Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Les sondages le laissaient pressentir, mais l'annonce des résultats offre un fait saillant au Portugal : pendant que les communistes du PCP (dans la coalition de la CDU) continuent à voir leurs résultats progresser, le Bloc de gauche se révèle en pleine décrépitude.
En attendant l'ensemble des résultats européens, le cas du Portugal est sans doute le plus intéressant et le plus clair pour étudier ce qui différencie les communistes porteurs d'une ligne de rupture avec le capitalisme et l'UE du Capital et la « gauche européenne » d'accompagnement.
L'analyse des résultats globaux montre tout d'abord une déroute historique pour la droite portugaise. Loin des discours optimistes dans la presse portugaise sur la soi-disant reprise économique au Portugal, le peuple portugais a sanctionné les artisans de l'austérité depuis 2011.
Le Parti populaire (PP)/Centre démocratique et social (CDS) ainsi que le Parti social-démocrate – les trois formations de droite traditionnelles – n'obtiennent que 27,8 % des voix en 2014, contre 40 % en 2009.
Une perte partiellement compensée par l'émergence du Parti écologiste de droite, libéral « Mouvement pour notre terre », crédité de 7 % des voix, obtenant un député européen.
Le Parti socialiste, lui, profite de l'impopularité de la droite : avec 31,5 % des voix, il gagne 5 points par rapport à 2009 et redevient la première force politique du pays.
Frappant également de constater l'absence d'extrême-droite organisée au Portugal, frappant de le lier à la « gauche de la gauche » avec la vigueur de la force organisée des communistes du PCP, réunis dans la coalition de rassemblement de la CDU, avec les Verts et des candidats indépendants.
Fortement ancré dans le monde ouvrier, bénéficiant de ses liens avec la CGTP, dans les quartiers populaires, les « terres rouges » de l'Alentejo, le Parti communiste continue son irrésistible progression.
En 2009, le Parti communiste et le Bloc de gauche étaient au coude-à-coude, chacun frôlant les 11 %. C'était alors le Bloc de gauche qui avait gagné ce duel d'une courte tête, avec 10,73 % contre 10,66 % pour le PCP … empochant à l'occasion un troisième siège dont sont privés les communistes.
En 2014, c'est la grande divergence. D'abord par l'écroulement du Bloc de gauche qui passe donc d'un score à deux chiffres à 4,5 %. Sur ces trois députés, le Bloc de gauche ne devrait en sauver qu'un seul.
Ironie de l'histoire, le Bloc de gauche a subi les effets dramatiques du départ en plein mandat d'un député européen élu sur ses listes, Rui Tavares, débauché par Daniel Cohn-Bendit et les Verts Européens.
Le parti « Libre » fondé par Tavares se revendique d'une « gauche libre », libertaire, écologiste et profondément européiste. Sans faire de miracles, ce parti a obtenu toutefois 2 % des voix, puisant dans l'électorat traditionnel du Bloc.
Pour les communistes du PCP, le passage de 10,6 à 12,7 % constitue un résultat historique : il s'agit tout simplement du meilleur score du Parti depuis 20 ans, dépassant les 11,2 % réalisées en 1994 par la coalition de la CDU. La conquête d'une troisième place de député est encore incertaine, mais elle se dessinerait. Une victoire qu'on ne peut pas minimiser quand on sait que le Portugal a encore perdu un député avec l'entrée de la Croatie dans l'UE. La CDU s'ancre incontestablement comme troisième force du pays, le succès aussi d'une campagne ancrée sur le rejet de la politique de la « troika » à la fois européenne (FMI, BCE, UE) et nationale (les trois partis dominants : PSD, CDS-PP, PS).
Une campagne qui a posé la question de la sortie de l'euro, sans pour autant évacuer la complexité des modalités pratiques, et tout en la liant à la construction d'une alternative patriotique et de gauche. Face à cette ligne cohérente, portée par les communistes depuis l'adhésion du Portugal à la CEE, le Traité de Maastricht, l'adhésion à la monnaie unique, le Bloc de gauche s'est empêtré dans ses contradictions, révélant un européisme de fond de moins en moins compatible avec l'esprit du peuple portugais.
La tête de liste pour les européennes, Joao Ferreira, a salué ce soir : « un des meilleurs résultats de l'histoire du parti dans un scrutin européen », tout en soulignant « la lourde défaite des partis du gouvernement (de droite, qui atteignent un minimum historique » et en mettant dans le même sac le PS puisque « les partis de la droite enregistrent un recul de ses performances électorales ».
Le secrétaire-général du PCP, Jeronimo de Sousa a insisté sur l'importance de ce vote pour les luttes à venir au Portugal :
« Nous sortons plus forts de ces élections, cette force croissante, tous pourront compter sur elle pour être de son côté pour défendre leurs intérêts, pour ouvrir une fenêtre de confiance, pour que oui nous puissions mettre en échec cette politique.
Oui, nous sortons plus forts, et plus forte est la confiance qu'il est possible d'avancer vers la rupture avec les politiques de droite, et de construire une politique alternative patriotique et de gauche.
Oui, nous sortons déterminés pour que la voix renforcée de la CDU au Parlement européen donne plus de force à la défense des intérêts du peuple et du pays, contre les diktats du grand capital, de l'euro et de l'Union européenne.
Oui, nous apporterons avec ce résultat, une expression plus authentique des multiples raisons de lutte et de protestation des travailleurs et du peuple, et l'expression conséquente de tous ceux qui ont voulu ajouter leur vote à ce courant d'action, de militantisme, une fort élan pour que les travailleurs, le peuple, le pays récupèrent leurs salaires, leurs revenus, leurs droits et leur souveraineté confisqués. »
Au moment où la plus grande confusion règne au sein des forces héritières de la famille communiste, où le PGE (Parti de la gauche européenne) essaie de faire passer ses poulains européistes et réformistes – aux réussites très inégales – comme une alternative, le cas du Portugal est définitivement à méditer et à saluer pour les communistes décidés à porter la ligne de la rupture avec cette Union européenne du capital, et avec cet Euro, mécanisme destiné à broyer les peuples.