurs qui viendraient à émerger dans le futur ? La logique du texte voudrait qu’il ne puisse faire l’objet d’aucune limitation à l’avenir puisqu’aucune mention n’en est faite dans les annexes présentes.

Le volet « Protection des investissements » confère des droits privilégies aux investisseurs étrangers.Malgré de timides avancées, les clauses de protection des investissement « nouvelle génération » proposées dans le présent texte continuent de laisser un certain nombre de notions dans un flou juridique dangereux pour les collectivités publiques et ouvrent la portes à des interprétations favorables aux entreprises, suspendant une épée de Damoclès au dessus de toute décision publique.Le droit à réguler est réduit à l’état d’exception, et clairement limité dans plusieurs cas (prohibition de l’introduction de restrictions liées à la volonté de réguler l’usage des terres, de protéger l’environnement ou de limiter la consommation de ressources naturelles, ou encore de limiter le nombre de licences ou d’autorisations dans le domaine des télécommunications en raison de contraintes physiques ou techniques).
Le mécanisme d’arbitrage des différends ISDS

La section 6 du chapitre 10 décrit précisément le fonctionnement du mécanisme d’arbitrage proposé en cas de litige entre un investisseur et l’une des parties au traité.

Pour rappel, cette clause d’arbitrage permettra aux multinationales canadiennes, ainsi qu’aux autres, notamment américaines possédant une filiale au Canada, de contester les lois et décisions publiques européennes qui affecteraient leurs profits. De telles clauses dans d’autres accords ont déjà permis à des multinationales de contester une augmentation du salaire minimum en Égypte, la sortie de nucléaire ou la protection des rivières en Allemagne, des avertissements de santé sur les paquets de cigarettes en Australie, ou encore ont permis de condamner l’état argentin pour avoir contrôlé le prix de l’eau dans un contexte de grave crise sociale. Les condamnations se traduisent par des amendes en millions voire en milliards d’euros.

Ce mécanisme reprend ce qui est connu désormais dans le chapitre 11 de l’ALENA et dans les quelques 3000 accords bilatéraux sur l’investissement existants.

Il est à noter que le texte exclut l’« importation de clauses » (article X-7, alinea 4) dans le cadre de procédures d’arbitrage, ce qui signifie que l’application de la clause de la Nation la plus favorisée ne pourra permettre à une entreprise (ou aux arbitres d’un différend) de l’invoquer pour exiger des avantages conférés à une partie tiers dans le cadre d’un accord préférentiel plus avantageux [2]. C’était une crainte des organisations de la société civile, que les parties ont prise en compte.

Lorsque le différend porte sur l’investissement, la procédure suivie sera, au choix des parties, celle établie par le CIRDI, par UNICITRAL ou tout autre que les parties choisiront. Sinon, la procédure suivie sera conforme aux règles de l’OMC. Dans tous les cas, il s’agit qu’un organe composé de trois arbitres internationaux, désignés par les parties, qui examine les plaintes des investisseurs (c’est à dire des entreprises) contre des réglementations publiques. L’article X-27 de la section sur l’investissement précise que les arbitres ainsi nommés appliqueront les règles de l’accord. Seule la Convention de Vienne sur l’interprétation du droit des Traités est évoquée, convention qui porte uniquement sur la manière générale de comprendre les traités. Cela veut dire qu’aucun autre texte, de quelque nature que ce soit, ne sera pris en considération par les arbitres, sauf indication contraire de l’accord de commerce invoqué dans le litige. Seule limitation possible : le Comité sur les services et l’investissement pourra proposer au Comité commercial, tous deux instaurés par le traité, une « interprétation contraignante » du texte qui s’imposera aux arbitres. Cette restriction est pour le moins limitée.

La procédure elle-même débute par des consultations et des médiations entamées par une entreprise qui souhaite voir écarter une réglementation (section 2 du chapitre 33), puis, en cas de différend persistant, par la désignation des trois arbitres chargées de trancher le litige. Ces personnes ne doivent pas bénéficier d’un intérêt particulier dans le cas à juger et se conformer à un Code de conduite censé éviter les conflits d’intérêts. Or ces garanties quant à l’éthique et la qualification des arbitres ne suffisent pas, comme l’expliquent de nombreux travaux, par exemple ceux des juristes de l’Institut international pour le développement durable [3] : ils resteront choisis par les parties au litige, et seront nécessairement intéressés à son résultat, dans la mesure les avocats-conseils des parties sont également susceptibles de siéger en tant qu’arbitres. Aucune sanction n’est en outre précisée en cas de manquement.

Ce panel d’arbitrage est habilité à sanctionner les États à la demande des entreprises ressortissantes de l’autre Partie.

Les conséquences de ce type de dispositions sont connues : le flou des motifs pour lesquels les États peuvent être attaqués, l’opacité des procédures d’arbitrage, la connivence des arbitres avec les milieux d’affaires (pour dire le moins), ont amené à des condamnations qui, en retour, ont pour effet d’inhiber le champ de l’action publique et l’affaiblissement des réglementations protectrices des populations. Au mépris des principes démocratiques essentiels, est installé un véritable privilège en faveur des seules entreprises transnationales.

Le mécanisme de règlement des différences entre investisseurs et États proposé dans l’accord EU-Canada met clairement en danger le droit des États à réguler.De très nombreuses études et prises de position, y compris au sein du groupe S&D au Parlement européen, ont montré son caractère archaïque. Les timides aménagements inclus dans le texte de l’accord EU-Canada ne suffisent ni à significativement réduire les possibilité d’interprétation des arbitres, ni à véritablement prévenir les conflits d’intérêts.
L’harmonisation des normes et la coopération réglementaire

Il faut tout d’abord noter que le texte fuité n’introduit pas d’harmonisation ou de reconnaissance mutuelle des normes qui fonctionnerait de manière automatique et globale.

En matière de reconnaissance mutuelle par exemple, le chapitre sur les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS – chapitre 7) stipule bien qu’une Partie n’acceptera la norme SPS de la partie conjointe que si cette dernière démontre « objectivement » que sa norme fournit à la Partie « importatrice » le niveau approprié de protection.

Le texte prévoit cependant à travers la coopération réglementaire (Chapitre 26) des mécanismes qui pourront faciliter la convergence des règlementations et mesures existantes et futures, y compris celles de protection des consommateurs, des travailleurs ou de l’environnement. Les dispositions regroupées sous ce nom de coopération réglementaire permettront une co-écriture des réglementations par les multinationales des deux côtés de l’Atlantique, bien après la ratification de l’accord par les instances démocratiques compétentes, et sans aucun contrôle ultérieur.

La logique exposée dans cette section est la suivante :

  1. les parties au traité ont déjà des engagements multilatéraux en matière de coopération réglementaire, notamment dans le cadre de l’OMC, et reconnaissent le bien-fondé de la coopération réglementaire,
  2. elles affirment leur détermination à assurer un haut niveau de protection du bien-être des humains, des animaux et des végétaux.
  3. sur la base de ces engagements, elles s’engagent à mettre en œuvre la meilleure coopération possible dans le domaine de l’élaboration, l’évaluation et la révision des diverses normes (sanitaires, phytosanitaires, administratives, industrielles, de conformité des procédures…)

Pour une part d’entre eux, les objectifs assignés à ce chapitre sont légitimes : partager un maximum d’informations, échanger sur les risques et situations diverses rencontrées par l’une ou l’autre des parties et qui intéressent l’autre, se tenir informés des initiatives de régulations qu’elles prendront respectivement lorsqu’elles concerneront un aspect ou l’autre du présent traité, en anticiper par des études et recherches les conséquences commerciales…

Mais l’article X-2-4 introduit des objectifs nettement plus problématiques : « : « Sans limiter la capacité de chaque Partie de conduire ses propres politiques législatives et réglementaires de régulation, les Parties s’engagent à développer leur coopération réglementaire à la lumière de leur intérêts communs dans le but de : (a) prévenir et éliminer les barrières non nécessaires au commerce et à l’investissement, ; (b) renforcer le climat de compétitivité et d’innovation, incluant la recherche de la compatibilité réglementaire, la reconnaissance mutuelle et la convergence ; et c) promouvoir des processus transparents, efficaces et effectifs qui améliorent les objectifs de politiques publiques et remplissent les mandats des institutions de régulation, ce qui inclut la promotion de l’échange d’informations et celle des bonnes pratiques. »

Bien entendu l’article X-5 précise : « Ces considérations n’empêcheront pas l’une ou l’autre des Parties d’adopter des mesures différentes répondant à des approches différentes liées à des processus institutionnels et législatifs différents , ou à des circonstances, des valeurs ou des priorités spécifiques à cette Partie. »

Un des risques majeurs réside toutefois dans l’absence de clarté et de précision quant aux modalités de composition, de saisine, de décision et de contrôle du « Forum de coopération réglementaire » mis en place (Article X-6) et responsable d’organiser ce dialogue institutionnel entre les deux Parties. Pourtant celui-ci aura toute compétence pour consulter en toute opacité les « parties privées » (les lobbies de toutes sortes – art X-8) tout au long du processus. Il sera supervisé par un haut-fonctionnaire issu de chacune des Parties, qui auront toute latitude pour inviter « les parties intéressées » aux questions traitées à leur convenance ; il ne sera donc soumis à aucune obligation d’impartialité et de consultation égalitaire entre tous les acteurs concernés.

Il adoptera son propre cahier des charges et sa propre feuille de route, et sera responsable devant le « Conseil du CETA » (l’organisme de supervision de la mise en œuvre du présent accord), en somme des fonctionnaires de la DG Commerce de l’UE et du Ministère canadien du Commerce.

En outre les champs de compétences thématiques ou sectoriels de ce Forum de coopération réglementaire ne sont en rien limités. Or le texte ne donne aucune sorte de précision sur la façon dont sera organisée la participation des États membres et de leurs organismes régulateurs compétents, pas plus que sur la façon dont les circuits de supervision institutionnelle et politique que devra respecter ce FCR.

