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ACTION COMMUNISTE

 

Nous sommes un mouvement communiste au sens marxiste du terme. Avec ce que cela implique en matière de positions de classe et d'exigences de démocratie vraie. Nous nous inscrivons donc dans les luttes anti-capitalistes et relayons les idées dont elles sont porteuses. Ainsi, nous n'acceptons pas les combinaisont politiciennes venues d'en-haut. Et, très favorables aux coopérations internationales, nous nous opposons résolument à toute constitution européenne.

Nous contacter : action.communiste76@orange.fr>

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Humeur

Chaque semaine, AC attribue un "roquet d'or" à un journaliste qui n'aura pas honoré son métier, que ce soit par sa complaisance politique envers les forces de l'argent, son agressivité corporatiste, son inculture, ou sa bêtise, ou les quatre à la fois.

Cette semaine, sur le conseil avisé de la section bruxelloise d'Action communiste, le Roquet d'Or est attribué  à Thierry Steiner pour la vulgarité insultante de son commentaire sur les réductions d'effectifs chez Renault : "Renault fait la vidange"...  (lors du 7-10 du 25 juillet).


Vos avis et propositions de nominations sont les bienvenus, tant la tâche est immense... [Toujours préciser la date, le titre de l'émission et le nom du lauréat éventuel].

 

 
19 juillet 2015 7 19 /07 /juillet /2015 13:15

Ces compromis qui tuent l’Europe (2)

Publié le 13 juillet 2015

(Version légèrement révisé le 14 juillet en milieu de journée.)

L’accord auxquels sont arrivés les dirigeants européens dans la nuit de dimanche à lundi constitue vraiment un pur chef d’œuvre. Il restera indéniablement dans les annales de l’histoire européenne. François Hollande a eu raison de le qualifier d’historique, il l’est d’évidence, une vraie pierre de Rosette de l’Euro. Tout est clair désormais. Pour sauver l’intégrité de la zone Euro, les dirigeants européens ont en effet choisi de piétiner toute raison économique et politique. Il suffit de lire l’accord dans sa version anglaise (qui, je suppose, est la version sur laquelle nos dirigeants ont négocié et qui m’a paru différer de la version française en quelques points qui peuvent être des erreurs de traduction) pour se rendre compte à quel point il constitue une négation de la démocratie souveraine de la Grèce, à quel point il n’est que diktat, à quel point il n’est que méfiance vis-à-vis des autorités grecques (cf. la première phrase : « The Euro Summit stresses the crucial need to rebuild trust with the Greek authorities as a pre-requisite for a possible future agreement on a new ESM programme. ») La mise sous tutelle de ce pays, tout au moins dans tout ce qui concerne sa vie économique et sociale, est évidente. Il y est écrit explicitement que, s’il n’y a pas de déblocage de fonds à la fin du processus engagé, cela sera entièrement la faute de la partie grecque (cf. le passage suivant : « The above-listed commitments are minimum requirements to start the negotiations with the Greek authorities. However, the Euro Summit made it clear that the start of negotiations does not preclude any final possible agreement on a new ESM programme, which will have to be based on a decision on the whole package (including financing needs, debt sustainability and possible bridge financing). », ce qui veut dire en clair que ce n’est pas parce que vous aurez fait tout cela au préalable que l’on vous donnera nécessairement de l’argent). Il ne manque à ce document que la nomination à Athènes d’un « Haut commissaire plénipotentiaire extraordinaire »  à la place de toutes les autorités légales du pays pour compléter le tableau. Cela reste juste un peu plus discret, « post-moderne » en somme, avec le retour prévu (la « normalisation » de leur situation selon le texte) des hauts fonctionnaires de la « Troïka » (les « Institutions ») dans les ministères grecs pour surveiller ce qui s’y passe (cf. la formule, [la Grèce s’engagera] « to fully normalize working methods with the Institutions, including the necessary work on the ground in Athens, to improve programme implementation and monitoring ») , et avec l’engagement de revoir toute la législation prise depuis le 20 février 2015 quand elle ne correspond pas à ce que les MoU (Memorandum of Understanding) précédents avaient prévu (cf. « With the exception of the humanitarian crisis bill, the Greek government will reexamine with a view to amending legislations that were introduced counter to the February 20 agreement by backtracking on previous programme commitments or identify clear compensatory equivalents for the vested rights that were subsequently created. »)  – clause  vexatoire pour Syriza et son Premier Ministre. En tout cas, il est désormais évident que, dans la zone Euro, certains sont vraiment plus égaux que d’autres. Ce texte ressemble à s’y méprendre à un document de capitulation, avec toute l’acrimonie que peut comporter un tel texte de la part des vainqueurs.

Sur le plan strictement économique, c’est à tout prendre du pur délire. Je n’ai pas lu pour le moment un commentaire à contenu économique qui ne souligne pas ce fait. Les dirigeants européens reprennent dans ce plan du 12 juillet 2015, qui constitue en fait les lignes directrices du troisième Memorandum et qui vise à ouvrir la voie à un prêt du MES (Mécanisme européen de stabilité), tout ce qui n’a pas marché jusque là et qui a mené la Grèce vers l’abîme, et, pour bien faire, ils en rajoutent une bonne pelletée. Tsipras lui-même l’a dit en sortant de la réunion lundi matin 13 juillet : « Cet accord est récessif ». Il espère certes que les fonds européens apportés pour investir en Grèce vont compenser cet effet. C’est illusoire bien sûr, parce que la détérioration de l’économie ira bien plus vite que le déblocage de ces fonds européens. La hausse immédiate de la TVA par exemple va plonger encore plus l’économie dans la récession. (Et va sans doute encourager la fraude fiscale!) Les choix de politique économique imposés à la Grèce restent donc inchangés, comme l’a dit clairement le spécialiste de l’Euro, Paul De Grauwe (dans un entretien donné à la Libre.be) : austérité, privatisations et réformes structurelles, le tout accompagné de prêts conditionnés surtout destinés à rembourser les prêts déjà consentis, et à sauver les banques privées grecques de la faillite (due entre autre au ralentissement économique qui a rendu beaucoup de leurs emprunteurs insolvables). Quant à la cagnotte des privatisations, évaluée à 50 milliards d’euros, c’est là encore une redite des plans précédents, un chiffre fétiche (pourquoi 50 et pas 25,  75 ou 100?). Le  montant a sans doute été choisi pour faire croire que les créanciers n’auraient rien de plus à prêter à la Grèce que ce qu’ils n’ont déjà prêté. Bien sûr, tous ces choix, à tout prendre délirants, dépendent de deux constantes inchangées : le maintien de la Grèce dans la zone Euro et le montant nominal de la dette grecque face à une économie diminuée d’un quart par rapport à 2010. Comme les dirigeants européens se sont mis d’accord pour ne rien changer sur ces deux points (cf. « The Euro Summit stresses that nominal haircuts on the debt cannot be undertaken. » suivi de « The Greek authorities reiterate their unequivocal commitment to honour their financial obligations to all their creditors fully and in a timely manner. ») , il ne reste plus qu’à continuer sur la lancée des plans précédents, qui ont si bien fonctionné. Et bien sûr c’est sûr, cette fois-ci, cela va bien marcher. (En dehors des aspects macroéconomiques, un tel accord va pousser encore plus de jeunes grecs à quitter le pays, ce qui aggravera à terme encore la situation économique et sociale de la Grèce.) Les difficultés  à rester dans les clous du Memorandum précédent sont d’ailleurs attribués explicitement et exclusivement dans le texte au relâchement de l’effort depuis un an, autrement dit au cycle électoral grec, et souligne même que les autres Européens ne sont pour rien dans la situation, bien au contraire, ils ont fait leur devoir et plus encore (cf. « There are serious concerns regarding the sustainability of Greek debt. This is due to the easing of policies during the last twelve months [sic, je souligne], which resulted in the recent deterioration in the domestic macroeconomic and financial environment. The Euro Summit recalls that the euro area Member States have, throughout the last few years, adopted a remarkable set of measures supporting Greece’s debt sustainability, which have smoothed Greece’s debt servicing path and reduced costs significantly. ») Là encore, je me demande encore comment Tsipras a pu donner son accord à un tel document, qui exonère les autres Européens de toute responsabilité dans la situation de la Grèce.

Sur le plan politique, la démonstration est en effet ainsi faite  à travers ce texte : un pays débiteur dans le cadre de la zone Euro n’a plus besoin d’organiser des élections libres et compétitives, et encore moins des référendums. Ces institutions démocratiques à l’occidentale s’avèrent même contre-productives pour le bonheur des populations dans ces pays, qui sont entièrement à la merci du bon-vouloir des pays créditeurs et des institutions européennes (Commission et surtout BCE) que ces derniers dominent, et qui n’ont qu’à attendre que l’austérité fasse son effet positif à moyen terme sans se plaindre. Les populations des pays débiteurs n’ont  d’ailleurs pas lieu de se plaindre vraiment puisqu’on les aide – il est même question d’aide humanitaire -, et, par ailleurs, elles n’ont sans doute que ce qu’elles méritent pour avoir de tout temps bien mal utilisé leur droit de vote, d’abord en élisant des dirigeants corrompus nationalistes, dispendieux et inefficaces jusqu’en janvier 2015, pour ensuite passer le relais à des rêveurs gauchistes, et pour avoir enfin voté courageusement bêtement lorsqu’on leur a demandé leur avis par une démagogie d’un autre temps. A ce compte-là, les Grecs étant au fond de grands enfants, il serait certes plus simple qu’ils ne votent plus, cela ferait des économies, éviterait toutes ces discussions oiseuses et éviterait de faire dérailler les beaux programmes de redressement conçus pour l’économie grecque. De toute façon, les autres pays membres de la zone Euro n’ont à ce stade besoin que d’un prête-nom, d’un fantoche, qui maintient l’illusion de la souveraineté. Quand on demande un pays de voter autant de lois dans les trois jours ou les dix jours (dont un code de procédure civile pour le 22 juillet, « the adoption of the Code of Civil Procedure, which is a major overhaul of procedures and arrangements for the civil justice system and can significantly accelerate the judicial process and reduce costs »), on fait d’évidence bien peu de cas de ses soit-disant législateurs – l’insulte est d’autant plus énorme que jamais cela ne se passerait ainsi au Bundestag ou encore moins au Parlement européen. Ce genre de mise sous le joug d’un pays par un autre s’est vu bien souvent dans l’histoire, et c’est d’ailleurs justement par la dette que certaines colonies françaises ont commencé à exister (comme la Tunisie si mes souvenirs sont exacts). L’Euroland vient donc par la déclaration du Conseil européen daté du 12 juillet 2015 (rendu publique le 13 au matin) de se doter de sa première colonie intérieure. Un Premier Ministre, soit disant d’extrême-gauche (?), vient ainsi de prouver au monde que, sous la ferme pression de ses pairs européens, il peut accepter un programme de la plus stricte orthodoxie néo-libérale. C’est du pur TINA – avec des détails tragi-comiques, comme cette obligation de légiférer  sur l’ouverture des magasins le dimanche. (C’est vrai que dans un pays touristique, le client devrait être roi en toute heure et en tout lieu.) A lire l’accord, on ne peut que penser que le résultat du référendum a vraiment été tenu pour rien, voire moins que rien. (Ou pire qu’il aurait donné l’envie aux autres dirigeants européens d’obliger Tsipras à se renier entièrement, y compris sur des points de détail.) Il a simplement accéléré les choses. De fait, si le gouvernement Tsipras avait signé avant et sans référendum, il aurait de toute façon eu à négocier cet automne un autre mémorandum. Simplement, avec le référendum, les choses sont allées directement à la négociation suivante. Et comme les autres dirigeants européens ne veulent rien changer à leurs recettes de « sauvetage » économique, on aurait de toute façon abouti au même résultat. Il n’y a donc pas grand chose à regretter, et en plus, l’épisode du référendum constitue un acquis pour la connaissance de l’Union européenne en général et de la zone Euro en particulier qui ne sera pas oublié.

