Lu dans "Histoireetsociete" le blog de Danielle Bleitrach
La rencontre de Minsk la semaine prochaine et les rapports de forces sur l’Ukraine par Danielle Bleitrach
Merkel est allée voir aujourd’hui Porochenko en l’assurant bien sûr de toute son amitié, mais en lui faisant comprendre que personne ne mourrait pour l’Ukraine. Elle s’est clairement prononcée pour un cessez-le-feu bilatéral. Quant aux sanctions c’était possible, mais pour le moment pas à l’ordre du jour vu les effets réels des premières. L’orientation est claire, mais au nom de qui parle-t-elle? Au nom de l’Allemagne grande puissance économique désireuse d’acquérir un positionnement diplomatique? Probablement mais pas seulement, il y a là le constat d’un rapport des forces.
Merkel est allée à Kiev, mais le même jour, son vice chancelier intervenait dans le même sens : Le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel s’est prononcé pour la fédéralisation de l’Ukraine dans une interview à l’édition Welt am Sonntag à paraître dimanche."On peut préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine uniquement si on fait une proposition aux régions à majorité russophone. Le concept raisonnable de fédéralisation me paraît la seule solution possible", a indiqué M.Gabriel.Selon lui, il faut d’abord parvenir à une entente sur un cessez-le-feu dans l’Est de l’Ukraine. L’Allemagne doit œuvrer "pour éviter une guerre entre l’Ukraine et la Russie", a ajouté M.Gabriel.
S’agit-il de l’Allemagne? De l’Europe? quelle est la latitude laissée par Obama?
Est-ce un effet de mon indécrottable optimisme? Mais quand j’ai vu Obama occupé en irak et par l’espèce d’Euro maïdan qui s’était déclenché chez lui, je me suis dit que c’est peut-être l’occasion de régler les problèmes en Europe avec la Russie… la paix se fera-t-elle contre lui et contre ses conseillers néo-cons, l’histoire le dira.
La rencontre de Minsk, mardi prochain, entre les présidents de Russie et d’Ukraine, Vladimir Poutine et Petro Poroshenko, avec la Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, présente peut-être à cause de l’intervention de Merkel, le signe avant coureur d’un processus de paix. Elle a été précédée d’une rencontre à Berlin entre les ministres des Affaires Etrangères d’Allemagne, de France, de Russie autour de la question ukrainienne. Pas d’avancée notable mais l’élaboration d’un langage "presque une interprétation commune" a dit le ministre russe des Affaires Etrangères, Sergey Lavrov qui néanmoins avait fait avancer la conscience d’une crise humanitaire dans le Donbass.
Berlin, ce n’est pas un hasard, pas plus que l’arrivée d’Angela Merkel à Kiev aujourd’hui. Poutine parle l’allemand, la chancelière et lui ont vécu en RDA, il y a entre eux beaucoup de connivences. Un thème récurrent chez Poutine est celui de la bonne institutrice contenant le méchant garçon qu’il pourrait être. Mais pour être plus sérieux, le patronat allemand en a assez des fantaisies imposées par les Etats-Unis aux affaires allemandes. Bref, Angela Merkel s’est toujours posée en interprète à tous les sens du terme de l’ours russe, en insistant parfois sur son irascibilité et les inquiétudes que lui inspirait l’animal,. mais jamais le contact n’a été rompu et il a même un moment été question d’une avancée importante, un plan qui se serait substitué à ceux de Poroshenko qui inspiré par les Etats-Unis invitait simplement les insurgés à se rendre… . On peut même aller d’ailleurs jusqu’à imaginer que le Mystérieux crash de l’avion malaisien est intervenu à un moment où les négociations entre la Russie et l’Allemagne donnaient quelques espoirs. Est-ce totalement un hasard et saura-t-on le fin mot de l’histoire puisque visiblement les Etats-Unis dissimulent des faits.
Merkel, elle même, vu ses excellents rapports avec Poutine et surtout sous la pression du patronat allemand, sans parler des inquiétudes sur la stagnation de l’économie allemande et le besoin du gaz russe, commence à pencher vers l’Ukraine comme une zone intermédiaire favorisant une Eurasie pacifiée… Elle est comme certains conservateurs des Etats-Unis encline à prendre en considération le fait que la Russie ne peut pas tolérer à ses frontières immédiates la présence d’une alliance militaire dirigée contre elle. C’est ce qu’elle a laissé entendre quand elle s’est rendue à Riga le 18 août.
Bref parfois on se demande si madame Merkel ne va pas adhérer au BRICS et larguer la pesante et ingérable Europe. Mais cette hypothèse n’est pas encore d’actualité, en revanche les bons offices de madame Merkel ne sont pas une illusion et qu’en pense Obama, ce qui nous indiquerait ce que pense le plus atlantiste des présidents français. Pour le moment la France s’inscrit dans le sillage de l’Allemagne dans la recherche d’une début de langage commun, après avoir joué les boute feu, la France échaudée par le revers de bâton des sanctions et tenant bon sur la vente de ses Mistral s’inscrit dans la logique de Merkel. Quant à Obama empêtré à la fois dans ses problème intérieurs et dans le retournement de son Frankestein, l’Etat Islamique d’Irak et du Levant, risque d’avoir besoin de la diplomatie russe et même de la coopération militaire russe.
Maintenant tous les espoirs résident dans l’habilité de Lavrov et de Poutine lui-même… Ce dernier a montré hier et il était sans doute temps qu’il ne laisserait pas sacrifier les gens du Donbass, ce qui est également une annonce concernant la Crimée… il a habilement mis en avant le problème humanitaire, la nécessité d’un cessez-le-feu et récusé ce faisant toute volonté belliciste tout en montrant sa fermeté. L’objectif de la Russie à travers cette action c’est d’obtenir à Minsk la fin de l’opération punitive contre la population du Donbass. Ce qui peut convenir à l’Allemagne et à la France mais dont le principal obstacle reste les Etat-Unis qui ont incité à la guerre totale jusqu’à présent. De ce point de vue, la position catastrophique de Kiev sur le plan militaire dans le Donbass oblige à un nouveau réalisme. La livraison de l’opération humanitaire a non seulement insisté sur la catastrophe humanitaire de cette opération punitive, mais elle a également prouvé que les insurgés étaient capables dans une ville que l’on disait encerclée d’assurer la sécurité d’un convoi. Les insurgés ont gagné la guerre et si les Européens manifestent la nécessité du dialogue, les Etats-Unis risquent de battre en retraite et ils sont les seuls jusqu’ici à imposer le massacre auquel se livre Kiev.
C’est pourquoi la Russie ne veut pas négocier les termes du cessez le feu à la place des insurgés, elle l’a dit et répété, donc il lui faut obtenir également un dialogue entre les insurgés et Kiev avec à la clé selon l’Allemagne une solution fédérale… sera-t-elle suffisante ? est-ce que Moscou n’a pas créé les conditions d’un dialogue qui avec d’autres dirigeants dans le Donbass aurait été impossible… Toutes questions qui font de la rencontre de Minsk un moment important dans l’évolution d’un conflit dans lequel en montrant les dents, l’ours russe aurait réussi sa stratégie initiale empêcher que les Etats-Unis créent les conditions d’une rupture totale entre la Russie mais aussi l’Eurasie (et on se doute bien que la Chine surveille de très près les derniers développement) et l’Europe de l’ouest.
Danielle Bleitrach