On voit que ce mécanisme pose deux types de problèmes :

  1. L’accord est « vivant » : l’élaboration et l’évolution réglementaires se poursuivront après la conclusion et la ratification de CETA, sur tous les sujets que les deux parties jugeront nécessaires, si bien qu’aucune disposition d’harmonisation ou de démantèlement des régulations ou réglementations existantes n’est nécessaire dans le présent texte. Toute nouvelle réglementation devra être soumise au préalable au Forum de coopération réglementaire, qui pourra décider de son devenir ; les instances élues compétentes sur les matières concernées dans les pays du l’UE et au Canada n’interviendront au mieux qu’en bout de course, sans avoir pu se prononcer a priori, quand elles sont pourtant les seules légitimes à déterminer, et assurer, l’intérêt général
  2. Il s’agit de mettre en place, à travers le Forum de coopération réglementaire, un comité composé « d’experts », non contrôlés par la puissance publique et par les citoyens, chargés de régulièrement revenir sur les réglementations existantes qui seraient jugées trop lourdes pour la compétitivité des entreprises.

Ces deux aspects nous paraissent poser un problème démocratique fondamental.

On trouve un autre exemple de cette possible coopération réglementaire dans la section 29 du texte, à travers l’article X-03, qui traite de la coopération bilatérale en matière de biotechnologies. Rappelons que sont classifiées « biotechnologies » les organismes génétiquement modifiés ou encore les nanotechnologies.

À première vue le texte appelle tout simplement à développer cette coopération dans le cadre d’une instance déjà existante, créée en 2009, le « Bilateral Dialogue on Biotech Market Access Issues ». Mais les objectifs assignés à ce « Dialogue » laissent penser qu’il pourrait jouer un rôle actif dans la libéralisation du commerce des produits OGM entre l’UE et le Canada. Il se voit ainsi confier la responsabilité de « promouvoir des processus d’approbation basés sur une science efficace concernant les biotechnologies », façon subtile de remettre en cause les méthodologies scientifiques en vigueur dans l’UE comme au Canada, et de discréditer, en particulier, le principe de précaution européen. Il devra également « engager une coopération réglementaire pour minimiser les effets commerciaux adverses des régulations limitant l’usage et le commerce des biotechnologies ». Or qui compose actuellement ce « Dialogue », quelle est la qualification de ses membres, quelles garanties présente-t-il d’une indépendance minimale vis à vis des grands acteurs économiques du secteur, comment sera-t-il contrôlé, ses décisions seront-elles soumises aux représentants élus des citoyens, et dans quelles conditions ?

Les agriculteurs canadiens pratiquent également la chloration de la viande de bœuf, et il est probable que les producteurs obtiendront sa reconnaissance dans l’UE, si pas directement dans le texte de CETA, via le « comité conjoint sur les mesures sanitaires et phytosanitaires » institué par l’accord.

Le principe, louable initialement, de la coopération réglementaire et la création d’un opaque « forum de coopération » font de l’accord EU-Canada un accord vivant. Le travail sur les normes, et en particulier sur les normes sanitaires et phytosanitaires, se poursuivra au-delà de la ratification. Les modalités du contrôle démocratique de ces processus de coopération ne sont nulle part précisées. La mention du terme « science efficace » fait entrer cette partie du texte dans la controverse autours de l’appréciation des risques, et en faisant peser la balance du côté de l’approche nord-américaine, remet en question le principe de précaution.
CETA menace les droits sociaux

Le Canada a proposé d’inclure dans CETA des références aux droits du travail, dont ceux promus par l’OIT, en y assortissant des mécanismes de plaintes et de sanctions financière ou amendes en cas de violations [4].

Mais selon les dernières informations disponibles [5], en dépit de ces demandes, la Commission et les États Membres ont refusé d’inclure cette approche dans le texte final.

Dans le texte fuité, un chapitre entier (24) est consacré au droit du travail. Il affirme l’application des 4 Conventions internationales de l’OIT (liberté d’association et de négociation collective, élimination du travail forcé ou contraint, abolition du travail des enfants, élimination des discriminations au travail, art 3-1 du chapitre 24) et la nécessité de « promouvoir » l’agenda sur le travail décent.

Toutefois, certaines formulations sont inquiétantes : l’article X-3-3 qui annonce que les Parties qui ont l’intention de prendre des mesures de protection sociale doivent « tenir compte des connaissances scientifiques et techniques pertinentes et des standards, lignes de conduites recommandations internationaux s’ils existent, particulièrement s’ils affectent le commerce et l’investissement des Parties ». Il serait ainsi possible pour les entreprises de contester des mesures relevant du droit social dès lors qu’elles pourraient ne pas suivre des recommandations internationales par définition très en dessous de ce qui se pratique effectivement dans notre droit. Qui définit en outre les « connaissances scientifiques et techniques pertinentes » ?

Le refus européen d’inclure des mécanismes contraignant de respect des droits sociaux confirme la place prépondérante donnée aux entreprises multinationales par l’accord EU-Canada. La conséquence d’une telle orientation politique ne peut être qu’un affaiblissement des dits-droits. Le flou de dispositions donnant de nouvelles capacités de contestation du droit social aux entreprises renforce ces déséquilibres.
Les travailleurs salariés (chap. 12)

Ce chapitre ne traite ni des conditions d’autorisation d’entrée et de travail, ni d’obtention de la nationalité mais des « personnels essentiels, prestataires de services contractuels, professionnels indépendants, visiteurs d’affaires court-terme » (art X-1-2 du chapitre) détachés sur le territoire de l’autre Partie. Cela semble vouloir indiquer que seuls les personnels ayant une compétence particulière sont concernés et uniquement par des contrats de travail courts.

Toutefois, la pratique déterminera ce que les entreprises feront des dispositions de cette partie de l’accord. Les directeurs, les gestionnaires de haut-niveau sont concernés et il n’y a pas de doute sur le fait que leurs contrats seront avantageux. Toutefois, quelle sera l’utilisation que feront les entreprises des salariés même très qualifiés dans le cadre des ’Fournisseurs de contrat de service et travailleurs indépendants’, utilisable dans le cadre d’une prestation de moins de douze mois (art 8-1-a du chapitre) ? Certains salariés sont très qualifiés mais néanmoins soumis à une certaine concurrence (les ingénieurs dans certains domaines, par exemple). Pourraient-ils entrer dans ce cadre ? Quels seraient leur contrat, notamment en termes de cotisations sociales sur place ? N’y a-t-il pas là un effet indirect sur le niveau de protection sociale et de financement des régimes obligatoires de protection sociale ?

Si une Inspection du travail est prévue, aura-t-elle les moyens d’exercer sa mission ? Cela ne semble pas certain.

De nombreuses questions restent ouvertes concernant les travailleurs salariés. Les dispositions incluses dans ce chapitre ne doivent pas avoir d’impact négatif sur le niveau de protection sociale et de financement des régimes obligatoires de protection sociale
CETA menace l’accès pour tous aux services publics

Concernant les services (Chapitre 11), qui constituent 70% des emplois et de l’économie européenne, CETA consacre l’ouverture à la concurrence internationale, sauf pour certains secteurs explicitement préservés.

Tous les services sont concernés a priori. Les seules exceptions définies en introduction du chapitre concernent :

  • Les services fournis dans l’exercice d’une autorité gouvernementale (ici sont surtout concernés les questions de défense et de sécurité et les systèmes publics de protection sociale),
  • Pour l’UE, les services audiovisuels,
  • Pour le Canada, les industries culturelles,
  • Les services financiers traités ultérieurement,
  • Les services aériens et les services qui leurs sont liés (sécurité aéroportuaire, contrôles aériens, la maintenance et la réparation aérienne, services logistiques au sol et aux escales etc),
  • La vente et la promotion de services de transports,
  • Les systèmes de services liés à la sécurité informatique,
  • Les marchés publics destinés à un usage gouvernemental et sans objectif de re-commercialisation,
  • Les subventions et soutiens gouvernementaux liés au commerce des services.

Le texte confirme l’effet de « cliquet » exposé dans la clause de « non-retour » (ou « standstill » en anglais), art. 8-1 du chapitre 3 et qui couvre le chapitre sur le commerce des services. Ce qui aura été libéralisé le restera, ce qui signifie l’impossibilité, dans le futur, de définir de nouveaux services publics ou de remettre sous contrôle public des services jadis délégués à des opérateurs privés. Remunicipalisation ou « republicisation » de services locaux par exemple seront passablement compliqués par l’accord proposé.

Le Canada a simplement négocié une clause de sauvegarde pour l’agriculture (art 8-3).

Les services publics sont-ils concernés ? En principe oui, car les restrictions, qui sont définies dans les annexes I et II (respectivement sur les mesures existantes et futures), n’excluent pas clairement les services d’intérêt général. Faut-il en déduire que seuls les services régaliens de l’État pourraient échapper à la logique marchande qui impliquera la mise en concurrence des opérateurs domestiques avec des investisseurs privés ?

Concernant les services financiers (traités principalement dans le chapitre 15), l’essentiel des clauses décrites dans le chapitre 10 sur l’investissement sont applicables. Les restrictions à l’investissement dans ce domaine ne sont pas davantage autorisés que pour les autres services (cf chapitre 10 sur l’investissement, chapitre 11 sur le commerce des services) mais l’article sur les « exigences de performance » laisse une période de 3 ans supplémentaires pour que les Parties se mettent d’accord.

Le Canada semble avoir négocié une « niche » prudentielle (article 15), justifiée par l’existence de règles plus contraignantes à l’égard des acteurs financiers canadiens, qui avaient d’ailleurs permis à Ottawa de surmonter la crise de 2008 sans grands dommages [6].

Mais cette niche semble assez fragile : dans l’hypothèse d’une plainte portée par un investisseur (voir article 20) contre une clause prudentielle décidée par l’une ou l’autre des Parties, elle sera tout d’abord soumise à un Comité d’experts paritaire, qui devra décider au consensus si la disposition attaquée constituait bien une protection légitime du point de vue de la puissance publique, ou bien une entrave aux droits de l’investisseur. Et faute de consensus, la mesure sera portée devant un tribunal d’arbitrage, avec les modalités d’organisation définies dans le chapitre 10 qui s’appliquent intégralement ici.

L’accord étend par ailleurs les possibilités pour les entreprises européennes des banques et de l’assurance de prendre des participations dans des établissements homologues canadiens, sans réciproque européenne.

L’approche dite « par liste négative » de négociation sur les services consacre une libéralisation par défaut dans le futur. Non seulement les services d’intérêt général ne sont pas tous explicitement exclus de l’ouverture aux opérateurs privés canadiens, mais de surcroît l’effet de « cliquet » empêchera également la définition de nouveaux services publics.
CETA menace directement l’environnement et la transition énergétique

L’accord reconnaît certes aux Parties de droit de poursuivre des politiques publiques de protection de l’environnement et de mettre en place les instruments multilatéraux négociés dans ce domaine. Les articles X-4 et X-5 du chapitre 25 affirment notamment que les Parties ne doivent pas user d’une réglementation plus faible pour attirer les investissements, en somme pratiquer le dumping environnemental.