Les premières  leçons de tout cela sont terribles.

Du point de vue économique, les gestionnaires actuels de l’Eurozone ne connaissent d’évidence qu’une seule potion pour régler les problèmes d’un pays. Si cette potion d’aventure ne marche pas, c’est la faute des dirigeants  nationaux concernés qui ne se la sont pas assez « appropriés », qui ont relâché l’effort. Elle ne peut que marcher, puisqu’elle a marché en Lettonie, Estonie, etc.  Le principe de « subsidiarité », qui supposerait au minimum une adaptation des politiques économiques européennes aux spécificités de chaque pays membre, est totalement mort et enterré.  Il n’existe qu’une one best way européenne, point barre. Cela ne peut que marcher.

Du point de vue politique, le dénouement de la nuit du 12 au 13 juillet 2015 montre que les dirigeants européens sont prêts à tout sacrifier au maintien de la zone Euro – enfin, à vrai dire, surtout le bonheur des autres – , et qu’ils ne comptent en même temps pour rien la légitimité du projet européen comme lieu de progrès démocratique, économique et social et comme moyen de pacifier les relations entre peuples européens. L’élection comme moyen de signaler un désarroi populaire n’a pas de valeur dans la zone Euro : les rapports de force entre États l’emportent sur toute considération démocratique de légitimité. Le résultat du référendum grec (61% de non à plus d’austérité) aurait dû aboutir au minimum à un début de réflexion sur une autre approche du problème grec, il n’en fut rien. Et je crois qu’il faudra un certain temps pour bien digérer ce fait politique, presque inédit à ma connaissance dans les annales de la vie démocratique des nations, surtout dans l’immédiateté du déni du résultat populaire par les élites concernées (aussi bien d’ailleurs en Grèce qu’ailleurs en Europe). Il n’y a même pas eu de « période de réflexion » comme il y en eut après les référendums français et néerlandais de 2005.

Par ailleurs, comme je l’ai dit plusieurs fois sur le présent blog, les investissements politiques dans l’Euro sont décidément tels qu’il est totalement impossible aux dirigeants européens de s’en passer. Les économistes auront beau montrer qu’il n’est pas rationnel de s’entêter dans cette mauvaise idée, cela ne sert absolument à rien. Dans le cas présent, ce sont d’après ce qu’on a pu savoir surtout les dirigeants français qui ont fait pression pour qu’une solution soit trouvée à tout prix – probablement les États-Unis ont aussi fait leur part plus discrètement pour des raisons géopolitiques et financières. En effet, le présent accord doit aussi être vu du côté des pays « créditeurs ». Les dirigeants allemands étaient sans doute sérieux dans leur menace de provoquer le Grexit. Le témoignage de l’ancien Ministre grec de l’Économie, Yanis Varoufakis, donné à un journal britannique, le NewStateman, va dans ce sens. De fait, il correspond bien à la tonalité du texte adopté par les dirigeants européens. Il apparait sans doute absurde  aux dirigeants allemands et à leurs proches alliés dans cette affaire de financer à fonds perdus un État comme la Grèce, d’où leur demande d’un alignement total de la Grèce sur leur idée de la bonne politique économique, d’où leur volonté de tirer le maximum de ressources de la Grèce elle-même en prévoyant le plus de privatisations possibles, d’où leur refus d’envisager la moindre annulation de dettes. En somme, il ne faut pas sous-estimer le fait que ces États créditeurs se trouvent eux aussi prisonniers de l’impasse que constitue l’Euro, et qu’ils y défendent ce qu’ils croient être leur meilleur intérêt – payer le moins possible.   Cependant, il faut souligner aussi que les derniers jours ont clairement fait apparaître la difficulté des États « créditeurs » à continuer la mascarade de l’Euro comme promesse d’une  Union politique à venir. En effet, ces États « créditeurs », dont bien sûr l’Allemagne, défendent aussi désormais publiquement leur idée d’un Euro sans aucune solidarité entre États. Il y a en somme désormais deux versions d’un « Euro intangible », celle des Français qui y voient encore le projet d’union politique de l’Europe et celle des Allemands et de leurs alliés qui n’y voient que le « super- Deutsche Mark » partagé entre les seuls États « sérieux » du continent européens, mais les deux s’accordent encore (pour l’instant) sur l’idée d’un Euro qui doit perdurer. L’illusion d’une concordance pourrait ne pas durer, sauf si la France se rallie pleinement à la version allemande- le choc risque d’être rude de ce côté-ci du Rhin: « L’Europe sociale n’aura pas lieu », et donc tout le projet socialiste français établi dans les années 1980 est caduc.

Pour les forces qui voudraient s’opposer aux règles et fonctionnements de l’Eurozone actuelle, la leçon grecque est difficile à accepter dans toute son horreur et dans toute son exigence. En pratique, il n’existe donc aucune sorte d’accommodements possibles, tout au moins dans le cadre d’un État « débiteur ». Pour reprendre la terminologie bien connue, « Voice » (la protestation) est inutile, il ne reste que « Loyalty » (la soumission silencieuse) ou « l’Exit » (la sortie). Les électeurs grecs ont tenté la voie de la protestation, et sont allés jusqu’à voter massivement non à un référendum. Cela n’a servi absolument à rien. Les autres électeurs ailleurs en Europe sont prévenus : il ne sert vraiment plus à rien d’aller voter sur ce genre d’enjeux, ou alors il faut voter pour des forces authentiquement décidés à en finir avec l’Euro. De fait, tout ce qui arrive aux Grecs et au parti qu’ils ont choisi pour les représenter en janvier dernier, Syriza, tient à leur illusion qu’il puisse y avoir une autre voie dans l’Euro. Le politiste Cas Mudde a raison de souligner qu’il ne peut pas y avoir d’euroscepticisme conséquent, ou de volonté de créer une « autre Europe », qui ne passe pas  d’abord par une sortie de la zone Euro. Cette dernière est en effet de par sa conception même, sans doute moins néo-libérale qu’ordo-libérale, et par la domination des États « créditeurs » qui s’y exerce incapable – y compris via la BCE – d’accepter d’autres options de politique économique que celles de l’austérité permanente. En fait, depuis l’adoption du TSCG et des autres mesures de contrainte budgétaire (« Six Pack », « Two Pack », etc.), il s’agissait déjà d’une évidence de papier, mais, désormais, la Grèce nous offre à son corps défendant un exercice en vraie grandeur de cette évidence – avec la BCE dans le rôle de l’exécuteur des basses œuvres de l’Eurogroupe, de bras séculier en quelque sorte. Le service de la dette publique et la stabilité de la monnaie comme réserve de valeur l’emportent décidément sur la volonté populaire, comme dirait le sociologue allemand Wolgang Streeck, qui décidément a bien cadré notre époque (cf. Du temps acheté. Paris : Gallimard, 2014).

Cela pose bien sûr un problème de cohérence : pour être sérieux face à l’Euro, il faudra désormais, non pas être gentiment réformiste et « européiste » comme le fut Tsipras (qui, rappelons-le, s’était présenté à la Présidence de la Commission lors des européennes de mai 2014 au nom du « Parti de la gauche européenne » [PGE] et sous le slogan éculé d’une « Autre Europe »), mais méchamment révolutionnaire et  « nationaliste ». Je doute que ce triste constat fasse les affaires de la (vraie) gauche européenne, et encore moins de la (vraie) gauche française.

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18 juillet 2015 6 18 /07 /juillet /2015 22:39
lundi 13 juillet 2015, par Attac France
 

L’Union européenne dans son ensemble et les dirigeants de la zone euro en particulier viennent de porter le coup de grâce au peuple grec, à la démocratie et aux bribes de légitimité qui leur restaient.

Coup de grâce au peuple grec

Au bout de six mois de pseudo-négociations, dix-huit chefs d’État ou de gouvernement, arcboutés sur les positions inflexibles des institutions créancières, ont obtenu la reddition du gouvernement grec, élu démocratiquement sur la base d’un programme souhaitant mettre un terme à l’austérité. Une austérité qui, depuis plus de cinq ans, a produit une chute du PIB de 27 %, un taux de chômage de près de 30 % et du double pour les jeunes, et la plongée de 45 % de la population en dessous du seuil de pauvreté.

Pourtant, vendredi 9 juillet, Alexis Tsipras avait présenté un programme de réformes conforme aux attentes maintes fois réitérées par l’ex-Troïka toujours à la manœuvre. Il acceptait notamment une amplification des privatisations (les ports de Pirée et de Thessalonique, les télécommunications), le départ à la retraite à 67 ans et 62 ans pour 40 ans de cotisations en 2020, la suppression des pré-retraites, et des excédents budgétaires primaires de 1 % en 2015, 2 % en 2016, 3 % en 2017 et 3,5 % à partir de 2018. Le gouvernement entendait toutefois sauvegarder les conventions collectives, la TVA à taux réduit sur les biens de première nécessité, les médicaments et l’électricité, et amorcer l’imposition des plus riches et des entreprises bénéficiaires et à gommer les avantages fiscaux des îles.

