Vu sur El Diablo
TISA : Titre anglais de l'AGS, Accord sur le Commerce des Services
Il faut comprendre les enchaînements. Devant la crise du capitalisme et l’effondrement du taux de profit dans l’économie réelle, les dirigeants du monde (patronat multinational, dirigeants des associations multilatérales et régionales, dirigeants des États des pays riches et l’administration états-unienne) ont décidé la financiarisation pour augmenter les taux de profit car il n’y avait pas d’autre possibilité de perpétrer le capitalisme. L’éclatement des bulles financières privées a conduit ces mêmes dirigeants du monde à les faire financer par de l’argent public ouvrant là l’impérieuse nécessité pour le capitalisme d’entrer dans une crise de la dette publique financée par des politiques d’austérité.
Mais cela ne règle rien et ces mêmes dirigeants s’engagent dans une fuite en avant vers plus de mondialisation, de financiarisation et de déréglementation afin de libérer les entreprises du poids de l’intervention publique. Écoutons David Rockefeller (Newsweek, 1er février 1999) : « Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire. », ou Mme Claude Revel, conseiller de Mme Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur du gouvernement Hollande-Ayrault : il faut « prendre acte et tirer parti de la tendance de la délégation de la règle au privé » http://www.lemoci.com/media/rapport-revel-2013.pdf . Ces deux déclarations expliquent le titre de cet article.
Ainsi, entre autres, sont discutés en même temps, le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (dit TAFTA, ou encore PTaCI en français et TTIP en anglais), le Partenariat transpacifique pour le commerce et l’investissement (PTpCI en français), et l’Accord sur le commerce des services (ACS en français et TISA en anglais). On voit donc que la gouvernance mondiale du néolibéralisme fait feu de tout bois. L’ACS vise tout simplement la libéralisation totale du commerce des services. Cet accord discuté dans les locaux de l’ambassade d’Australie à Genève regroupe les États-Unis, L’Union européenne et une vingtaine d’autres États. Grâce à Wikileaks, nous savons qu’il a été décidé le 14 avril dernier de restreindre la capacité d’intervention de la puissance publique et de faciliter l’autorisation des produits financiers dits « innovants », conçus pour contourner les règles bancaires, comme au bon vieux temps d’avant la crise de 2007-2008.
Dans la négociation de l’ACS, tout y passe : les firmes Internet américaines plaideraient pour une transmission sans restriction des données de leurs clients, les grandes multinationales de services, elles, seraient favorables à l’accès sans discrimination aux marchés des pays signataires dans les mêmes conditions que les prestataires locaux, y compris l’accès aux subventions publiques (fin du protectionnisme). Les orientations du texte s’opposent également à toute nationalisation d’un service public privatisé tout en privilégiant la privatisation des profits encore intégrés dans les services publics. Dans un communiqué de février 2014, la Chambre de commerce des États-Unis ne cachait pas son enthousiasme : « Il ne fait pas la une des journaux mais ce nouvel accord passionnant a le potentiel d’enflammer la croissance économique américaine. Les services sont clairement une force pour les USA, qui sont de loin le plus grand exportateur mondial de services. Le TISA devrait élargir l’accès aux marchés étrangers pour les industries de service. Le TISA ne fera pas les gros titres de sitôt, mais sa capacité à stimuler la croissance et l’emploi aux États-Unis est plus que significative ». La Chambre de commerce américaine évalue un marché accessible de 1 400 milliards de dollars.
L’accord limiterait aussi la capacité de légiférer sur la sécurité des travailleurs, l’environnement, la protection du consommateur et sur les obligations du service universel pour les plus pauvres. L’accord concernerait les procédures d’autorisation et d’octroi de licences, les services internationaux de transport maritime, les services de technologie de l’information et de la communication (y compris les transferts de données transfrontaliers), l’e-commerce, les services informatiques, les services postaux et de messagerie, les services financiers, le mouvement temporaire des personnes physiques, les marchés publics de services, etc.(1)1
Tout en souhaitant bonne chance aux altercapitalistes de l’Autre gauche, ReSPUBLICA estime que tout, aujourd’hui, pousse à travailler à un projet alternatif au capitalisme lui-même !
(1) Sur les conditions dans lesquelles le Parlement européen a autorisé l’ouverture de ces négociations et sur la cécité des élus français, lire http://www.marianne.net/Au-royaume-des-aveugles-l-accord-TISA-est-roi_a239874.html.
Zohra Ramdane