Ce chapitre « Commerce et développement durable » est dans l’ensemble assez précis et détaillé quant aux modalités de consultation de toutes les parties concernées (précisant l’obligation d’une participation égale des organisations de la société civile et des entreprises aux débats, par exemple, ou encore détaillant les modalités de travail avec les États membres).

L’article X-6 reconnaît aussi aux États le droit d’imposer certaines obligations aux entreprises installées sur son territoire, si toutefois celles-ci ne sont pas « inutilement compliquées et prohibitives ». Ce type de dispositions ouvre néanmoins la porte à toutes les interprétations possibles : une interdiction de la fracturation hydraulique n’est-elle pas « inutilement compliquée et prohibitive » pour un industriel disposant de permis d’exploitation d’hydrocarbures de schiste ?

L’article X-8 risque aussi de poser un sérieux problème d’interprétation puisqu’il prévoit que les restrictions au commerce et à l’investissement posées par des réglementations environnementales ne seraient acceptées que si elles « tiennent compte des informations scientifiques et techniques pertinentes. » Le principe de précaution est certes admis mais dans une certaine mesure seulement, par l’alinéa 2 de l’article X-8, qui affirme qu’aucune des Parties, face à des menaces sérieuses pour l’environnement, ne pourra invoquer le manque de certitude scientifique comme motif pour différer des mesures politiques indispensables lorsqu’elles seront « rentables » ! Mais qu’adviendra-t-il lorsque ces mesures décidées par une collectivité publique ne le seront pas, tout simplement parce qu’elles ne peuvent l’être (un moratoire, la protection d’une zone fragile ?…) ?

Ce chapitre pose en réalité un problème majeur, et de principe : si les engagements des Parties à l’égard des Accords multilatéraux sur l’environnement sont réaffirmés, de même que la nécessité d’optimiser l’appui mutuel que peuvent s’apporter l’armature réglementaire commerciale et son équivalent en matière environnementale, la supériorité de cette dernière sur le droit du commerce et de l’investissement n’est pas affirmée. Aucune hiérarchie de droit n’étant introduite, la préoccupation des Parties à préserver les normes et accords environnementaux multilatéraux ou domestiques ne trouve aucun caractère contraignant, et ne sera d’aucun appui clair en cas de différend.

Si les engagements des Parties à l’égard des Accords multilatéraux sur l’environnement sont réaffirmés, de même que la nécessité d’optimiser l’appui mutuel que peuvent s’apporter l’armature réglementaire commerciale et son équivalent en matière environnementale, la supériorité de cette dernière sur le droit du commerce n’est pas garantie. Aucune hiérarchie de droit n’étant introduite, la préoccupation des Parties à préserver les normes et accords environnementaux multilatéraux ou domestiques ne trouve aucun caractère contraignant, et ne sera d’aucun appui clair en cas de dispute.De plus certaines dispositions limitent le droit des collectivités publiques à introduire des régulations environnementales, et ces dernières se verront renvoyer la charge de la preuve de leur légitimité en cas de litige.
Les marchés publics (chap. 21)

Les marchés passés dans le cadre de la défense, et/ou portant sur le matériel de guerre, ou qui impliquent des enjeux de sécurité importants, ou qui mettent en jeu un intérêt vital d’une Partie sont exclus (art III-1). L’article III-2-d semble par ailleurs exclure que des marchés publics soient pourvus grâce au travail des prisonniers et dans des conditions allant à l’encontre de la morale et de l’ordre publics.

En dehors de cela, les principes posés sont ceux de la non-discrimination entre opérateurs répondant aux marchés publics (égal accès, traitement national), ce qui enterre en principe toute possibilité de faire prévaloir les circuits courts, d’exiger un statut local de l’entreprise répondant aux marchés (déjà interdit en UE, même si subsistent encore des possibilités de biaiser), ou encore d’introduire des critères de durabilité écologique (plafonds d’émissions de CO2 par exemple, plafonds de consommation de ressources non-renouvelables…). Bien entendu les engagements des parties au titre de la non-discrimination et du traitement national ne les obligeront pas à violer les normes protégeant l’environnement et leurs engagements internationaux ou domestiques en la matière, mais engager la transition écologique et sociale aurait exigé de doter les collectivités publiques d’armes claires en cette matière, faute de quoi elles seront susceptibles d’être attaquées par un entrepreneur estimant ses droits lésés.

De ce point de vue, l’article IV-5 va donner lieu à débat d’interprétation : sans refuser que le cahier des charges du marché public indique les règles d’origine des produits à fournir, il faut que la règle d’origine inscrite ne soit pas « différente de celles des règles d’origine que la Partie applique au même moment pour exporter ordinairement les mêmes marchandises ou fournir les mêmes produits ou service de la même Partie. » Cette formule alambiquée indique-t-elle que des règles de provenance ou de contenu local ne pourront constituer des conditionnalités de cahiers des charges que si des normes équivalentes non seulement existent dans l’autre Partie mais en plus sont invoquées dans des appels d’offre de rang similaire ? Si oui, alors les collectivités publiques auront très peu de marge de manœuvre pour privilégier des opérateurs locaux ou d’inclure des critères de durabilité environnementale, dans leurs choix.

Très clairement, ce chapitre permettra aux opérateurs des deux côtés de l’Atlantique de répondre efficacement aux appels d’offres de l’autre Partie ; cela augmentera sans doute le coût de la réalisation des appels d’offre mais ne changera pas ce dernier point pour les collectivités publiques dans l’UE. Sur le plan économique, les grands opérateurs verront de nouvelles opportunités de marché mais les opérateurs locaux risquent de ne jamais avoir la taille critique pour certains marchés.

L’accord UE-Canada permettra aux opérateurs des deux côtés de l’Atlantique de répondre efficacement aux appels d’offres locaux sans possibilité pour les appelants de « localiser » la provenance géographique des intrants à l’offre ou d’introduire des critères de durabilité, et donc de s’engager efficacement sur le chemin de la transition écologique.
La propriété intellectuelle (chap
. 22)

CETA exporte le modèle européen de réglementation sur la propriété intellectuelle. Alors que de nombreuses voix appellent à réviser ces réglementations pour les mettre en conformité avec le Protocole de l’ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels, l’UE fait tout l’inverse en exportant son modèle et en le rendant immuable, dans un traité international extrêmement difficile à réviser. Les paragraphes de l’article 5 renvoient néanmoins à la loi interne le soin d’organiser les contrôles et les sanctions.

Le droit des marques sort quant à lui renforcé par une mise en commun systématique des marques et indications géographiques protégées par les deux Parties. La liste des indications géographiques européennes protégées dans le cadre de l’accord est longue et détaillée (les principaux bénéficiaires en sont l’Espagne, la France et l’Italie, la Grèce dans une moindre mesure), quand celle du Canada est entièrement vierge. C’est une nouvelle qui conviendra probablement aux producteurs agricoles ou agroalimentaires européens, mais qui interroge sur la symétrie de la négociation en ce domaine : les terroirs canadiens n’ont-ils rien à défendre dans ce domaine ?

Concernant les médicaments, la protection va de 2, 5 ou 10 ans selon les cas. Par ailleurs, la production et l’exportation de médicaments génériques est possible aux conditions de la déclaration de l’OMC du 30 août 2003.

Le chapitre « Propriété intellectuelle » de CETA reprend certains des aspects critiqués du droit européen, et va au-delà des accords « ADPIC » de l’OMC. L’accord UE-Canada éloigne encore d’un pas la possibilité de réformes nécessaires.
CETA est un modèle, voire un « marchepied » pour le grand marché transatlantique

Par bien des aspects, CETA constitue un test, un cheval de Troie du traité transatlantique (TTIP/TAFTA). Pour des raisons historiques et grâce entre autres à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les économies canadienne et étasunienne sont fortement imbriquées. Tout disposition jugée dangereuse dans TAFTA (l’accord commercial EU – États-Unis) doit donc dès maintenant être retiré de CETA. Une fois le processus de ratification de CETA engagé, le texte sera « à prendre ou à laisser ». Si les points préjudiciables y demeurent, les parlements nationaux et le Parlement européen ne pourront qu’en rejeter l’ensemble.

Si ces menaces graves ne peuvent être retirées du texte, il faudra les mettre en balance avec le gain économique estimé pour l’UE : 11,7 milliards € annuels après 7 ans de mise en œuvre de l’accord [7], soit une croissance économique supplémentaire de 0,09% annuel. Ce gain dérisoire, qui correspond à la projection la plus optimiste de la Commission européenne, justifie-t-il des transformations politiques, légales et réglementaires d’une telle ampleur pour les citoyens canadiens et européens ? Nous pensons que non.

Notes

[1Texte publié par un média allemand : http://www.tagesschau.de/wirtschaft/ceta-dokument-101.pdf (519 pages) et ses annexes : http://www.tagesschau.de/download/ceta-111.zip (plus de 1000 pages). La numérotation des articles n’est pas définitive et est donc précédée par un X qui sera remplacé par un chiffre dans la version finale.

[2Si la partie A liée à B par l’accord concerné accorde des avantages plus grands aux investisseurs d’une partie C dans le cadre d’un autre traité de libre-échange, l’entreprise du pays B ne pourra prétendre à en bénéficier dans le cadre d’une procédure d’arbitrage.

[3Pour approfondir la question de la protection des investissements, voir http://www.iisd.org/sites/default/files/pdf/2011/investment_treaties_why_they_matter_sd_fr.pdf et l’ensemble des travaux de l’Institut international pour le développement durable http://www.iisd.org

[4Voir la proposition canadienne à partir de la p. 349 ici http://eu-secretdeals.info/upload/2014/02/CETASustainable-Development-Labour-Enviro-Jan14.pdf

[7Voir les données de la DG Commerce de l’UE, http://ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/countries/canada/

Merci à AITEC et ATTAC

 

Lu sur le site d'Attac

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 15:00

Lu sur Canaille le Rouge

Référendum, démocratie, relativité géopolitique

Publié le 19 Septembre 2014

E=MC2

 UE terres de contrastes UE terres de contrastes

UE terres de contrastes

 

2005, France, malgré 54.67% de Non, la France est poussée de force dans l'UE

2014, Ecosse, avec 55.42% de Non l'Ecosse reste dans le RU.