Ce n’était pas encore assez : au cours de ce week-end, les enchères sont encore montées de plusieurs crans en contrepartie d’un nouveau plan d’aide de 86 milliards sur trois ans. Et, aujourd’hui, le prétendu « accord de compromis » se solde par de nouvelles exigences, avec en « prime » un véritable hold-up sur les quelques biens publics grecs restants, puisqu’un fonds européen va se voir attribuer 50 milliards d’euros d’actifs les représentant, de façon à prendre sur eux des hypothèques iniques garantissant leur privatisation.

L’étranglement inexorable de la Grèce va donc se poursuivre : la purge austéritaire va détruire encore plus l’économie, l’allègement de la dette ne sera pas envisagé sinon aux calendes, les investisseurs étrangers prendront le contrôle de l’économie grecque… et les financiers continueront à percevoir la rente perpétuellement.

Coup de grâce à la démocratie

Depuis le 25 janvier, les choses sont claires : la bourgeoisie financière, ses représentants politiques et leurs porte-parole médiatiques n’avaient qu’un but en tête, celui de nier le choix d’un peuple d’essayer de prendre son destin en mains, et donc de tout faire pour déstabiliser un gouvernement démocratiquement élu. C’est un véritable coup d’État. En deux temps. D’abord, pendant que s’entretenait une illusion de concertation et de négociations, en ayant préparé en coulisses une éventuelle alternance politique avec les forces conservatrices et réactionnaires désavouées le 25 janvier. Ensuite, en utilisant le référendum du 5 juillet ayant exprimé la double volonté grecque de rester dans l’euro sans l’austérité pour en faire une arme de chantage supplémentaire : on ne peut rester dans l’euro sans abdiquer et sans passer sous tutelle des créanciers. L’obligation faite au gouvernement grec de soumettre toute initiative aux institutions place le pays dans une situation de tutelle aussi grande que celle des pires heures du colonialisme.

Coup de grâce à l’infime légitimité de la construction européenne

Il apparaît à l’évidence que, telles qu’elles sont construites, l’Union et européenne et l’Union économique et monétaire ne possèdent plus aucune légitimité autre que celle de satisfaire la loi des marchés financiers. Aujourd’hui, tout va dans le même sens : refus de mettre sous contrôle les banques faiseuses de crise, refus de procéder à des réformes fiscales justes, refus de s’orienter vers des transitions soutenables.

Par son audace depuis six mois, le peuple grec s’était rendu coupable d’oser remettre en cause le mantra libéral : il n’y a pas d’alternative. Il fallait qu’il plie et que les autres peuples sachent que leur sort serait identique en cas de velléité comparable. Les dignitaires de la finance et les technocrates de Bruxelles, de Francfort et de Washington ont raison sur un point : la confiance est définitivement rompue et leur construction est à mettre par terre. Il faut tout rebâtir de fond en comble : l’économie, la démocratie et des projets de véritable coopération entre les peuples. La mobilisation solidaire des peuples doit être notre objectif commun pour imposer une autre Europe et ne pas laisser le champ libre à la montée des nationalismes et des forces d’extrême-droite.

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18 juillet 2015 6 18 /07 /juillet /2015 21:45
Leçons de la crise grecque sur l’Euro

Par · 16 juillet 2015

 

Le drame que vit la Grèce nous aura au moins appris deux choses : le lien qui existe aujourd’hui entre l’Euro et l’austérité et l’attachement d’une partie de la gauche à l’Euro, un attachement qui la conduit, maintenant de plus en plus rapidement, à sa perte. La première de ces choses permet de comprendre pourquoi les autorités de la zone Euro se sont montrées à ce point inflexibles. Le second nous explique pourquoi Alexis Tsipras s’est laissé poser la tête sur le billot et n’a pas choisi de rompre quand il le pouvait, c’est à dire dans la nuit du 5 au 6 juillet, après la victoire du « Non » au référendum.

L’Euro, c’est l’austérité

L’Euro est lié à l’austérité de par la logique même de la monnaie unique. Celle-ci met en concurrence des pays aux dotations en facteurs de production (que ces derniers soient matériels ou humains avec le niveau d’éducation) très différents. Pour rétablir leur compétitivité face à des pays mieux pourvus, les pays qui sont les moins bien pourvus doivent donc dégager une épargne supérieure (en pourcentage) à celle des pays les mieux pourvus. Ceci entraîne un déplacement de la consommation vers l’épargne. Comme, dans une monnaie unique, toute différence de taux d’inflation se traduit immédiatement par une perte de compétitivité, les pays les moins bien pourvus ne peuvent compter sur l’inflation comme instrument de financement de cette épargne. On perçoit alors la nature profondément austéritaire de l’Euro.

Cette nature est renforcée par le fait que le taux d’inflation d’un pays ne dépend pas que de sa politique monétaire mais est déterminé, aussi, par la structure de son économie. Un pays ayant ainsi une population dynamique aura naturellement un taux d’inflation supérieur à un pays avec une population stagnante ou décroissante. De même, le taux d’inflation a un impact important sur la création des entreprises : ces créations, et les innovations qu’elles peuvent entraîner, engendrent des mouvements de prix relatifs (le prix d’un bien ou d’un service exprimé en d’autres biens ou d’autres services) qui impliquent un certain taux d’inflation. Dès lors, l’imposition d’un taux d’inflation unifié sur des économies aux structures très différentes implique que pour certain pays la croissance sera largement inférieure à ce qu’elle pourrait être. C’est ce que l’on appelle dans la littérature économique le problème de l’output gap ou écart de production.

Enfin, politiquement, l’Euro introduit un très fort biais en faveur des politiques dites d’austérité car il conduit à la substitution d’un gouvernement où la décision est reine par un gouvernement déterminé par des règles comptables. Ces règles peuvent être internalisées par le personnel politique, ce qui est de plus en plus le cas en France, ou elles peuvent être imposées par la force comme c’est aujourd’hui le cas en Grèce.

Ainsi, il peut y avoir de l’austérité sans l’Euro mais l’Euro implique nécessairement l’austérité. C’est désormais clair pour une large majorité d’européens, qui vont être de plus en plus dégoûté par la monnaie unique. Un article publié dans le Financial Times le 13 juillet soulignait cet aspect[1].

Les raisons d’un attachement irrationnel de la « gauche »

Mais, face à ce constat, on est alors confronté aux positions d’une partie de la « gauche » qui continue de défendre, envers et contre tous, l’Euro. On l’a vu en France où le P« S », y compris les soi-disant « frondeurs », a soutenu le diktat du 13 juillet, et où même le PCF, par la bouche de Pierre Laurent, à failli le soutenir avant que de changer d’avis et de finir de voter « non » au Parlement. Il y a, il faut le reconnaître, un attachement qui semble irrationnel à l’Euro, et qui a transformé une partie de la « gauche » en bras séculier pour l’application de l’austérité[2]. Ambrose Evans-Pritchard, qui se qualifie lui-même de « libéral dans la tradition de Burke » va ainsi jusqu’à écrire : « Par un retournement du sort, la Gauche est devenue ce qui met en œuvre une structure économique qui a conduit à des niveaux de chômage qui semblaient impensables pour un gouvernement démocratique d’après-guerre avec sa propre monnaie et ses instruments de souveraineté »[3]. La lettre de démission du SPD de Yascha Mounk, une universitaire allemande, publiée dans The Nation, illustre bien ce mouvement particulièrement puissant en Allemagne et le trouble qu’il engendre[4].

Cet attachement concerne aussi une partie de ce que l’on appelle la « gauche radicale ». C’est cet attachement qui a conduit Alexis Tsipras à poser sa tête sur le billot. Le politologue Stathis Kouvelakis a cherché à analyser ce phénomène[5]. Sans vouloir engager un débat il est possible de voir plusieurs raisons dans cet attachement irrationnel et malsain à l’Euro.

  • La raison la plus bénigne est une sous-estimation du rôle de la monnaie dans le fonctionnement d’une économie capitaliste moderne. Si la monnaie ne peut exister sans d’autres institutions, et en cela il est clair qu’elle n’est pas la seule institution de l’économie, la manière dont elle est gérée a une influence considérable sur les autres institutions. Cela s’appelle tout simplement la dialectique.
  • Une vision dévoyée de « l’internationalisme » qui prétend qu’au nom d’intérêts communs (qui existent assurément) les peuples seraient Cette vision nie en réalité la notion d’internationalisme qui précise bien que le commun est entre les Nations mais ne se substitue pas à elles. Cette vision dévoyée prétend ainsi que le Libre-Echange est la forme actuelle de « l’internationalisme ». On comprend alors comment elle arrive à constituer l’Euro en fétiche, sans s’interroger sur le fait que les « unions monétaires » sont en réalité assez rares aujourd’hui dans le monde. Toute interrogation sur cette réalité forcerait ceux qui défendent l’Euro-fétiche de revenir sur terre et d’en envisager l’ensemble des coûts et pertes qu’il fait supporter aux économies de la zone.
  • Une idéologie de remplacement pour cette « gauche » qui se dit réaliste, et que l’on appelle la « deuxième gauche ». L’Euro est venu se substituer à la perspective du changement de société qui avait été défendu en 1981. Ayant abandonnée toute idée de changement social, ayant même substitué le « sociétal » au social, cette « gauche » dite réaliste s’est trouvée une idéologie de remplacement dans la construction européenne qu’elle a alors identifiée rapidement à l’Euro. C’est pourquoi toute remise en cause de l’Euro lui apparaît comme une remise en cause de cette dite construction européenne et doit être combattue avec la plus féroce énergie (et la plus grande mauvaise foi) et ce contre toutes les évidences. On a eu un exemple de ce type de comportement avec les déclarations faites par le Président de la république et par le Premier ministre depuis le 13 juillet.

