Le président de la COP 21, Laurent Fabius, a présenté l'accord final sur le changement climatique comme « Un accord différencié, juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant ». Le consensus obtenu est effectivement une prouesse diplomatique sans précédent dans la longue liste des conférences internationales sur l'environnement depuis la conférence de Stockholm en 1972.
Toutefois, ce triomphe aura été payé très cher du point de vue éco-climatique.
COP 21: VICTOIRE DIPLOMATIQUE, RECULS SUR LE CLIMAT
L'expression incrédule du visage de Laurent Fabius devant l'enthousiasme des participants à la séance de clôture montrait éloquemment qu'il était politiquement ravi mais perplexe devant l'accueil d'un accord en tel recul devant les ambitions affichées lors de la séance d'ouverture.
Un détail aurait dû alerter les observateurs dès le commencement : la presse audio-visuelle française aura vu la disparition de la plupart des climatologues – dont Jean Jouzel vice-président du GIEC et Hervé Le Treut, de l'Académie des sciences. Ils ont été abondamment remplacés par les politiciens habituels ou les aventuriers professionnels, familiers des hautes latitudes et des studios de télévision.
Leadership des Etats-Unis ? Oui, mais pour les gaz de schiste !
Un moment assez comique a semble-t-il échappé à beaucoup d'enthousiastes de la COP 21 : le 12 décembre Barack Obama a fait l'éloge, depuis Washington, du résultat acquis sous «le leadership des Etats-Unis», présenté comme à la pointe du combat écologique. Ceci dit sans rire, au moment où l'extraction des gaz de schiste (combustible fossile s'il en fut) provoque dans ce pays des désastres environnementaux sans précédent...
L'accord final affiche des intentions plus ambitieuses que l'objectif initial qui visait à limiter le réchauffement sous le seuil des 2°C. Il s'agirait de le maintenir «largement» en-dessous, par rapport aux niveaux pré-industriels, et de tenter de le baisser encore pour tendre vers les 1,5°C. L'expression «Par rapport aux niveaux pré-industriels» est dérisoire puisque à l'époque du «petit âge glaciaire» le réchauffement n'était pas à l'ordre du jour. La grande crainte des «savants» et du public était alors le refroidissement par «mort thermique de l'univers».
Toutefois, la faiblesse de l'objectif de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) est évidente puisqu'il est seulement question d'établir un «pic» des émissions de GES «dès que possible» ce qui est loin d'être contraignant, on en conviendra. Les ambitions antérieures, qui visaient à diminuer de 70 à 95 % des émissions de GES, ont été abandonnées, et c'est précisément ce genre de recul qui a rendu l'accord «historique» possible. Les «parties» sont même parvenues à fixer comme objectif, non plus une réduction des émissions, mais simplement de les équilibrer par des «puits» de carbone. On sait en effet que les plantes en croissance ainsi que le plankton des océans, sont des «puits» qui réduisent le taux de carbone atmosphérique. On observe aussi que cet objectif fort modeste n'est envisagé que pour la seconde moitié du XXIe siècle...
Quant à la Commission européenne, un document interne rendu public par des organisations de la société civile révèle les instructions données par Bruxelles à ses négociateurs de refuser que le futur accord climatique puisse imposer des limites au commerce. Il s'agit d'une note présentée par la DG Climat au Comité de la politique commerciale du Conseil, le 20 novembre dernier en amont du sommet de Paris de la COP21.
L'accord de Paris est loin des recommandations du GIEC
Nous sommes très en-deçà des recommendations des experts du GIEC qui établissent la nécessité d'une baisse des émissions mondiales des GES située entre 40 et 70% d'ici à 2050, si l'on veut éviter un dérèglement du climat selon eux incontrôlable.
Le texte de l'accord final reconnaît «la différentiation», c'est-à-dire le fait que les pays du Sud, qui polluent moins que ceux du Nord, doivent recevoir des aides de ceux-ci. Et par conséquent qu'« un soutien doit être apporté aux pays en développement » par les nations les plus avancées au plan économique. C'est juste, mais l'idée avait déjà été formulée dans la Convention-cadre de la conférence de Rio de Janeiro, en 1992, sans être suivie de résultats notables. La promesse avait été renouvelée en 2009. Aujourd'hui, l'annonce d'une aide annuelle de 100 milliards de dollars (jusqu'en 2020) aux pays en développement prétend faire l'effet d'un coup de tonnerre.
Il s'agit pourtant d'un somme dérisoire, équivalente à quelques heures seulement de spéculation financière dans le monde. Sans compter qu'il n'est aucunement précisé ce que seront les sources de cette aide présumée : des dons ? Ou des prêts bancaires qui alimenteraient encore les dettes de pays pauvres ? L'accord de Paris ne le précise pas, tout en laissant entendre que cette «aide» doit être envisagée comme un «plancher», et qu'elle pourrait être augmentée. Nous verrons si cela se produit, et surtout à quelles conditions les emprunts devront être remboursés.
L'accord de Paris n'est pas contraignant
Aujourd'hui, 190 Etats sur 195 se sont engagés à des réductions d'émissions de GES qui inscriraient le réchauffement dans une trajectoire atteignant les 3°C. Une concession qui situe la planète dans des perpective qualifiées il y a peu de «catastrophiques». D'autant que ces «engagements» n'ont aucun caractère contraignant, ce qu'il y a peu représentait une ligne rouge entre l'acceptable et un désastre climatique annoncé. Il est désormais clair que les participants à la COP 21 ont renoncé à beaucoup des ambitions dont ils étaient porteurs en arrivant à Paris. N'oublions pas que l'accord dont il est question n'entrera en vigueur qu'en 2020 et qu'à «tout moment après un délai de trois ans à partir de l'entrée envigueur de l'accord pour un pays», celui-ci pourra s'en retirer. Sachant que pour le seul protocole de Kyoto (1997), auquel personne ne croit plus sauf quelques fonctionnaires internationaux administrativement concernés, les émissions anthropiques de GES ont augmenté de 40 % (alors qu'elle auraient dû être réduites de 5,2 % en 2012), on craint le pire pour l'accord «historique» de Paris...
Pascal Acot
P. Acot a notamment publié :
Histoire du Climat, Perrin, 2003, traduit en espagnol, italien, chinois, tchèque.
Catastrophes climatiques, désastres sociaux, 2006, Presses Universitaires de France, traduit en italien.
Climat, un débat dévoyé ? (postface de Pierre Lévy), 2010, Armand Colin.