Démonstration du respect des valeurs universelles de la démocratie de tout ceux qui poussent un soupir de soulagement devant le résultat du référendum en Ecosse.

Ne serait-ce pas l'occasion de rappeler que notre peuple ne veut plus de l'UE et exige le respect de la souveraineté populaire ?

 

Ajoutons à ce que dit La Canaille que le traité UE-Canada que la commission européenne ( tous désignés par les Etats et non élus) va signer le 25 septembre 2014 n'a pas été porté à la connaissance des citoyens des Etats concernés et que ces derniers ne sont pas consultés.  Il en ira de même pour le Traité transatlantique avec les Etats-Unis si rien ne bouge !  Pourtant ces signatures auront pour conséquences de bouleverser la vie de chacun !  Lisez les articles que nous avons publié dont les derniers sur la propriété intellectuelle et les semences!


Rédigé par Canaille Lerouge

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 13:20
Lu sur Le Grand soir
Les semences dans les Accords de Libre-échange. L’UE et l’Amérique du Nord : le TAFTA et le CETA
Réseau Semences Paysannes

Les semences, comme d'autres volets de l'agriculture, sont pleinement concernées par les négociations en cours dans les différents accords de libre échange (ALE) comme le TAFTA et le CETA que l'UE négocient avec nos voisins d'Amérique du Nord. Si certains points les touchent particulièrement comme les Droits de Propriété Intellectuelle (DPI), elles pourraient également être concernées par d'autres pans des ALE : renforcement des normes industrielles sanitaires, environnementales, de biosécurité…

 

TAFTA ( sigle en anglais) :" Traité de Libre échange transatlantique"

CETA : "Accord économique et commercial global ».  Il devrait être signé le 25 septembre 2014, sans consultation des parlements nationaux, ni des citoyens.

Le 10 décembre 2013, dernier vote à ce sujet.  Cette fois-ci, la résolution est beaucoup moins réservée, appelant « l’ensemble des parties prenantes à parapher et à signer l’accord de partenariat stratégique et l’accord commercial et économique global dans les meilleurs délais et à souligner leur complémentarité » .  509 parlementaires ont voté en faveur des négociations, seulement 111 députés se sont opposés à la résolution (et 39 votes blancs). Parmi les eurodéputés français, les centristes, libéraux et socialistes ont voté pour. Seule Corinne Lepage a voté contre. Les écologistes ont voté contre. Les députés de la gauche radicale ont également voté contre, et ce, en ne respectant pas la consigne de vote du groupe GUE (vote blanc); seul Younous Omarjee a voté blanc. Plus surprenant encore, Bruno Gollnisch a voté blanc.

 

 

1- Droit de Propriété Intellectuel : le CETA , une préfiguration du TAFTA ?

Des fuites confirment que l’accord TAFTA en cours de négociation comprend bien un chapitre sur le renforcement des DPI qui concernera entre autres les brevets et les Certificats d’Obtention Végétale (COV - voir en anglais : http://keionline.org/node/1984 , http://www.consumersinternational.org/media/1398528/tacd-ip-resolution... ), principaux DPI appliqués aux semences. Les éléments présents dans le CETA (accord du même type en cours de finalisation entre l’UE et le Canada) dessinent une orientation aux conséquences inacceptables ( http://www.semonslabiodiversite.com/blog/2014/04/30/accord-de-libre-ec... ). Engageant un pays, le Canada, déjà lié aux USA par un autre ALE, les clauses négociées dans le CETA sont nécessairement conformes à celles qui se négocient pour le TAFTA.

En bref, il s’agit ici de mesures draconiennes obligeant les acteurs économiques à respecter les droits de propriété intellectuelle :

- un agriculteur accusé d’avoir utilisé frauduleusement des semences d’une variété protégée par un COV ou contenant un caractère breveté pourrait ainsi voir sa récolte et son matériel de culture saisis et ses comptes bancaires gelés,

- si l’agriculteur est reconnu coupable, sa récolte, les semences et les outils agricoles pourraient être détruits ;

- en l’absence de preuves formelles de la provenance licite des semences utilisées, les agriculteurs, les entreprises de triages de semences à façons et les acheteurs de récolte pourraient être soupçonnés de recel de contrefaçon ,

- les trieurs à façon ainsi que tout acheteur de récoltes issues de semences de ferme considérées comme des contrefaçons se verraient menacés des mêmes saisies et destructions. Cette situation les amènerait à refuser tout contrat avec des agriculteurs n’amenant pas eux-mêmes la preuve de l’absence de toute contrefaçon,

- les autorités judiciaires compétentes seraient obligées d’exécuter ces saisies à la demande d’un titulaire de DPI sur la base d’une simple présomption de contrefaçon et sans obligation d’entendre au préalable les opérateurs soupçonnés de contrefaçon ou de recel.

Cela signifierait en pratique une remise en cause de « l’exception agricole et alimentaire » qui exclue les semences de ferme de l’application de la loi française de lutte contre les contrefaçons de février 2014, exception obtenue après de nombreuses mobilisations. De la même manière, cela remettrait également en cause l’article de la récente Loi d’Avenir Agricole qui annule la protection du brevet en cas de contamination accidentelle ou de présence fortuite d’un gène (« information génétique ») breveté dans des semences.

Par ailleurs, en renforçant l’application des DPI et la collaboration des États dans la lutte contre les contrefaçons (mis directement au service des entreprises), les ALE ressuscitent les clauses de l’ACTA (Accord Commercial Anti-contrefaçon), refusé par les citoyens puis par le Parlement Européen en mai 2012. Une vraie négation de la démocratie !

Cela a été constaté avec une cruelle violence en Colombie. L’État a dû se se soumettre aux injonctions des entreprises détentrices de DPI et détruire 70 tonnes de semences paysannes de riz (http://www.grain.org/article/entries/4781-soulevement-des-agriculteurs... ) rendues illégales par la signature d’un accord de libre-échange avec les États-Unis. Six mois de manifestations paysannes et populaires l’ont contraint à suspendre l’application de cette clause qu’il ne peut plus annuler sans risquer des représailles économiques draconiennes.

La tendance est donc bien présente : les ALE consolident les droits des industriels de la semence en renforçant l’application stricte du respect des DPI et suppriment les droits des agriculteurs de conserver, d’utiliser, d’échanger leurs propres semences et de les protéger des contaminations génétiques et de la biopiraterie.

De plus, les DPI sur les semences sont le principal outil de la concentration économique du secteur. Le COV a permis une première concentration d’entreprises se partageant les marchés nationaux ou régionaux où peuvent être cultivées leurs variétés. Ensuite, on a observé le développement du brevet sur un caractère (insecticide, de tolérance à un herbicide...) qui s’exploite quand à lui directement sur le marché mondial à travers les variétés de multiples espèces composées de plantes dans lesquelles le caractère breveté est introduit par le semencier ou est déjà naturellement présent.

Les coûts de recherche et développement de ces nouveaux caractères brevetés ont fait de l’industrie semencière l’une des plus concentrées avec aujourd’hui moins de dix firmes qui contrôlent 80 % du marché mondial des semences. S’appuyant sur un lobbying permanent et des politiques de conquête de marchés très agressives, ces entreprises se sont engagées dans un processus sans précédent d’appropriation de toutes les semences :

- non seulement celles qu’elles produisent elles-mêmes,

- mais aussi celles de leurs concurrents qui sont dépendantes d’un des multiples brevets qu’elles détiennent,

- et enfin celles qu’elles contaminent avec leurs gènes brevetés transportés d’un champ à l’autre par le pollen, le vent, les insectes, les oiseaux

- et aussi celles qui contiennent naturellement un des caractères qu’elles ont brevetés.

Couplée à une recherche favorisant les plantes homogènes (notamment les hybrides F1) destinées à garantir la standardisation des produits agricoles exigée par l’industrie agroalimentaire et la grande distribution, cette concentration économique renforce la réduction de la diversité des plantes cultivées.

Concrètement, l’ensemble de ces éléments conduisent à ce qui se déroule aujourd’hui en Amérique Latine sous la pression des ALE : « Les agriculteurs sont exclus de leur rôle de sélectionneur, ce qui signifie la mort des variétés locales et la fin de l’agriculture paysanne » (http://www.novethic.fr/empreinte-terre/agriculture/isr-rse/bataille-po... ). Alors que 70 % de la nourriture mondiale est encore issue des agricultures paysannes vivrières qui n’utilisent que des semences paysannes, les paysans sont peu à peu tous obligés d’utiliser uniquement les semences commerciales produites par ce secteur ultra-concentré et engagé, sans limite, dans la voie d’une agriculture industrielle qui ne produit que 25 % de la nourriture mondiale en immobilisant 75 % des ressources en terre et en eau ( Avec le chaos climatique, qui nous nourrira ? Etcgroup 2014 : http://www.etcgroup.org/sites/www.etcgroup.org/files/Food%20Poster_FR%20.pdf ).


2 - Réduction des barrières tarifaires et non-tarifaires remplacées par des normes « basées sur la science ».

Qu’elles soient à la fin des négociations harmonisées, identiques ou équivalentes, les seules normes d’accès au marché acceptées par les négociateurs des deux côtés de l’atlantique devront être « basées sur la science ». Derrière cette justification apparemment incontestable se cache un mécanisme pervers permettant à l’industrie de dicter au gré de ses besoins des règles d’accès au marché qui en éliminent tous les produits du domaine public (non protégé par un DPI ) et tous les petits opérateurs.

Pour accéder au marché, un produit doit être reconnu « sans risque pour la santé et l’environnement ». Les entreprises doivent donc fournir des études scientifiques prouvant qu’elles maîtrisent tout risque éventuel. Ces études ont un coût qui ne peut être amorti que par un brevet assurant le monopole du marché. Plus le marché est grand - national, régional (UE), international (ALE) - plus le retour sur investissement est important, plus les protocoles d’évaluation imposent des coûts d’études élevés.
Un constat simple apparaît alors : les petits opérateurs, par exemple les artisans semenciers ou tout paysan , incapables d’amortir ces coûts sont éliminés. Et lorsqu’un produit arrive en fin de brevet et devient librement disponible, il devient impossible d’amortir les études nécessaires au renouvellement de son autorisation de mise sur le marché en l’absence du retour sur investissement garanti par un brevet .