Ces raisons n’épuisent pas le sujet. On dira, à juste titre, que nombre des économistes qui conseillent la « gauche » dite de gouvernement viennent des banques (ou des compagnies d’assurances) et sont donc directement intéressés au maintien de l’Euro. Mais, les raisons d’ordre symbolique et politique l’emportent largement. La conséquence de cela est que la question de l’Euro sera le grand débat des mois à venir. C’est autour de ce clivage que l’on verra se réunir la véritable gauche, celle qui entend rompre avec les logiques des politiques d’austérité et donc de l’Euro et ceux qui s’enfonceront toujours plus dans une logique de soumission conduisant à l’acceptation totale de ces logiques austéritaires.

 

[1] W. Munchau, « Greece’s brutal creditors have demolished the eurozone project », Financial Times, 13/07/2015.

[2] Ambrose Evans-Pritchard, « EMU brutality in Greece has destroyed the trust of Europe’s Left », The Telegraph, 15 juillet 2015, http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/ambroseevans_pritchard/EMU-brutality-in-Greece-has-destroyed-the-trust-of-Europes-Left.html

[3] Ambrose Evans-Pritchard, « EMU brutality in Greece has destroyed the trust of Europe’s Left », op.cit., « By a twist of fate, the Left has let itself become the enforcer of an economic structure that has led to levels of unemployment once unthinkable for a post-war social democratic government with its own currency and sovereign instruments ».

[4] http://www.thenation.com/article/germanys-social-democrats-are-colluding-in-greeces-destruction-and-im-leaving-the-party/

[5] Sebastian Budgen et Stathis Kouvelakis, « Greece: The Struggle Continues », 15 juillet 2015, https://www.jacobinmag.com/2015/07/tsipras-varoufakis-kouvelakis-syriza-euro-debt/


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18 juillet 2015 6 18 /07 /juillet /2015 16:41

Publié par Michel El Diablo

Assemblée Nationale - "Accord européen sur la Grèce" qui a voté CONTRE ?

Mercredi 15 juillet 2015 après-midi, l'Assemblée a entendu une déclaration du Gouvernement sur l'accord européen relatif à la Grèce puis, à l'issue d'un débat, a approuvé cette déclaration. 412 députés ont voté pour, 69 députés ont voté contre et 40 députés se sont abstenus.

 

Les députés qui ont voté contre:

Groupe socialiste, républicain et citoyen:

Christian Hutin

Jean-Luc Laurent

Groupe Les Républicains :

Julien Aubert

Sylvain Berrios

Étienne Blanc

Olivier Carré

Jean-Louis Christ

Éric Ciotti

Philippe Cochet

Bernard Deflesselles

Nicolas Dhuicq

Christian Estrosi

Laurent Furst

Sauveur Gandolfi-Scheit

Franck Gilard

Charles-Ange Ginesy

Henri Guaino

Jean-Jacques Guillet

Christophe Guilloteau

Michel Heinrich

Valérie Lacroute

Guillaume Larrivé

Charles de La Verpillière

Dominique Le Mèner

Jean-François Mancel

Thierry Mariani

Hervé Mariton

Franck Marlin

Alain Marsaud

Philippe Meunier

Yannick Moreau

Jacques Myard

Jean-Frédéric Poisson

Axel Poniatowski

Didier Quentin

Éric Straumann

Alain Suguenot

Lionel Tardy

Michel Terrot

Jean-Marie Tetart

Patrice Verchère

Philippe Vitel

Michel Voisin

Groupe de l'union des démocrates et indépendants:

Francis Hillmeyer

Groupe écologiste:

Isabelle Attard

Sergio Coronado

Noël Mamère

Groupe de la gauche démocrate et républicaine:

François Asensi

Bruno Nestor Azérot

Huguette Bello

Alain Bocquet

Marie-George Buffet

Jean-Jacques Candelier

Patrice Carvalho

Gaby Charroux

André Chassaigne

Marc Dolez

Jacqueline Fraysse

Alfred Marie-Jeanne

Jean-Philippe Nilor

Nicolas Sansu

Gabriel Serville

Non inscrits :

Véronique Besse

Gilles Bourdouleix

Gilbert Collard

Nicolas Dupont-Aignan

Jean Lassalle

Marion Maréchal-Le Pen

Philippe Noguès

 

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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 17:21

Publié par Michel El Diablo

Le gouvernement grec a-t-il le choix ? SYRIZA l’impossible espoir

La situation en Grèce et l’évolution des positions du gouvernement TSIPRAS ont de quoi en dérouter plus d’un…ou confirmer les propos d’autres… Ce qui est sûr c’est que le score du mois de janvier a montré que Syriza a su capter l’aspiration d’un peuple à en finir avec l’austérité. Cela a donné un souffle d’espoir à l’Europe entière et au-delà, souffle amplifié par le référendum qui semblait aller dans le même sens.

La victoire du NON a été vécue par des progressistes du monde entier comme une révolte d’un peuple et de son gouvernement contre le diktat financier des dirigeants de l’UE. 
Enfin un Etat tenait tête et refusait les politiques d’austérité. 
Un peu partout fleurissait le slogan « Nous sommes grecs » .

Bien sûr il y avait bien quelques mauvais coucheurs (ou attardés sectaires c’est selon) du KKE qui alertaient en disant que ce référendum était un piège.
Bien sûr il y avait le PAME qui avait publié à la veille du scrutin un comparatif des propositions de Syriza et de l’UE, montrant à quel point elles se ressemblaient. Mais qui en était informé et qui même en tenait compte ?

Donc, un peu partout en Europe, des hommes et des femmes sincères fêtaient le NON sans voir ce qu’il n’était pas et surtout en restant sourds et aveugles aux propositions réelles de Syriza. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas se réjouir de ce qu’il est : un acte de résistance populaire dans lequel s’ajoutent nombre de voix du NON et les doubles NON ou les refus de vote. 
Au lendemain de ce moment fort, la question n’est pas de savoir si Syriza a capitulé après un coup d’esbroufe, mais celle de la nature réelle de ce gouvernement et de son programme présenté ici ou là comme « d’extrême gauche » et partant de là ce qu’il pouvait (et peut toujours) faire de ce vote.

Non le gouvernement Tsipras qui a accepté une croissance des bases américaines sur son territoire, qui n’a jamais remis en cause l’OTAN (bien au contraire), qui refuse de diminuer de façon conséquente son budget militaire, de taxer l’église ou de nationaliser les banques (comme le réclame, outre le KKE, l’aile gauche de Syriza), mais qui envisage au contraire un vaste programme de privatisations, qui s’attaque aux droits sociaux…etc (et la liste est longue), ce gouvernement n’est pas « radical de gauche » ou alors s’il l’est c’est à la manière de cette formation politique française, supplétif du PS. 
Quand on apprend aujourd’hui que c’est le gouvernement Hollande qui a conseillé le gouvernement grec on mesure le caractère progressiste de ce qu’il peut sortir d’une telle coopération… 
De plus la situation nouvelle créée par les dissensions dans la majorité et l’alliance lors du vote au parlement, [1] ne laisse guère planer de doutes sur l’avenir du volet social des réformes promises pendant la campagne électorale si le peuple ne résiste pas.

Le pire de qu’on peut reprocher au gouvernement SYRIZA /ANEL à l’extérieur de la Grèce (à l’intérieur laissons les grecs faire eux-mêmes la classification) c’est cet espoir déçu pour toutes celles et tous ceux qui se disaient : « enfin un Etat qui remet en cause la logique capitaliste à l’œuvre en Europe ». Et cela a de graves conséquences. 
La première c’est que celles et ceux qui défendent coûte que coûte les choix du gouvernement grec en viennent à justifier ce qu’ils sont censés combattre en France, insufflant par là-même la fatalité à celles et ceux qu’ils sont censés appeler à la révolte. Ainsi Jean-Luc Mélenchon qui écrit sur son blog : « Je partage l’avis de mon camarade Guillaume Etievant [2] lorsqu’il écrit : « J’irais même plus loin en affirmant que les choses vont dans le bon sens si on reprend l’historique des négociations depuis le début : on est maintenant proche d’un accord sur trois ans avec rééchelonnement de la dette, sans aucune attaque contre le droit du travail - bien au contraire, il sera amélioré sur la base des recommandation de l’OIT – [3],aucune attaque contre les salaires ni les pensions de retraites  [4], ni la protection sociale. Et toute la progression de l’excédent budgétaire vient de nouvelles recettes fiscales et non pas d’une baisse des dépenses ! Rappelons-nous d’où on est partis ! Au départ, les créanciers voulaient tout décider et imposer toutes leurs réformes structurelles. Certes, on est loin du programme de Syriza, mais vu la situation d’étranglements financiers, et la faiblesse d’un petit pays comme la Grèce dans les négociations, et du fait que, contrairement à ce qu’on pensait, l’Allemagne souhaite la sortie de la Grèce de l’euro, le rapport de force mené par Tsipras est considérable. »

Et que dire de ces lignes lues dans l’Humanité du 11 juillet ? « Après les lourdes concessions faites par le gouvernement Tsipras, l’heure des contreparties a sonné. Restructuration de la dette, déblocage des fonds dont le versement a été suspendu pour faire pression sur le peuple grec, arrêt immédiat de l’asphyxie financière du pays planifiée par la BCE... De nombreuses revendications grecques sont désormais sur la table et, avec la victoire écrasante du OXI dimanche dernier, elles ont pris toute leur consistance. Les lignes ont bougé sur toutes ces questions, mais la tentation de l’expulsion pure et simple de la Grèce de la zone euro persiste... »

Comme s’il pouvait y avoir un quelconque donnant donnant avec le capital et dont le peuple pourrait sortir gagnant ! Ça me rappelle, dans un autre domaine, quand la CFDT avait sorti, pour négocier avec le MEDEF, ce concept de contreparties : moyennant quoi au rythme des signatures, les reculs sociaux n’ont fait que s’accentuer et les profits augmenter !

Bien sûr ces propos, c’était avant que l’UE ne siffle la fin de la partie et considère que ce n’était pas encore assez, qu’il fallait aller plus loin dans l’austérité, ou autrement dit, dans l’augmentation des profits du capital européen au détriment du monde du travail. Mais quoi qu’il en soit ces propos sont bien en deçà de ceux de la présidente du parlement grec qui ne voit ni que « les choses vont dans le bon sens » ni que « nombreuses revendications grecques sont désormais sur la table » et s’est abstenue en déclarant : « Cette Europe qui utilise la monnaie unique comme un outil d’asservissement plutôt que comme un outil au service du bien être des peuples devient cauchemardesque ! »

La deuxième conséquence, c’est la progression de l’idée, et les dirigeants du FDG la confortent , que si le gouvernement a négocié le revolver sur la tempe, c’est qu’il n’avait pas le choix. Eh bien non ! Il avait le choix !