L’indépendance affichée et théorique de ces études scientifiques est remise en cause par la pratique :

- Elles ne sont financées que par les entreprises. Celles-ci, en toute indépendance, présentent uniquement les études qui leurs sont favorables. Quand les chercheurs trouvent un résultat défavorable pour l’entreprise, ils n’ont pas le droit de le publier sans son autorisation imposée par les clauses de confidentialité associées à toute recherche sur un produit ou procédé breveté. Si quelques études défavorables arrivent à être publiées, c’est toujours lorsque le produit concerné arrive en fin de brevet.

- Quant aux comités d’évaluation « publique » de ces études dont dépend l’autorisation de mise sur le marché, ils sont composés de scientifiques compétents dans la matière étudiée. Comme il n’existe aujourd’hui plus aucun programme de recherche publique qui ne soit pas lié à une obligation de partenariat avec le privé, ces chercheurs n’ont pu acquérir leurs compétences scientifiques qu’en travaillant pour les entreprises privées dont ils sont chargés d’évaluer les études... en toute indépendance.

Et si malgré tous ces barrages, quelques petits opérateurs indépendants et/ou produits du domaine public arrivent à se maintenir sur le marché, il n’est pas difficile de créer le risque qu’ils ne pourront plus maîtriser. Par exemple, les risques de contamination OGM imposent des règles de biosécurité inaccessibles aux petits opérateurs : aucun paysan ne peut analyser toutes ses semences pour garantir qu’elles sont 100 % non OGM. Soit il veut produire sans OGM, il est alors contraint d’acheter des semences industrielles juridiquement « sécurisées » (et de surcroît souvent contaminées à faible dose !). Soit il achète et cultive des semences OGM. 

Le marché mondial des plantes et des animaux génère une mondialisation de la circulation des pathogènes, qui accompagne celle des échanges de semences, d’animaux reproducteurs et de nourriture.

Cette tendance impose l’usage de nouveaux pesticides brevetés et/ou de plantes et d’animaux génétiquement brevetés (mais pas nécessairement étiquetés OGM) pour résister aux pathogènes exogènes. Le réchauffement climatique permet quant à lui de justifier des subventions à la suppression du labour qui, en agriculture industrielle, impose l’utilisation accrue d’herbicides sur des cultures OGM qui les tolèrent.

Cette description peut paraître caricaturale. C’est pourtant ce qui se passe déjà très clairement avec les autorisations européennes des OGM. 

De plus, on constate qu’en utilisant le classique « c’est la faute à la pression américaine », l’agenda de la commission européenne est bien de généraliser ce schéma, avec ou sans le TAFTA. Ainsi, le règlement contrôle de la chaîne alimentaire récemment voté par le Parlement européen devrait étendre ce mécanisme pervers au contrôle des normes sanitaires et environnementales sous le nom d’« auto-contrôles sous contrôle officiel ».

Les entreprises les plus organisées pourront faire valider par le « contrôle officiel » leurs propres plans de contrôles internes qui leur servent :

- à remplacer les services de contrôle public par des organismes certificateurs agréés pour être « indépendants », mais en concurrence les uns avec les autres pour être payés exclusivement et « en toute indépendance » par les entreprises qu’ils pourront contrôler,

- à remplacer les contrôleurs externes par un simple contrôle des rapports élaborés par leurs propres qualiticiens internes,

- à définir elles-mêmes les normes de ces contrôles bureaucratiques qui, en l’absence quasi totale de contrôles physiques, leurs servent à camoufler, sous l’amas de rapports bureaucratiques complexes de leurs qualiticiens spécialisés, l’organisation planifiée des fraudes comme la viande de cheval dans les lasagnes,

- à faire porter la responsabilité d’éventuels problèmes de commercialisation sur les maillons les plus faibles de la chaîne alimentaire : les paysans et les petits fournisseurs incapables de financer la multiplication des analyses de petits lots qu’ils produisent ou transforment, l’embauche de « qualiticiens spécialisé », les audits « qualités » et la bureaucratie de la traçabilité exigées par le contrôle officiel de ces auto-contrôles.

Finalement, même si la Commission Européenne a engagé un processus de consultation pour que les citoyens puissent donner leur avis sur l’ISDS (Tribunal extranational privé de règlement des conflits entre un État et une entreprise qui lui reproche de porter atteinte à ses intérêts financiers, sur le modèle des panels de l’OMC) dans la cadre du TAFTA, il faut bien être conscient que les normes qui permettront le règlement des différents investisseurs-États s’imposent déjà aux tribunaux des pays européens et que ceux-ci sont en capacité de les faire respecter. La nouveauté essentielle amenée par une éventuelle conclusion du TAFTA serait l’harmonisation et/ou l’équivalence des normes en vigueur des deux côtés de l’Atlantique qui favorisera encore la concentration du secteur industriel entre les mains d’une poignée de Société Transnationales européennes comme américaines. De plus, la réglementation sur les semences (tant au niveau international, européen que national) est en train d’être réformé en profondeur. Il est normal de s’interroger sur les difficultés supplémentaires à la faire évoluer positivement sous la pression d’une obligation d’harmonisation avec un cadre états-uniens « ultra-libéral » articulé autour de la domination du brevet.


- Quelques mots pour conclure -

Aux vues de ces différents points, il est dangereux de réclamer un « marché libre des semences ». En effet, il est d’abord logique de protéger les productions locales, facilement adaptées à la diversité des conditions locales de culture, face à des importations massives de semences ne pouvant s’adapter qu’avec une utilisation massive d’engrais et de pesticides chimiques.

Par ailleurs, le secteur de semences est hétérogène : il existe différentes catégories de semences (OGM, industrielles, paysannes etc ..) qui au contraire appellent chacune des réglementations cohérentes et proportionnées aux différentes utilisations et aux différents opérateurs.

Ainsi, le cadre réglementaire doit pouvoir évoluer pour que les semences paysannes, jardinières et/ou de ferme, aujourd’hui interdites ou enfermées dans des niches juridiques inacceptables, soient pleinement reconnues. Ce sont les seules semences qu’il convient de libérer :

- en garantissant d’abord les droits des agriculteurs de conserver, de reproduire et d’échanger leurs semences produites à la ferme, droits aujourd’hui non reconnus des deux côtés de l’Atlantique.

- ensuite en reconnaissant les droits des agriculteurs d’échanger leurs semences paysannes et d’autoriser leur commercialisation sous la seule réserve qu’elles soient « saines et loyales », commercialisation aujourd’hui non réglementée aux États-Unis où elle n’est encadré que par les monopole du brevet et très inégalement tolérée dans les différents pays européens en marge du catalogue obligatoire.

Mais il ne convient en aucun cas de libérer les semences couvertes par un COV et/ou brevetées, OGM, hybrides F1, tolérantes aux herbicides. comme les semences « améliorées » impliquant l’utilisation d’engrais chimiques et de pesticides ... Aujourd’hui, ces différentes semences sont beaucoup plus « libres » aux États-Unis où le catalogue (conditionnant leur commercialisation dans l’UE) n’est pas obligatoire. Il convient au contraire d’interdire toutes les semences OGM et/ou brevetées et de soumettre les autres semences industrielles à des évaluations rigoureuses avant toute autorisation de commercialisation.

Plus largement, les semences paysannes et les acteurs qui les soutiennent sont une des composantes de base de l’agro-écologie paysanne. Cette dernière pourrait être pleinement remise en cause par la mise en place d’ALE qui permettent d’imposer un système agricole ultra industriel et compétitif à l’états-unienne. Les enjeux concernant les semences sont donc pleinement en lien avec les autres combats et critiques existants qui remettent en cause les différents ALE en cours de négociation.

Réseau Semences Paysannes

»» http://www.semencespaysannes.org/bdf/bip/fiche-bip-198.html
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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 08:46

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Communiqué de Tommy Morrison, secrétaire écossais du Parti communiste de Grande-Bretagne



Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



Le référendum sur l'indépendance écossaise approche. Les sondages sont très serrés. Si il y a un vote « Oui », l’Écosse fera sécession en moins de deux ans, en mars 2016. Les députés écossais quitteront alors Westminster. Et si un gouvernement travailliste est élu en 2015, il devrait tomber : sur 59 députés écossais, un seul est conservateur, 44 sont travaillistes.



Les communistes d’Écosse ne soutiennent pas l'indépendance en ces termes. Depuis les années 1930, la revendication des communistes a été celle du fédéralisme progressiste, une revendication soutenue également dans les années 1970 par la STUC (Congrès des syndicats écossais) et le mouvement ouvrier écossais.

Qu'est-ce que signifie « progressiste » ? C'est un fédéralisme qui ne soit pas simplement un arrangement constitutionnel mais un instrument qui facilitera la lutte pour le changement social progressiste dans toutes les nations de Grande-Bretagne – qui permette une redistribution sociale des richesses et du pouvoir.

Sous un fédéralisme progressiste, le gouvernement fédéral au niveau britannique contrôlerait la politique économique générale et serait constitutionnellement contraint à redistribuer les revenus géographiquement en proportion des besoins sociaux.

Les Parlements en Écosse, au Pays de Galles, et, si ils sont soutenus localement, dans les régions d'Angleterre, auront le pouvoir de reprendre possession publique de services essentiels, d'intervenir industriellement pour soutenir l'emploi et augmenter le contrôle de la classe ouvrière sur les ressources de leur pays.

 

C'était la vision de l'Assemblée écossaise de 1972 : pour un « parlement ouvrier » - dont les actions aideront à relayer les luttes ailleurs, à unir et non à diviser.



L'indépendance que propose le « Livre blanc » du gouvernement SNP (Parti national écossais) est très différente et, nous communistes le pensons, un piège pour les travailleurs. Cela affaiblira, et non renforcera, leur position contre le grand capital et les banques.

La recette du « Livre blanc » pour la croissance économique est de baisser l'Impôt sur les sociétés. Il cherche à offrir une stabilité pour que le secteur financier important en Écosse reste dans la zone Livre et à garantir le droits du grand capital étranger, qui détient plus de 80 % de l'industrie manufacturière écossaise, en recherchant l'adhésion à l'UE.

Sans une banque centrale ou sa propre monnaie, le budget écossais serait toujours fixé par Westminster – et une Westminster gouverné par les Conservateurs (Tories). L'austérité continuera. Et elle sera orchestrée par l'Union européenne.

Le Traité de Stabilité de 2012 de l'UE, que l’Écosse devra incorporer dans sa Constitution, spécifique que les déficits annuels ne doivent pas excéder 0,5 % et, si la dette à long-terme ou la dette nationale excède 60 % du PIB, il convient de la rabaisser de 5 % par an. La dette de l’Écosse est actuellement estimée à 85 % du PIB.



Ainsi une indépendance dirigée par le SNP aggraverait l'austérité. La propriété publique ou les subventions publiques pour l'industrie, vous pouvez oublier. Ce n'est pas permis par les règles de l'UE.

De façon surprenante, certaines parties de la gauche se sont engagées dans la campagne pour le « Oui » : le Parti socialiste écossais, le Parti des travailleurs socialistes, Solidarité, le Groupe socialiste international, le Parti socialiste en Écosse et même certains éléments du Parti travailliste font désormais partie de la Coalition radicale indépendante.

 

 

Il y a deux raisons.

 

Premièrement, le SNP a très intelligemment pris l'engagement d'une Convention constitutionnelle qui devrait se tenir immédiatement après les premières élections au Parlement écossais en 2016. Elle aura la liberté d'analyser toutes les options constitutionnelles pour une Écosse indépendante. Comme le disent les partisans radicaux de l'Indépendance : « tout sera ouvert ».

Sauf que cela ne sera pas le cas. Les propositions du SNP notent que la composition de la Convention devra refléter la volonté démocratique du peuple écossais exprimée dans l'élection précédente. La Gauche radicale sera bien heureuse de gagner 5 %. Dans les conditions actuelles, elle aurait moins de 2 %.

Et ce sera alors trop tard de toute façon. L'adhésion à l'UE, l'OTAN et la zone Sterling sera négociée, selon le SNP, dans les quinze mois précédant la Convention constitutionnelle. Et sur la question de l'UE, la plus importante, la Coalition radicale indépendante est elle-même profondément divisée.


Mais il y a une seconde, probablement plus importante, raison à ce soutien de la gauche. C'est la conduite de la campagne pour le « Non ». La Campagne « mieux ensemble » est une coalition du Parti travailliste, des libéraux-démocrates et des conservateurs, elle est donc incapable de proposer une perspective qui puisse séduire la gauche.

Pire, elle insinue l'adoption de menaces qui viseraient à saboter l'indépendance : menaçant le retrait de contrats de défense et refusant, même si ce sont pour de bonnes raisons économiques, l'adhésion de l’Écosse à la zone Livre.

 

Les voix de gauche dans le camp du « Non » sont limitées à la Campagne « travailler ensemble », soutenues par un certain nombre de syndicats et au « Livre rouge » et au groupe « le Socialisme d'abord » que les communistes soutiennent.

Ces campagnes ne disposent que de ressources financières limitées et sont ignorées par les médias de masse. Le Sunday Herald, propriété de la multi-nationale américaine Newsquest/Gannet, a déjà déclaré son soutien à l'indépendance. La presse de Murdoch qui a soutenu le SNP en 2012 pourrait bien faire de même.

 

Voilà pourquoi les syndicalistes et la gauche de toute la Grande-Bretagne doivent prendre conscience de la réalité de la situation en Écosse. Il y a un danger sérieux qu'en l'espace de quelques mois le mouvement ouvrier britannique soit grandement affaibli et que l'Angleterre et le Pays de Galles (et indirectement l’Écosse) soit condamné pour longtemps à un gouvernement conservateur.

 

La gauche trotskiste prétend que l'indépendance portera un coup à l'impérialisme. Hélas, l'inverse sera le cas. L'an dernier, le vote historique contre l'action militaire anglo-américaine envers la Syrie aurait été autre sans les députés écossais.

 

Les millionnaires écossais et les gestionnaires de fonds de pension qui abreuvent de fonds le SNP ne le feraient pas si leurs soutiens financiers à la City de Londres voyaient leurs intérêts menacés. L’arrimage du SNP à la zone livre, l'UE et l'OTAN le garantit.

 

Qu'est-ce qui peut inverser la situation ? Seule une campagne forte de la Gauche pour un changement constitutionnel qui favorise la justice sociale. De façon plus importante, nous avons besoin de revendiquer une démocratie économique – permettant aux travailleurs d'exercer un contrôle sur le capital.

 

Et, pour avoir une crédibilité en Écosse, ces revendications auront besoin du soutien des syndicats et de la gauche au niveau de la Grande-Bretagne et intégrer les questions plus larges des changements constitutionnels progressistes à ce niveau.

 

Non moins important, le mouvement a besoin d'affronter la réalité anti-ouvrière de l'UE. Que ce soit l’Écosse ou la Grande-Bretagne, l'adhésion à l'UE empêche toute avancée vers la démocratie économique – un sujet toujours esquivé par ceux qui adoptent une position pro-indépendance.

 

Plus important, il y a la question de la confiance dans l'actualité d'une ligne de classe. Ce sont les luttes unies des années 1970, des dockers de Londres, des chantiers navals écossais, des ingénieurs et des mineurs de Birmingham, qui ont donné ensuite de la crédibilité aux revendications de changement constitutionnel progressiste.

 

Pour reprendre les mots de James Connolly1, la cause de l'Ecosse et la cause de la classe ouvrière ne peuvent être séparées.

 

1 James Connolly est né le 5 juin 1868 à Édimbourg en Écosse. C'est un marxiste, révolutionnaire et syndicaliste irlandais. Il fut un militant proche des ouvriers dont il défendait la cause que ce soit en Écosse, aux États-Unis ou en Irlande. Il fut l’un des dirigeants de l’insurrection de Pâques 1916, les « Pâques sanglantes » à Dublin.  Il fut fusillé le 12 mai 1916 à la Prison de Kilmainham de Dublin en Irlande ( source wikipedia).

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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 15:12

 

Libération

 

Allemagne:
les anti-euro renforcent leur ancrage
dans le paysage politique

Bernd Lucke (c), leader du parti allemand AfD (Alternative pour l'Allemagne) et Alexander Gauland, candidat AfD dans le Brandebourg se réjouissent du résultat des élections, le 14 septembre 2014 à Potsdam

Bernd Lucke (c), leader du parti allemand AfD (Alternative pour l'Allemagne) et Alexander Gauland, candidat AfD dans le Brandebourg se réjouissent du résultat des élections, le 14 septembre 2014 à Potsdam (Photo Jens Buttner. AFP)

Le Poinr.fr

Allemagne :
les anti-euro confirment
leur ancrage

Le Point -

Publié le 14/09/2014 à 20:29 - 

Les anti-euro s'ancrent un peu plus dans le paysage politique allemand.

Le nouveau parti fait son entrée dans deux parlements régionaux.

Les anti-euro continuent leur ancrage.

 

Le nouveau parti anti-euro (AfD) renforce sa présence dans les parlements régionaux allemands. Dimanche, il a fait son entrée dans ceux du Brandebourg et de Thuringe, deux semaines après avoir réalisé cette performance pour la première fois en Saxe.

 

 

En Thuringe,

 

 

La CDU obtient 33,5% (+2,3), Die Linke 28,2% (+0,8), le SPD 12,4% (-6,1), les Verts 5,7% (-0,5), l’AfD 10,6% (+10,6).

A droite de l’AfD (si, si, il y a encore un parti à droite de l’AfD…), le NPD loupe l’entrée dans la diète d’Erfurt (3,6%), tandis que le FDP reste modestement à 2,5% (-5,1), loin de tout espoir de réintégrer un jour des parlements en Allemagne.

 

Dans le Brandebourg, les choses sont plus claires.


 

 

Le SPD reste le parti le plus fort avec 31,9% (-1,1%), devant la CDU (23,0% ; +3,2), Die Linke (18,6% ; -8,6), les Verts sont à 6,2% (+0,5) et l’AfD à 12,2% (+12,2). Le FDP, lui, perd 5,7%, n’obtient que 1,5% des votes et restera, ici aussi, devant les portes du parlement.

 

"Je me réjouis de cette énorme preuve de confiance", a réagi Bernd Luke, le patron d'"Alternative für Deutschland" (Alternative pour l'Allemagne) estimant que son parti "renouvelait" l'offre politique en se démarquant "des partis traditionnels sans ligne directrice".

 

Note : le NPD (Parti national-démocrate d'Allemagne (Nationaldemokratische Partei Deutschlands, NPD) est fondé le 28 novembre 1964 est un parti d'extrême droite,.

L'AFD, Alternative pour l'Allemagne  est un parti de la droite conservatrice, eurosceptique, créé en 2013.  Il se présente comme anti-euro mais pas anti-Europe.

Le FPD, parti libéral démocrate ( centre) n'est plus représenté au Bundestag..

 

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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 08:42



Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/



« Rompre avec la logique d'intégration capitaliste européenne » ou « réformer l'Union européenne » : l'alternative dans les partis communistes et la gauche d'alternative en Europe. Si les partis réformistes du PGE comme Die Linke, Syriza poussent à l'accomodement, le PC portugais choisit la rupture.



Ce 29 août, les trois députés européens du PCP ont mis les pieds dans le plat de la remise en question de l'intégration à une Europe « néo-libérale, militariste et anti-démocratique » incarnée par le nouveau président Donald Tusk, rejetée massivement par les peuples.

Alors que nombreux sont les partis dans le groupe GUE (Gauche unitaire européenne) prêts à « défendre l'idée européenne », « sauver l'Euro », « réorienter la BCE », le PCP pose la question qui fâche : et si on envisageait de sortir de l'Euro ?



« Préparer la sortie de l'euro et renégocier la dette »

 

Au cours de cette conférence de presse, les trois députés du PCP – Joao Ferreira, Inés Zuber et le nouvel élu Miguel Viegas – ont fixé une ligne de conduite à porter dans l'enceinte du Parlement européen : « renégocier la dette et préparer la sortie du Portugal de l'euro ».

Le jeune député Joao Ferreira a livré un constat sans appel de l'intégration à la monnaie unique : « Cela fait longtemps que le Portugal souffre d'une intégration à une monnaie découplée des conditions réelles de la base productive du pays et de ses besoins sur le plan économique ».

Et la catastrophe de l'intégration à la monnaie unique enfonce le peuple portugais dans la crise, l'austérité insoutenable : « les contraintes identifiées à la soumission du Portugal à la monnaie unique non seulement persistent, mais elles tendent à s'aggraver ».



Pas d'amélioration pour le peuple portugais au sein de l'euro pour le PCP

 

Ce qui débouche sur une conclusion politique claire : « la question, le PCP se la pose depuis longtemps : existe-t-il une voie pour la reprise économique qui repose sur la défense des conditions de vie des portugais au sein de l'euro ? La réponse est négative ».