Comme le dit le héros de la Résistance anti-nazie, Manolis Glezos député de Syriza, Alexis Tsipras devait "obéir au mandat que le peuple grec lui avait donné en disant "non" aux créanciers". "Pourquoi négocions-nous avec eux ? Voulons-nous nous coucher ? Pour quelle raison ?".

Grexit ou non Grexit, est-ce bien la question ?

Quelqu’un qui pense qu’il faut en finir avec le capitalisme peut-il se réjouir, même si elles étaient acceptées par l’UE, des mesures proposées même avant ces derniers jours ? Même celles du gouvernement grec en date du 25 juin ? Laissons la parole au secrétaire général du KKE, Dimitri Koutsoumbas :
« Nous avons exprimé clairement, une fois de plus, les positions du KKE sur la signification du référendum, surtout en rapport avec les problèmes énormes vécus par le peuple grec au sein de l’alliance prédatrice qu’est l’UE. Cette dernière a une ligne politique qui aggrave continuellement les difficultés vécues par les gens, dans leur revenu, qui aggrave la situation du pays et la situation de notre peuple pris globalement. Il a été démontré, une fois de plus, qu’il ne peut y avoir aucune négociation qui se fasse dans l’intérêt du peuple et des travailleurs, à l’intérieur du carcan de l’UE, dans une voie capitaliste de développement.
Le KKE est en désaccord avec l’ensemble de la déclaration commune adoptée par les autres dirigeants et partis politiques. Notre désaccord repose sur notre analyse du vote du peuple grec hier. Il porte en particulier sur l’état des négociations et sur les tactiques que propose le gouvernement pour les poursuivre et que tous les autres partis acceptent, du moins dans le cadre et orientation généraux.
Personne n’a donné mandat à qui que ce soit pour signer de nouveaux mémorandums, de nouvelles mesures douloureuses pour notre peuple. Et ces mesures seront terribles ».

En réponse à une question d’un journaliste qui demandait s’il parlait d’une « solution par la sortie de l’euro », D. Koutsoumbas a insisté :
« Non. Nous nous sommes exprimés clairement sur ce sujet. Cette ligne politique peut aller dans deux directions. (…) Donc notre peuple doit se préparer. La position du KKE est que ces deux issues possibles, c’est-à-dire un accord avec un nouveau mémorandum et de dures mesures ou bien un grexit ou quelque chose comme ça se feront aux dépens du peuple grec.
La rupture avec l’UE, avec le capital et leur pouvoir est la condition préalable à une stratégie totalement différente, avec un pouvoir véritablement aux travailleurs et au peuple, allant vers la socialisation des moyens de production, un détachement de l’UE et une dénonciation unilatérale de la dette. C’est la proposition globale, totalement différente, que porte le KKE. Elle n’a rien à voir avec différents points de vue conduisant à une nouvelle paupérisation de notre peuple. Et je veux parler des points de vue qui existent au sein d’autres partis (…) qui parlent de sortie uniquement de la monnaie unique »
. Une fois n’est pas coutume c’est le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker qui lui donne raison quand il déclare : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »

Dans ce contexte il est bon alors de se rappeler qu’une fois de plus l’intervention populaire sera déterminante. En Grèce aussi, comme le chante Jolie Môme, « c’est dans la rue que ça se passe ».

Charles HOAREAU

Le 13 juillet 2015

 

[1] Outre le KKE, 2 députés de Syriza ont voté contre, 15 – dont deux ministres – se sont abstenus et 15 autres ont voté OUI tout en disant qu’ils refuseraient toute mesure d’austérité soit au total, ont voté pour, 145 sur 161 députés de la majorité Syriza / ANEL (droite nationaliste). Ont voté pour également le PASOK (PS grec) et les conservateurs, détails du vote qu’on a bien du mal à voir en lisant la presse ! Au sujet des retombées politiques du vote au parlement on peut lire dans Ouest France : Tsipras face à une crise politique, malgré le référendum http://www.ouest-france.fr/grece-tsipras-face-une-crise-politique-malgre-le-referendum-3556928

[2] secrétaire du PG. Voir la lettre ouverte http://lepcf.fr/Lettre-ouverte-a-Guillaume que lui adressait Jacques Sapir en mai 2014

[3] sic ! On se demande où Guillaume Etievant est allé pêcher cet argument ! A l’en croire il faudrait dire aux travailleurs grecs d’arrêter de manifester ! NDLR

[4] on croit rêver quand on sait que l’âge de la retraite est porté à 67 ans, contrairement à ce qui avait été promis pendant la campagne NDLR

 

SOURCE:

 

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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 16:55
Transmis par courriel par le réseau "Faire vivre le PCF"

Publié le : 14 juillet 2015

Appel urgent aux communistes, intervenez auprès de vos directions fédérales, auprès de vos élus, de vos députés et sénateurs. Le PCF doit porter le NON des peuples grecs et Français dans l’enceinte du parlement. C’est un vote historique !

Euro ou refus de l’austérité, il faut choisir !

 
Déclaration du réseau Faire Vivre et Renforcer le PCF
Le diktat de la commission européenne s’est refermé sur la Grèce.

Non seulement, elle doit accepter une nouvelle étape d’austérité, sans aucune garantie de refinancement à long terme de sa dette, mais elle doit accepter une tutelle encore plus étroite, jusqu’à livrer une grande part de son patrimoine public à une privatisation directe confiée à la Troïka et ne plus pouvoir consulter son peuple sans l’autorisation de la commission européenne.

L’audit de la dette avait pourtant montré que les plans européens cherchaient d’abord à sauver les banques européennes. Le fonds de privatisation sera bien évidemment dans les mains des mêmes banquiers et de leurs oligarques européens préférés qui se partageront les dépouilles de l’état grec.

L’urgence n’est pas de savoir si le gouvernement Tsipras pouvait faire mieux. Il a bien expliqué qu’il se contraignait à défendre la dignité du peuple grec dans le cadre de l’Euro. Mais il faut dénoncer l’arrogance des élites européennes, des médias dominants, leur diktat inacceptable, la guerre qu’ils mènent contre un pays ayant perdu 30% de son PIB en 5 ans ! Il le faut, quoi qu’on pense du débat politique en Grèce, même s’il est important de connaître les analyses faites avec constance par les communistes grecs.

L’urgence politique pour les communistes en France est de tirer pour eux-mêmes toutes les conséquences de cette offensive contre le peuple grec. Elle concerne notre combat contre l’austérité, pour la défense des services publics, des salaires, des retraites, de la protection sociale, des droits du travail. Elle concerne la crédibilité de tout projet de rupture avec le capitalisme.

Car François Hollande en se présentant comme le défenseur de la Grèce face à l’Allemagne nous refait le coup de la "pédagogie du renoncement" de François Mitterrand en 1983, à une échelle bien plus grande. Il soutient la Grèce « comme la corde soutient le pendu », défendant sa place dans la zone Euro en échange d’un renforcement violent de l’austérité.

En votant Oui, la direction du PCF porterait une terrible responsabilité

Pierre Laurent a raison de dénoncer l’attitude de l’Allemagne qui menace du Grexit pour imposer "une véritable humiliation politique" au peuple grec. Il a raison de dénoncer le choix du Luxembourg, "champion du monde de l’optimisation et de la fraude fiscale" pour gérer les privatisations grecques. Mais en se rangeant du côté de François Hollande, en défendant la nécessité de cet accord austéritaire, Pierre Laurent prend une responsabilité terrible. Les questions politiques qui se jouent en Grèce sont au cœur de toutes les batailles en France, de la défense de l’emploi, des services publics, des droits du travail, des protections sociales, de tout ce qui reste des conquis du Conseil National de la Résistance dont le Gouvernement Hollande/Valls/Macron termine la destruction à vitesse accélérée. Si ce qui est accepté par le gouvernement grec est une bonne issue à la crise, alors, face à la dette, au "trou de la Sécu", au "déficit des retraites", il n’y a pas d’autre solution que l’austérité renforcée, la baisse des protections sociales, le recul de l’âge de la retraite, les réformes des collectivités territoriales, et l’éclatement de la nation, la fin de toute souveraineté populaire.

Il faut donc dire avec force si oui ou non, il est possible de mener une autre politique que l’austérité dans le cadre de l’Union européenne et de l’Euro. Si l’accord imposé au peuple Grec, malgré la force des 61% du non au référendum, est un accord nécessaire, alors la souveraineté des peuples européens n’existe plus et le maintien dans l’euro justifie toutes les politiques d’austérité. Alexis Tsipras a le mérite de le dire en toute clarté. Il n’a pas été élu pour mettre en cause la zone Euro ou l’Union Européenne. Il cherche donc une issue à la crise terrible qui frappe son peuple dans ce cadre. Il doit donc accepter plus d’austérité.

Nous devons proposer une perspective de rupture au peuple français

C’est toute la question qui nous est posée. Comme le dit Varoufakis, pour l’Allemagne, l’humiliation du peuple grec est un message aux autres peuples européens, entre autres au peuple Français.
Devons-nous dire au peuple Français que l’allongement de l’âge du départ en retraite, la hausse de la tva, un nouveau plan de privatisation et d’autres mesures d’austérité peuvent être nécessaire pour maintenir un euro fort et la cohésion européenne ? Si une vague populaire porte Pierre Laurent ou un autre au pouvoir en 2017, devront-ils proposer face à l’Allemagne un accord du même type ? Si nous l’acceptons pour les Grecs aujourd’hui, pourquoi le refuser pour la France demain ? Sans une perspective de rupture progressiste avec l’austérité, la voie est libre pour l’extrême-droite. Les guerres, le fascisme sont à notre porte….

Au cœur de cette crise se trouve l’Euro et la construction de l’Union Européenne.

Depuis des années, ce débat n’a pas lieu dans le PCF. Toutes les tentatives pour débattre des alternatives à l’Union Européenne sont écartées et toutes les analyses et projets s’inscrivent dans le cadre d’une seule certitude : il peut exister une « Union européenne sociale », un « Euro solidaire... ». Le contenu de l’accord accepté par le gouvernement grec démontre avec force le contraire !