Pour les élus communistes, le débat doit donc s'ouvrir au Parlement pour : la dissolution de l'Union économique et monétaire, la fin du Pacte de Stabilité, une renégociation de la dette « devenues insoutenables et impayables » et des « compensations européennes pour les préjudices causés par une sortie négociée de la monnaie unique ».

Car pour Joao Ferreira, « cette exigence de la sortie de l'euro monte de plus en plus, elle doit se faire en lien avec la renégociation de la dette justement pour libérer le pays de cette contrainte ».



Pour le PCP, l' « Union européenne n'est pas réformable »

 

Cette prise de position publique, collective, révèle une radicalisation du discours du Parti communiste portugais ces derniers mois.

Certes, le PCP a toujours été un fervent critique de l'adhésion du Portugal à la CEE, au Traité de Maastricht, à l'adhésion du pays à la monnaie unique et plus tard au Traité de Lisbonne.

Il a toujours identité l'intégration européenne comme un processus d'asservissement du peuple portugais aux intérêts du capital national et européen, un moyen de casser les acquis sociaux et démocratiques, issus notamment de la Révolution de 1974.

Lors de son dernier congrès, en décembre 2012, le PCP a réaffirmé sa position :l’Union européenne n’est pas réformable, la crise de la zone Euro est la conséquence logique de l’Union économique et monétaire, et de la nature de classe de cette UE.



Le PCP se radicalise : « sortir de l'euro : nécessaire mais pas suffisant »

 

Toutefois, jusque-là, il s'était montré prudent sur la question du « sortie de l'euro », soulevant d'abord – non sans raisons – les dangers de cette manœuvre dans un pays très dépendant de l'extérieur, les risques d'une dégradation de la situation.

La situation a évolué depuis. La direction du PCP a organisé une grande rencontre le 19 mars 2013 à Lisbonne avec divers économistes du PCP, l'économiste longtemps proche du PS Joao Ferreira do Amaral favorable à la sortie de l'euro, qui a permis de révéler tant la nécessité de cette rupture, que les complexes conditions techniques de sa réalisation.

La synthèse du secrétaire-général du PCP, Jeronimo de Sousa, a alors : (1) – fait le constat de l'incompatibilité entre « maintien dans l'euro » et « politique alternative, de gauche, patriotique, pour les travailleurs », critiquant l'hypocrisie du PS, du Bloc de gauche dans leur « fédéralisme européen outrancier » ; (2) – la déduction que la sortie de l'euro était « nécessaire mais pas suffisante » à cette rupture ; (3) – ce qui pose la question des mesures permettant la rupture avec l'intégration capitaliste, accompagnant cette sortie : re-négociation de la dette mais aussi nationalisation des secteurs stratégiques, dont les banques.

Depuis, le PCP a porté dans la campagne des élections européennes une critique radicale de trente ans d'intégration capitaliste européenne au Portugal, elle a pointé du doigt le rôle de la monnaie unique dans la casse de l'appareil productif national, des droits sociaux des travailleurs, indiqué les responsabilités de la classe dirigeante nationale, dont le Parti socialiste.



Une ligne claire face au « Bloc de gauche » pro-européen

 

Cette ligne de clarté a payé :le Parti communiste portugais dans la coalition de la CDU a obtenu 13 % des voix aux européennes, son meilleur score depuis 20 ans et gagné un troisième député

Dans le même temps, le « Bloc de gauche » soutenu par le PGE (partenaire de SYRIZA, Die Linke, du Front de gauche …) a porté la « réforme de l'UE », du « maintien dans l'euro » : les électeurs ont tranché, le « Bloc » a obtenu 4,5 % des voix (contre 11 % en 2009) et perdu deux députés.

Fort heureusement, nos camarades portugais ne sont pas seuls en Europe. Au Parlement européen, les chypriotes d'AKEL posent la question de la sortie de l'Euro, le PTB belge, le KKE grec, le KSCM tchèque remettent en question l'intégration capitaliste européen. Hors du Parlement, les Partis communistes du Luxembourg, d'Irlande, d'Allemagne ou des Pays-bas partagent cette ligne.



Voilà un bel exemple de ce qui différencie les communistes porteurs d'une ligne de rupture avec le capitalisme et l'UE du Capital et la « gauche européenne » d'accompagnement. Que les « bouches s'ouvrent » en Europe notamment grâce aux communistes portugais !

 

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6 septembre 2014 6 06 /09 /septembre /2014 14:31

 

Le modèle allemand...

 

En Allemagne,
les femmes gagnent moitié moins
que les hommes

 

Par LEXPRESS.fr avec AFP, publié le 27/08/2014

 

Une étude jette un nouvel éclairage sur les inégalités entre les sexes outre-Rhin: sur l'ensemble des revenus du travail et du capital, une femme allemande touche en moyenne 49% de moins qu'un homme
En Allemagne, les femmes gagnent moitié moins que les hommes

 

 

 

Une femme allemande touche en moyenne 49% de moins qu'un homme tous revenus confondus.

 

 

Reuters/Johannes Eisele

 

 


En incluant les sommes liées au travail, au capital et à l'immobilier, une Allemande touche en moyenne 49% de moins qu'un homme, explique l'institut DIW de Berlin.

 

L'auteur a mis à jour ce fossé en se basant sur les déclarations de revenus faites aux impôts en 2007, soit les derniers chiffres disponibles. Le résultat dépeint une situation bien plus inégalitaire que celle mesurée jusqu'ici par Destatis. 

 

Selon l'Office des statistiques allemand, qui ne mesure que les différences de salaires, les femmes gagnent 22% de moins que leurs collègues masculins, pour chaque heure travaillée.

 

Mais d'après le DIW, non seulement les femmes gagnent en réalité en moyenne moitié moins que les hommes, mais les inégalités s'accroissent quand on avance dans les échelles de revenus. 

 


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5 septembre 2014 5 05 /09 /septembre /2014 21:43
21:45 05/09/2014
MOSCOU, 5 septembre - RIA Novosti

L'organisation d'exercices de l'Otan sur le territoire de l'Ukraine constituent une provocation pure et simple, un signal donné à Kiev de régler manu militari la situation dans le sud-est de l'Ukraine, a indiqué vendredi le délégué permanent russe auprès de l'Alliance Alexandre Grouchko.

"C'est une provocation pure et simple. C'est encore un encouragement, encore un signal donné à Kiev pour pratiquer une ligne intransigeante en vue de résoudre manu militari le problème (du règlement dans le sud-est, ndlr)", a déclaré le diplomate, commentant l'intention de l'Otan d'organiser cette année des manœuvres sur le territoire ukrainien.

Et d'ajouter qu'il s'agissait bien là d'un jeu extrêmement dangereux. 

Auparavant, le chef de la mission de l'Ukraine auprès de l'Otan Igor Dolgov a déclaré que tous les exercices conjoints Ukraine-Otan programmés pour 2014 auraient bien lieu.

© RIA Novosti.

Cette année, l'Ukraine accueillera huit manœuvres internationales: Rapid Trident 2014 et Sea Breeze 2014 (Ukraine, Etats-Unis et autres membres de l'Otan), Safe Sky 2014 et Public Order 2014 (Ukraine, Pologne), Light Avalanche 2014 (Ukraine, Slovaquie, Hongrie, Roumanie), Carpates 2014 (Ukraine, Pologne, Hongrie) et Sud 2014 (Ukraine, Moldavie, Roumanie), ainsi que des exercices aériens ukraino-polonais sans nom.


ukotan

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2 septembre 2014 2 02 /09 /septembre /2014 06:30



On connaît le « modèle » nordique tant vanté. Tandis que le système éducatif danois décentralisé, autonomisé s'effrite, celui suédois largement privatisé s'effondre. Un avertissement pour les partisans d'une « refondation » de l'école allant dans cette voie.

« Je pense qu'on a fait une confiance trop aveugle dans le fait que les écoles privées seraient une garantie d'une meilleure qualité éducationnelle », déclarait en décembre le président du Comité parlement sur l'éducation, Tomas Tobe, membre du Parti modéré (centre-droit).

Même son de cloche pour le ministre de l'Education (de droite) Jan Bjorklund qui remet désormais en cause la privatisation entamée il y a vingt ans, tandis que le Parti vert – lui aussi favorable à la privatisation – publie son mea culpa : « pardonnez-nous, notre politique a détruit nos écoles ».

 

D'où viennent ces déclarations dignes d'une défaite militaire majeure ?



Un constat partagé : la chute du niveau des élèves suédois

 

Le déclic, ce furent l'annonce des tests PISA en décembre 2013. Première nation dans le classement européen à la fin des années 1990, la Suède a vu ses résultats chuter en-dessous de la moyenne de l'OCDE, distancé même par la Lettonie ou la Slovaquie.

Pour une moyenne dans l'OCDE autour de 500, les enfants suédois de 15 ans n'ont réussi que 478 en mathématiques, 483 en lecture et 485 en sciences. Une perte en dix ans de 32 points en maths, 33 en lecture, 28 en sciences naturelles. Aucun autre pays n'a connu une chute aussi vertigineuse

A titre de comparaison, la France tant décriée la devance partout : en mathématique (495), en lecture (505), en sciences (499).



Une cause indéniable : la « privatisation » des années 1990

 

Tous les acteurs sont d'accord, c'est l'ensemble du modèle éducatif façonné au début des années 1990 qui est en cause. Un modèle conçu par la droite, approfondi par la social-démocratie, sur la base des idées ultra-libérales sur la « liberté d'éducation » de Milton Friedman.

La réforme va s'articuler en deux temps, révélateurs en soi.

D'abord, en 1988, le passage d'un système public national, centralisé à un système décentralisé, basé sur l' « autonomie » des écoles. C'est le préalable nécessaire à la privatisation, martelé actuellement en France, notamment par le rapport de la Cour des comptes publié l'an passé.

Puis entre 1992 et 1994, l'autorisation des « écoles indépendantes » gérés par des acteurs privés – associations, groupes religieux, entreprises – mais avec financement public. Les parents ont la « liberté d'éducation » totale entre les écoles publiques, ou entre établissement public et privé.

Les écoles privées se voient garantir non seulement une égalité de subventions, au nombre d'élèves inscrits, mais les parents bénéficient aussi d'un « chèque éducation » (skolpeng) indépendant du type d'école choisi. Enfin, ces « écoles indépendantes » peuvent aussi lever des fonds privés.

La mise en place de ce système, radicalement contraire à l'esprit de l'éducation en Suède, a été possible par la logique de « co-gestion à la suédoise » louée par nos dirigeants (du PS au MEDEF) : les syndicats ont avalé la réforme, le Parti social-démocrate l'a mise en place après 1994.

Il faut dire qu'on avait vendu du rêve. L'éducation resterait gratuite, il n'y aurait aucune sélection à l'entrée, la concurrence augmenterait la qualité et baisserait le coût pour les administrations.

Et surtout les parents et les enseignants, associations et syndicats pourraient « auto-gérer » leurs écoles grâce à l'autonomie, ce qui laissait entrevoir l'introduction de méthodes pédagogiques innovantes, une meilleure relation entre le corps éducatif et les parents d'élèves.

Vingt ans après, le constat est sans appel, partagé par la quasi-totalité des chercheurs – nous reprenons ici certaines données du rapport réalisé par Susanne Wiborg pour l'Institut d'Education de l'Université de Londres (« Swedish free schools : do they work ? ») mais aussi désormais par les agences gouvernementales suédoises chargées d'évaluer le système, ainsi que la presse économiste.

 

 

On peut résumer le désastre en 4 points :



1 – Une baisse de la qualité du service

 

Augmentation de la quantité de l'offre, mais baisse de la qualité du service : oui, les parents suédois ont désormais plus le « choix ». Les « friskolor » (école indépendante) sont désormais au nombre de 900 dans tout le pays.

En 1988, seules 1 % des enfants étaient scolarisés dans le privé, c'est le cas de 25 % d'entre eux en 2013, dont la moitié des lycéens de Stockholm.

L'impact sur la qualité de l'éducation est mesurable nettement à la chute des résultats atteints lors des tests internationaux, faisant passer la Suède d'une place de numéro 1 européen à celle d'un des derniers pays du continent.

Des résultats qui passent inaperçus évidemment dans les tests nationaux – contrôlés par les chefs d'établissement enclins à gonfler les notes dont dépend leur évaluation – ni dans les notes qui ont basculé de notes « chiffrées » à des notes par « compétences ». On connaît la chanson.

Enfin, c'est le recrutement du corps enseignement qui est chamboulé, sur contrat, sans concours pour les enseignants du privé : cela conduit à une course vers le bas des conditions salariales, une soumission conformiste à des chefs d'établissement devenus « managers », une baisse de la qualité du personnel recruté.

Les statistiques révèlent des enseignants du privé moins expérimentés (6 années de pratique contre 18 dans le public), moins diplômés, avec un turn-over massif, le tout aux conséquences sur la qualité de enseignement prodigué.

L'Inspection des écoles suédoises a jugé très durement les « écoles privées » en 2012, elle a estimé que le groupe danois JB n' « assurait pas une qualité suffisante, ne faisant rien d'autre pour les élèves que leur faire passer des examens ».

Elle a critiqué Prakstika Sverige AB, qui a en chage 5 000 élèves, « au vu du nombre d'enseignants temporaires sans le niveau d'étude minimal, sans accès à des bibliothèques, infirmeries adéquates ». Elle a ordonné la fermeture d'un établissement, et des corrections immédiates pour 30 autres.



2 – Plus de ségrégation sociale

 

Une ségrégation rampante, une sélection insidieuse mais « libre » : c'est l'hypocrisie ultime du système éducatif suédois qui prétend concilier « liberté » (de choix pour les parents, d'entreprendre pour les patrons) et « égalité » (de traitement entre public et privé, pour les enfants).

Sans surprise, la « liberté d'entreprendre » a conduit à la floraison des écoles indépendantes … là où il y a de l'argent, dans les quartiers aisés de Stockholm, Goteborg ou Malmo, où les parents choisissent les « écoles indépendantes » qui leur garantissent l'entre-soi entre classes supérieures.

Toutes les études montrent la mise en place d'une ségrégation installée, basée d'abord sur des critères économiques – les quartiers populaires se retrouvent face à une offre publique plus réduite – , laissant également de côté les populations immigrées.

Ainsi, pour la chercheuse Susanne Wiborg : « la concurrence des écoles indépendantes est loin d'être la panacée. Malgré ses 1 000 nouvelles écoles, ses 150 000 étudiants, le résultat : ce sont des notes scolaires guère meilleures, mais aussi des coûts plus élevés et une plus grande ségrégation ».

L'étude ciblée des chercheurs Eva Andersson, Bo Malmberg and John Östh de l'Université de Stockholm (« The changing geography of the Swedish school system ») est sans appel :

la « liberté de choix » a conduit à une ségrégation accrue, concentrant des quartiers aisés, blancs, une offre éducative non pas de meilleure qualité mais attractive par l'entre-soi proposé. A l'autre bout de la chaîne, les quartiers pauvres, à forte proportion immigrée, souffre d'une ghettoisation, de la spirale vicieuse de l'échec scolaire, la faible attractive pour les parents, du décrochage social.

Un constat qui trouve une certaine confirmation dans les résultats des élèves : alors que le public obtenait des scores de 515 dans les tests PISA en 2000 contre 505 pour le privé, en 2009, le public à 490 en 2009 tandis que le privé atteignait un score de 520.

Il n'est pas difficile de voir que les meilleurs élèves du système éducatif public – souvent associés aux classes aisées – ont migré vers le système privé … même si les « intérêts privés » débouchent sur une chute de l' « intérêt général », comme le montre la dégringolade globale !

 

 

3 – Les coûts pour le public, les profits pour le privé !

 

Des coûts qui augmentent … et des profits privés qui explosent. Les enquêtes officielles aiment à préciser que les « écoles privées » coûteraient un peu moins cher – 8 % de moins – aux contribuables que celles « publiques ».

Elles oublient de préciser que ces 900 écoles sont nées de la décomposition du secteur public, sorties de nulle part, et qu'elles sont financées largement par le contribuable pour alimenter des profits largement privés.

L’État a donc créé une concurrence artificielle, déloyale, faussée, payée par tous, pour tuer son propre système.

En une dizaine d'années, une série d'entreprises ont fait leur apparition dans le secteur, guidées par l'appât du gain. Selon le Ministère de l'éducation, le chiffre d'affaires annuel du secteur éducatif privé s'élève à 3 milliards d'euros. Un marché lucratif.



4 – Les « fonds vautour » plutôt que les coopératives promises


Les fonds d'investissement privés vautours dominent le secteur. Le gouvernement, les syndicats avaient promis il y a 20 ans l'avènement des « écoles-coopératives » gérées par les parents, les enseignants, si ce n'est les élèves eux-mêmes.

On en est très loin : en 2013, deux-tiers des établissements sont gérés par des entreprises lucratives, 90 % des lycées (là où le taux de rentabilité est maximal, à l'approche de l'université!).

Le géant du secteur, c'est « Acade Media » avec ses 50 000 élèves, une filiale de « EQT », un des plus grands fonds d'investissement privés d'Europe du nord, avec un capital levé de 20 milliards d'euros. « Acade Media » génère 100 millions de profits par an, 1 milliards de chiffre d'affaire.

Ses concurents portent le nom de FSN Capital, The Riverside Company, TA Associates, Bure Equity ou Investor AB : tous contrôlent une chaîne d'établissements à travers le pays, tous sont des fonds d'investissement guidés par la seule rentabilité.

Or, ce marché lucratif tend à voir son taux de profit baisser : un quart des établissements privés connaissent des pertes, le risque d'insolvabilité a augmenté de 188 % depuis 2008, 25 % de plus que les autres entreprises suédoises.

En 2011, JB Education – contrôlé par le fonds d'investissement danois Axcel – a fait faillite, conduisant au licenciement de 1 000 enseignants, laissant 11 000 étudiants à la porte, avec 120 millions d'euros de pertes envers les banques et ses fournisseurs.



Vers une re-nationalisation ? Les suédois d'accord, même le patronat commence à faire machine arrière

 

L'ampleur du désastre a contraint les pouvoirs publics à réagir, tout du moins à faire des effets d'annonce. Le ministre de l'Education de droite Bjorklund a dit que les résultats PISA étaient « le clou que referme le cercueil des vieilles réformes scolaires ».

Bien sûr, la droite accuse les sociaux-démocrates. Mais elle ne propose rien de mieux qu'un pansement sur une jambe de bois : ne rien toucher aux investisseurs actuels, mais forcer les prochains à gérer les écoles au moins de dix ans, de façon à freiner l'arrivée des fonds vautours.

Une hypocrisie sans nom quand on sait que le ministre Bjorklund a proposé l'an dernier de transformer les universités publiques en fondations, pour leur permettre de lever d'importants fonds des grandes entreprises privées. La porte ouverte à la privatisation de l'éducation supérieure.

En tout cas, les Suédois, eux, sont loin de ces calculs politiciens. Quand on leur pose la question : « faut-il que l'Etat reprenne en main l'ensemble du système scolaire ? »,61 % des Suédois disent oui à la re-nationalisation, seuls 12 % sont pour rester au système privatisé.

Bien significatif des contradictions inhérentes à la classe dirigeante, la mise en garde du patronat – poussant pourtant à la libéralisation de l'enseignement supérieur, de la santé – par la voie du responsable à l'Education de la Confédération des entreprises suédoises (Svenskt Naringsliv), Tobias Krantz :

« Il y a une concurrence mondiale, et que nos résultats sombrent en maths, c'est inquiétant (…) Quand nos entreprises vont décider où elles vont investir, et qu'elles vont vouloir des employés compétents, la Suède sera moins attractive si nos écoles continuent à s'effondrer ».

L' « Etat-providence » suédois tant loué pendant des années par le Parti socialiste ici – ou par la presse patronale, parfois pour son taux de syndicalisation (sic) –, cet « Etat social » a été largement démantelé dans les années 1990 et 2000, accompagné par la « co-gestion ».


Conséquences : son éducation est en ruines, sa santé largement privatisée ne se porte pas mieux, tandis que le développement des assurances santé et retraite privées ont alimenté de puissants fonds de pension et d'assurance qui partent à l'assaut des marchés européens.



En tout cas, pour nous, parents, enseignants, étudiants français : vigilance devant les mirages étrangers qu'ils soient suédois, allemands, danois ou britanniques, notre système éducatif public, national – quoique sous-financé – et hérité du plan Langevin-Wallon de 1947 reste un repère idéal et un rempart concret contre les ambitions des vautours privatiseurs.

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