Il est urgent d’ouvrir le débat avec les communistes. Pourquoi une politique contre l’austérité semble impossible en Grèce ? Qu’est-ce qui l’interdit dans le cadre de l’Euro ? La seule agressivité allemande ? Les banques françaises ne sont-elles pas impliquées elles-aussi ? Pourquoi la force des 61% du OXI n’a pas bousculé les rapports de force dans l’UE ? Qu’est-ce que les peuples doivent faire pour imposer leur dignité et faire respecter leurs choix politiques ? N’est-il pas urgent de reparler de souveraineté populaire ? Quelle est cette contradiction apparente entre les intérêts US et allemands ? Quel rôle joue la place de la Grèce dans l’OTAN dans une région frappée par la guerre ?

Il est nécessaire de mener une grande bataille populaire d’explications contre la pédagogie du renoncement à l’œuvre. Le PCF doit dire qu’il n’accepterait pas l’accord humiliant imposé aux grecs. Il doit être porteur de propositions qui permettent réellement de sortir de l’austérité liant propositions et projet de société, s’appuyer sur les luttes qui se déroulent dans tout le pays. Il doit affirmer que face à la même alternative, il peut rompre avec la dictature de la commission européenne. Ces débats sont essentiels à notre capacité à faire vivre et partager notre projet, le projet d’une sortie du capitalisme, qui suppose de s’affronter aux bourgeoisies européistes, au MEDEF qui demande "de l’aire" se considérant trop à l’étroit en France, qui suppose d’affirmer que nous défendrons la souveraineté populaire de la France, que nous appelons à une nouvelle république sociale, reprenant la longue histoire des insurgés de 48, de la commune de Paris, du Front Populaire, du conseil national de la résistance, et des luttes sociales et anticoloniales du siècle passé, et que le peuple de France est légitime à dire NON une nouvelle fois, et à imposer son propre destin, son propre projet de société, dans la solidarité et la coopération avec tous les autres peuples, d’Europe et du monde.

Les parlementaires communistes doivent refuser avec force et détermination l’accord ! Ils ne peuvent mêler leurs voies aux forces qui imposent l’austérité à notre peuple, ils ont l’occasion, après le vote des motions de censure, d’un acte politique historique qui réaffirme la place du point de vue communiste dans la vie politique Française.

Avec le peuple de 2005, avec le peuple grec, ils doivent dire NON !

14 Juillet 2015

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14 juillet 2015 2 14 /07 /juillet /2015 15:03

Par le Parti de l’émancipation du peuple (ex-M’PEP)
 
13 juillet 2015
 
Après l’illusion Syriza et son opposition de guimauve à l’Union européenne et au FMI, l’illusion Podemos ? L’Espagne fournit un bon exemple de la façon dont les grands médias, peu enclins à la subtilité et à la précision, montrent une vision caricaturale de la réalité, promouvant au passage des partis-leurre. Un peu comme le FN ou Debout la France (DLF), qui ne proposent pas une véritable sortie de l’euro, de l’UE et de l’OTAN dans leur programme, certains partis espagnols donnent l’impression d’être très critiques vis-à-vis de la construction européenne… mais ils ne proposent en réalité qu’une « autre Europe ». Podemos (fondé le 17 janvier 2014) fait partie de ces leurres agités comme des étendards de la souveraineté et de l’euroscepticisme. Pourtant, malgré la belle histoire racontée par les médias espagnols et français (et vraisemblablement européens), la réalité est toute autre.
 
(…)
 

 


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14 juillet 2015 2 14 /07 /juillet /2015 14:21

Par , lu sur le blog Russeurope · 13 juillet 2015

parthenonAu petit matin de ce lundi 13 juillet, le Premier-ministre grec, M. Alexis Tsipras, a fini par capituler. Il a capitulé sous les pressions insensées de l’Allemagne, mais aussi de la France, de la Commission européenne et de l’Eurogroupe. Il n’en reste pas moins qu’il a capitulé. Car, il n’y a pas d’autres mots pour désigner l’accord qui lui a été imposé par l’Eurogroupe, puis par les différents dirigeants européens, le revolver – ou plus précisément la menace d’une expulsion de la Grèce hors de la zone Euro – sur la tempe. Cette capitulation aura des conséquences dramatiques, en Grèce en premier lieu où l’austérité va continuer à se déployer, mais aussi au sein de l’Union européenne. Les conditions dans lesquelles cette capitulation a été arrachée font voler en éclat le mythe d’une Europe unie et pacifiée, d’une Europe de la solidarité et des compromis. On a vu l’Allemagne obtenir de la Grèce ce que les anciens appelaient une paix carthaginoise. On sait que telle était la position dès le départ de M. Dijsselbloem, le Président de l’Eurogroupe[1]. On a vu, avec tristesse mais aussi avec colère, la France finir par se plier à la plupart des exigences allemandes, quoi qu’en dise notre Président.

Ce 13 juillet est et restera dans l’histoire un jour de deuil, à la fois pour la démocratie et pour l’Europe.

 

Un accord détestable

Cet accord est un accord détestable, et pour plusieurs raisons. Il l’est dans le domaine économique. Il saigne à nouveau l’économie grecque sans lui offrir la nécessaire et réelle bouffée d’oxygène dont elle avait besoin. L’accroissement de la pression fiscale sans contreparties, aura des conséquences désastreuses pour l’économie grecque. C’est la poursuite de l’austérité dans la plus pure logique d’un Pierre Laval en France, mais surtout d’un Brüning en Allemagne, ou d’un McDonald en Grande-Bretagne, ces figures tragiques des années trente qui ont aggravé par leurs politiques les conséquences de la crise de 1929. La hausse de la pression fiscale exigée, les nouvelles coupes dans les dépenses, ne s’accompagnent nullement du plan d’investissement massif qui aurait pu en compenser, au moins en partie, les effets. Notons ainsi que le gouvernement grec est contraint de s’engager à : « mener d’ambitieuses réformes des retraites et définir des politiques visant à compenser pleinement l’incidence budgétaire de l’arrêt de la cour constitutionnelle relatif à la réforme des pensions de 2012 et mettre en œuvre la clause de déficit zéro ou des mesures alternatives mutuellement acceptables d’ici octobre 2015 ». En d’autres termes on demande au gouvernement grec de compenser l’arrêt de la cour constitutionnelle qui avait cassé la réforme des retraites de 2012. Bref, la logique de l’austérité est ici proclamée plus importante que la constitution d’un état souverain[2].

Cet accord est aussi détestable dans le domaine financier aussi. Il engage donc le Mécanisme Européen de Stabilité, ou MES. Mais, cet engagement sera appelé à grandir régulièrement. L’économie grecque va, en effet, continuer à s’enfoncer dans la dépression. Les ressources fiscales vont au total stagner, voire diminuer et cela même si la pression fiscale augmente comme il est prévu dans l’accord. La dette va donc, en proportion de la richesse produite, devenir de plus en plus lourde. Sur cette dette, le reprofilage – mot barbare qui désigne un allongement des délais de paiement du principal et un report des intérêts – ne résout rien. On sait, le Fonds Monétaire International l’a dit, qu’il faut restructurer, c’est à dire annuler, une partie de la dette grecque. Mais, l’Allemagne s’y refuse toujours avec obstination. Il faudra d’ici peu trouver à nouveau de l’argent pour la Grèce. L’une des raisons pour lesquelles ce plan est détestable est qu’il ne règle rien, ni économiquement, ni financièrement.

 

Un accord de type néo-colonial

Enfin, ce plan est détestable pour une troisième raison. Politiquement, il aboutit à mettre la Grèce en tutelle, à l’assimiler dans les faits à une colonie privée de tout pouvoir réel. Le parlement grec non seulement est sommé de voter au plus vite certaines réformes, avec deux dates butoirs, du 15 et du 22 juillet[3], mais il devra soumettre désormais les différentes mesures à prendre au contrôle et au bon vouloir des institutions européennes. En particulier, un paragraphe de l’accord est très significatif. Il dit ceci : « Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement »[4].

C’est le rétablissement de ce que les grecs appellent le « régime de la Troïka », régime qu’ils avaient répudié lors des élections du 25 janvier dernier. Et c’est là sans doute le résultat le plus inouï de cet accord. Il équivaut à annuler une élection libre et démocratique, à affirmer que les règles édictées à Bruxelles ont plus de poids que le jeu démocratique. Il faudra s’en souvenir car, de ce point de vue, cet accord ne concerne pas les seuls grecs ; il menace aussi tous les peuples de la Zone Euro. Il nous menace donc nous aussi, les français. Et c’est pourquoi le fait que notre Président, M. François Hollande, se soit prêté à ce crime, car il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cet accord dans le domaine politique, doit nous emplir d’effroi. En acceptant de poser sa signature au bas de cet accord, en acceptant de la faire voter d’ici la fin de la semaine au Parlement français, François Hollande est dès lors connivent à cet étranglement de la démocratie en Grèce, mais aussi dans l’ensemble de la Zone Euro.

Allant toujours plus loin, cet accord organise la spoliation de la population grecque dans le paragraphe léonin qui concerne les privatisations et qui date directement de ce que l’on appelait au XIXème siècle la « politique de la canonnière ». Ce paragraphe stipule en effet que le gouvernement grec doit : « élaborer un programme de privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance; des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d’autres moyens. La monétisation des actifs constituera une source permettant le remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d’euros, dont 25 milliards d’euros serviront au remboursement de la recapitalisation des banques et d’autres actifs, et 50 % de chaque euro restant (c’est-à-dire 50 % de 25 milliards d’euros) serviront à diminuer le ratio d’endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements »[5]. Cela revient à dire que la Grèce ne pourra utiliser que 50% de 25 milliards, soit 12,5 milliards issus des privatisations pour des investissements. Or, ces sommes ne seront pas disponibles – si tant est qu’elles le soient un jour – avant deux à trois ans.

Quand on entend François Hollande affirmer dans la mâtinée de ce 13 juillet que la souveraineté de la Grèce a été préservée, on se dit que notre Président a un goût douteux pour la plaisanterie. C’est ajouter l’insulte à la blessure. Car la souveraineté de la Grèce a bel et bien été piétinée par l’Eurogroupe et par l’Allemagne, avec l’aide et avec l’assentiment de la France. C’est pour cela que ce 13 juillet sera désormais un jour de deuil pour tous ceux qui défendent la démocratie, la souveraineté et la liberté des peuples.

La question de l’Euro

François Hollande affirme que son action a sauvé l’Euro. Il est clair que si l’Allemagne avait imposé l’expulsion de la Grèce hors de la Zone Euro, cela aurait déclenché à relativement court terme le processus de dissolution de cette zone. Mais, le maintient de la Grèce dans la zone Euro ne sauve nullement l’Euro. D’une part parce que les problèmes économiques et financiers de la Grèce ne sont pas résolus. D’autre part, parce que d’autres pays sont aujourd’hui en grandes difficultés, et en particulier l’un de nos voisins, l’Italie.

L’Euro est, on en a eu la preuve aujourd’hui, indissolublement lié à la politique d’austérité. La politique économique menée dans la Zone Euro consolidée par le rôle des divers traités, et en particulier du dernier le TSCG ratifié en septembre 2012, ne peuvent que mener à l’austérité. Si on ne l’avait pas encore compris c’est aujourd’hui parfaitement clair : l’Euro c’est l’austérité. Bien sur, il peut y avoir des politiques d’austérité sans l’Euro. Mais l’Euro implique en réalité la politique d’austérité et toute politique menée dans le cadre de l’Euro conduit à l’austérité. Il faut comprendre le sens profond de cette affirmation. Aujourd’hui, tant que l’on restera dans la zone Euro, il sera impossible de mener une autre politique économique que l’austérité. Pour ne pas avoir compris cela Alexis Tsipras s’est mis de lui-même la tête sur le billot.

Cette constatation est appelée à devenir le véritable point de clivage de la politique française dans les mois et les années à venir. Ainsi, ce qu’a sauvé François Hollande, en réalité, c’est bel et bien l’austérité. On sait qu’il fit ce choix en 2012. Il n’en a pas changé. Il devra donc être jugé dessus aux prochaines élections.

[1] VAROUFAKIS: POURQUOI L’Allemagne REFUSE D’ALLÉGER LA DETTE DE LA GRÈCE, http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/120715/varoufakis-pourquoi-lallemagne-refuse-dalleger-la-dette-de-la-grece

[2] Déclaration du sommet de la zone euro , Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 3.

[3] Le texte de l’accord précise que ce dernier ne sera valable que dans les conditions suivantes : « Ce n’est qu’après – et immédiatement après – que les quatre premières mesures susmentionnées auront fait l’objet d’une mise en oeuvre au plan juridique et que le Parlement grec aura approuvé tous les engagements figurant dans le présent document, avec vérification par les institutions et l’Eurogroupe, qu’une décision pourra être prise donnant mandat aux institutions de négocier un protocole d’accord ». Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 2.

[4] Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 5.

[5] Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 4.

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13 juillet 2015 1 13 /07 /juillet /2015 21:06

La zone euro a changé de visage ce 13 juillet.

La zone euro a changé de visage ce 13 juillet. (Crédits : REUTERS/Stringer/Pool)

Les dirigeants de la zone euro ont imposé un accord aux conditions encore plus dures, presque punitif, aux Grecs. Mais la défaite d'Alexis Tsipras résonne comme une défaite pour toute la zone euro.

Jamais, dans le jargon européen, le terme de « compromis » n'aura semblé si peu adapté. « L'accord » atteint au petit matin du 13 juillet entre la Grèce et le reste de la zone euro a désormais des allures de déroute pour le gouvernement grec. Une déroute qui a un sens pour le reste de l'avenir de la zone euro.

Erreur stratégique

Avant d'en venir aux conséquences, il faut expliquer cette défaite d'Athènes. Le gouvernement grec avait accepté jeudi soir le plan des créanciers présenté le 26 juin. Un plan déjà extrêmement difficile à accepter pour la majorité parlementaire grecque. Cette dernière s'était d'ailleurs fissurée vendredi soir dans le vote à la Vouli, le parlement grec. Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, pouvait cependant alors prétendre pouvoir arracher un accord sur la dette comme « compensation. » Malheureusement pour lui, les créanciers ont alors immédiatement compris le message : l'exécutif grec craignait davantage la sortie du pays de la zone euro que l'abandon de son propre programme. On aurait pu s'en douter dès le 22 juin lorsqu'Athènes avait déjà présenté un plan d'austérité. Mais le « non » au référendum avait été une contre-offensive qui, compte tenu du résultat, pouvait donner un mandat implicite au premier ministre pour réaliser le Grexit. Il n'en a pas jugé ainsi. En grande partie parce qu'il a commis l'erreur de ne pas le préparer.

La curée

Dès lors, la position grecque était extrêmement fragile. En effet, pour un petit pays aussi affaibli et endetté que la Grèce, la seule force dans les négociations était la menace de la sortie de la zone euro. Menace que, sans doute, il fallait éviter de mettre en oeuvre si c'était possible, mais qu'il fallait brandir assez sérieusement pour faire douter le camp d'en face. Dès lors que cette menace était levée, Athènes n'avait aucun moyen de pression. La position grecque s'était alors entièrement découverte. Et les créanciers ont pu, sans crainte d'une rupture, augmenter leurs exigences. Pour cela, le moyen était fort simple : il suffisait de menacer la Grèce d'une sortie de la zone euro. Comme cette dernière n'en voulait à aucun prix, il était simple de lui faire accepter d'autres conditions et d'annuler ainsi une partie des succès obtenus durant six mois de négociations, notamment le retour des « revues » de la troïka, l'instauration du travail du dimanche et la mise en place d'un fonds de 50 milliards d'euros issus des privatisations pour recapitaliser les banques, rembourser la dette et faire des investissements productifs. Et pour bien faire comprendre à la Grèce qu'elle devait filer droit cette semaine et voter les « réformes » souhaitées, le premier ministre néerlandais Mark Rutte a prévenu que le « Grexit n'était pas encore exclu. »

Quelques succès ?

Les créanciers ont donc tellement tourmenté Alexis Tsipras que ce dernier a pu présenter quelques concessions sur les exigences nouvelles de ce week-end comme des succès : l'absence de Grexit, le maintien du Fonds en Grèce (et non son transfert au Luxembourg comme l'Eurogroupe l'avait demandé) ainsi que le report d'un quart de son montant sur des investissements productifs (autant que la part réservée aux créanciers et moitié moins que celle réservée pour les banques). Mais son seul vrai succès est d'avoir obtenu l'ouverture d'une discussion sur un « reprofilage » de la dette, autrement dit sur un nouvel échéancier. Mais il faut se souvenir que ce plan va encore augmenter la dette et qu'un rééchelonnement risque simplement de « lisser » les effets de cette augmentation. Et, comme on a pu le constater, Athènes est tout sauf en position de force pour bien négocier ce rééchelonnement. Encore une fois, les créanciers - et Angela Merkel l'a confirmé explicitement - restent attachés au mythe de la viabilité de la dette publique grecque. Un mythe qui va continuer de coûter cher à la Grèce qui va ployer pendant des décennies sous le poids absurde de cette dette, la condamnant à une austérité sans fin et à la méfiance des investisseurs.

Prélude à la chute d'Alexis Tsipras ?

Alexis Tsipras va devoir désormais faire accepter ce plan à son parlement. Or, ce plan n'est rien d'autre qu'une négation explicite des deux votes grecs du 25 janvier et du 5 juillet. Les créanciers avaient pour but, d'emblée, d'obtenir l'annulation de fait de ces votes. Ils sont en passe de l'obtenir. Les parlementaires de Syriza ont désormais le choix entre provoquer une crise politique en désavouant Alexis Tsipras et adoptant un programme basé sur la sortie de la zone euro ou devenir un nouveau Pasok, un parti qui tente de « réduire l'impact » des mesures des créanciers sans avoir aucune certitude d'y parvenir. Face à un tel choix, Syriza pourrait se scinder, comblant les vœux des créanciers et de Jean-Claude Juncker qui souhaitait, en janvier, « revoir des têtes connues. » Car, avec de nouvelles élections, qui semblent désormais inévitables, les perdants des 25 janvier et 5 juillet pourraient profiter de cette division pour remporter le scrutin. Quoi qu'il en soit, si le Syriza « modéré » d'Alexis Tsipras l'emporte, sa capacité de résistance est désormais très faible. Le « danger politique » est écarté, comme le voulaient les dirigeants de la zone euro.

La victoire de Tsipras : un révélateur de la nature de la zone euro

Il est cependant un point sur lequel Alexis Tsipras a clairement gagné : il a mis à jour par ses six mois de résistance et ce déchaînement de « vengeance » comme le note ce lundi matin le quotidien britannique The Guardian en une, la nature de la zone euro. Ce lundi 13 juillet, on y voit plus clair sur ce qu'est la zone euro. A l'évidence, les gouvernants européens ont agi comme aucun Eurosceptique n'aurait pu l'espérer.

L'imposition de la logique allemande

D'abord, on a appris que l'euro n'était pas qu'une monnaie, mais aussi une politique économique particulière, fondée sur l'austérité. Le premier ministre grec avait fait le pari que l'on pouvait modifier la zone euro de l'intérieur et réaliser en son sein une autre politique économique. Preuve est désormais faite de l'impossibilité d'une telle ambition. Les créanciers ont clairement refusé une réorientation de la politique d'austérité budgétaire qui, pour un pays comme la Grèce, n'a réellement plus aucun sens aujourd'hui et l'empêche de se redresser. On a continué à imposer cette logique qui fonde la pensée économique conservatrice allemande : la réduction de la dette et la consolidation budgétaire ont la priorité sur une croissance économique qui ne peut être le fruit que « d'efforts douloureux » appelés « réformes. » Même dans un pays économiquement en ruine  comme la Grèce qui a démontré empiriquement l'échec de cette logique. Si Alexis Tsipras a perdu son pari, il n'est pas le seul fautif. Les Etats européens comme la France et l'Italie le sont aussi, qui en validant les réformes engagées depuis 2011 dans la zone euro (Two-Pack, Six-Pack, MES, semestre européen, pacte budgétaire) ont assuré la prééminence de cette logique.

Français et Italiens ne peuvent donc pas s'étonner de la radicalisation de l'Allemagne et de ses alliés. Ils l'ont préparé par leur stratégie de concessions à Berlin, se trompant eux-mêmes sur leur capacité future de pouvoir ainsi « infléchir » la position allemande dans le futur.

Gouvernance économique aveugle

La gouvernance économique de la zone euro - jadis tant souhaitée par les gouvernements français - existe donc bel et bien, et ne souffre aucune exception, fût-elle la plus modérée. Aussi, qui veut la remettre en cause devient un adversaire de l'euro. La diabolisation de Syriza pendant six mois l'a prouvé. Ce parti n'a jamais voulu renverser l'ordre européen, le gouvernement grec a rapidement fait de larges concessions (que l'on songe à l'accord du 20 février). Mais sa demande d'une approche plus pragmatique dans le traitement du cas grec conduisait à une remise en cause de la vérité absolue de la logique "austéritaire" décrite plus haut. Il fallait donc frapper fort pour faire cesser à l'avenir toute velléité de remise en cause de l'ordre européen établi. Il y a dans cette Europe un air de « Sainte Alliance » de 1815, révélé désormais au grand jour. Comment autrement expliquer cet acharnement face à Athènes ce week-end, cette volonté de « vengeance » ? Alexis Tsipras avait cédé sur presque tout, mais ce n'était pas assez, il fallait frapper les esprits par une humiliation supplémentaire.

Identification entre euro et austérité

Le problème, c'est que, désormais, l'identification entre l'euro et l'austérité est totale. Le comportement des dirigeants de la zone euro avant et après le référendum pour faire du « non » aux mesures proposées un « non » à l'euro le prouvent aisément. La volonté explicite de durcir les conditions imposées à la Grèce pour rester dans la zone euro ce week-end enfonce le clou. Aujourd'hui, c'est bien la question de la « réforme de la zone euro » et de sa gouvernance qui est posée. C'est un cadeau magnifique fait en réalité aux Eurosceptiques qui auront beau jeu désormais de fustiger la faiblesse d'Alexis Tsipras et de faire de la sortie de la zone euro la condition sine qua non d'un changement, même modéré, de politique économique. Cette fin de semaine, une certaine idée, optimiste et positive, de la zone euro a perdu beaucoup de crédibilité.

Grexit ou pas, le précédent existe désormais

Du reste, ceux qui se réjouissent d'avoir sauvé l'intégrité de la zone euro se mentent à eux-mêmes. Pour la première fois, l'impensable a été pensé. L'irréversibilité de l'euro est morte au cours des deux dernières semaines. Grexit ou pas, la possibilité d'une sortie de la zone euro est désormais établie. La BCE l'a reconnue par la voix de deux membres de son directoire, Benoît Coeuré et Vitor Constancio, et l'Eurogroupe en a explicitement menacé la Grèce. Dès lors, la zone euro n'est plus un projet politique commun qui supposerait la prise en compte des aspirations de tous ses Etats membres par des compromis équilibrés. Elle est un lieu de domination des forts sur les faibles où le poids de ces derniers ne comptent pour rien. Et ceux qui ne se soumettent pas à la doctrine officielle sont sommés de rendre les armes ou de sortir. On accuse Alexis Tsipras d'avoir « menti » à son peuple en prétendant vouloir rééquilibrer la zone euro. C'est faux, car il ne connaissait pas alors la nature de la zone euro. Maintenant il sait, et les Européens aussi.

C'est la réalisation du projet « fédéral » de Wolfgang Schäuble : créer une zone euro plus centralisée autour d'un projet économique accepté par tous, ce qui suppose l'exclusion de ceux qui le remettent en cause. Angela Merkel s'est rallié à ce projet parce qu'elle a compris qu'Alexis Tsipras ne sortirait pas de lui-même. Elle a donc pensé pouvoir obtenir la discipline et l'intégrité de la zone euro. Mais elle se trompe, elle a ouvert une boîte de Pandore qui pourrait coûter cher à l'avenir au projet européen. De ce point de vue, peu importe que le Grexit n'ait pas eu lieu  : sa menace suffit à modifier la nature de la zone euro.

La nature de l'euro

L'euro devait être une monnaie qui rapprochait les peuples. Ce devait être la monnaie de tous les Européens. Or, cette crise a prouvé qu'il n'en est rien. On sait que, désormais, on peut priver certains habitants de la zone euro de l'accès à leur propre monnaie. Et que cette privation est un moyen de pression sur eux. Il sera donc bien difficile de dire encore « l'euro, notre monnaie » : l'euro est la monnaie de la BCE qui la distribue sur des critères qui ne prennent pas en compte le bien-être des populations, mais sur des critères financiers dissimulant mal des objectifs politiques. L'euro est, ce matin, tout sauf un instrument d 'intégration en Europe. En réalité, on le savait depuis la gestion de la crise de Chypre en 2013, qui, on le comprend maintenant, n'était pas un « accident. »

Le choc des démocraties réglé par le protectorat

La résistance d'Alexis Tsipras et l'accord obtenu mettent également à jour le déséquilibre des légitimités démocratiques. Longtemps, l'argument a été que les Grecs ne pouvaient pas imposer leurs choix démocratiques aux autres démocraties. Ceci était juste, à condition que ce soit réciproque.

Or, ce lundi 13 juillet, la démocratie grecque a été fragilisée et niée par ses « partenaires » européens. On a ouvertement rejeté le choix des Grecs et imposé à la place celui des autres gouvernements démocratiques. Le débat ne se tenait pas entre démocraties mais entre créanciers et débiteurs. Jamais la zone euro n'a voulu prendre au sérieux les choix grecs. Et toujours on a cherché à se débarrasser de ceux qui étaient issus de ces choix. Il est donc possible de faire d'un pays de la zone euro une forme moderne de protectorat financier. C'est là encore un dangereux cadeau fait aux Eurosceptiques qui auront beau jeu de venir se présenter en défenseurs de la souveraineté populaire et de la démocratie.

Plus d'intégration ?

François Hollande a promis « plus d'intégration » dans la zone euro les mois prochains. Ceci ressemble dangereusement à une fuite en avant. Angela Merkel a prouvé qu'elle avait choisi le camp de Wolfgang Schäuble, de concert avec la SPD. On ne peut donc que s'inquiéter de cette promesse de l'hôte de l'Elysée qui ne peut aller que dans le sens des erreurs commises. Enivrée par leurs victoires sur un peuple déjà à genoux, les dirigeants de la zone euro doivent prendre garde de ne pas aggraver encore un bilan qui, au final, est aussi négatif pour les vainqueurs que pour les vaincus.

 

 

 

 

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13 juillet 2015 1 13 /07 /juillet /2015 20:56
Peu avant 9 heures, un accord a été trouvé et adopté à l'unanimité des pays membres de l'Eurozone pour débloquer la situation en Grèce. Il permettra la mise en place d'un troisième plan d'aide
 
Grèce : Un "accord de Munich" adopté à l'unanimité #ThisIsACoup
 
Selon les déclarations du président du Conseil européen Donald Tusk, la Grèce bénéficiera d'une aide du Mécanisme européen de stabilité (MES) en contrepartie de la mise en oeuvre par Athènes de réformes importantes.

«A l'unanimité, le sommet de la zone euro a trouvé un accord. Tout est prêt pour un programme du MES destiné à la Grèce avec des réformes sérieuses et un soutien financier», a déclaré Donald Tusk sur Twitter.


Si le texte soumis ne prévoit a priori pas de sortie temporaire de la Grèce de la monnaie unique, il risque d'être difficile à accepter en Grèce où le gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras avait promis qu'il ne se laisserait pas imposer de nouveaux sacrifices.

 

Grèce : Un "accord de Munich" adopté à l'unanimité #ThisIsACoup
L'humiliation du peuple grec

Les créanciers exigent du premier ministre grec qu’il fasse adopter d’ici à mercredi une première série d’actions prioritaires, notamment sur un changement du régime de la TVA (et la hausse de cette dernière) ou sur la réforme des retraites (allongement de l’age de départ).

Lors de ce premier vote se dessineront certainement les nouveaux équilibres politiques révélés par le vote de samedi au Parlement grec. Car, si une large majorité de députés avaient alors décidé de soutenir l’effort de négociation d’Alexis Tsipras, de nombreuses défections dans son propre camp sont apparues au grand jour. Dix-sept députés du parti de la gauche radicale Syriza avaient refusé d’accorder leur soutien au premier ministre (2 non, 8 abstentions et 7 absents).

Il y a également de fortes pressions à Bruxelles pour que des changements politiques interviennent le plus rapidement possible. Alexis Tsipras doit, au minimum, opérer un remaniement ministériel pour se défaire des éléments les plus radicaux de son gouvernement. Notamment ceux issus de la plate-forme de gauche (un mouvement situé à l’aile gauche de Syriza) qui se sont désolidarisés ces derniers jours de leur premier ministre. Premiers visés, le ministre du redressement productif Panayiotis Lafazanis et le ministre de la sécurité sociale Dimitris Stratoulis, qui se sont tous deux abstenus lors du vote de samedi.

Les créanciers, inquiets qu’un gouvernement Syriza refuse d’appliquer de nouvelles mesures d’austérité, même adoptées au Parlement, veulent aller encore plus loin. Et font pression sur Alexis Tsipras pour qu’il accepte de faire entrer dans son gouvernement des ministres issus d’autres formations politiques et notamment du parti centriste To Potami.

 

Grèce : Un "accord de Munich" adopté à l'unanimité #ThisIsACoup
 
Alexis Tsipras de nouveau au bord du gouffre

Le chef du gouvernement grec n'a plus de majorité au Parlement. C'est grâce aux partis d'opposition, le Pasok (socialiste), la Nouvelle démocratie (droite) et La Rivière (To Potami, centre) que ses dernières propositions d'économies, pourtant jugées insuffisantes par l'Eurogroupe, ont été adoptées samedi 11 juillet (251 voix sur 300). Près de 32 députés de Syriza sur 149 ont fait défection ou ont juré de le faire bientôt.

Syriza, coalition hétéroclite, est au bord d'une implosion qui était largement prévisible. Parmi les "rebelles" abstentionnistes se trouve deux ministres, dont celui de l'Energie Panagiotis Lafazanis, adversaire déclaré de l'euro. Mais on compte aussi la présidente du Parlement, Zoé Kostantopoulou, passionaria de la gauche radicale et "épine" dans le pied du Premier ministre à cause de sa grande popularité, estime Kathimerini.
Nicolas Maury
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