Lu dans Investigation, le blog de Michel Collon.
Les 5 et 6 août, la capitale des Etats-Unis, Washington, a été le lieu d’un évènement historique : le premier Sommet de chefs d’Etat d’Afrique et des Etats-Unis.
La démocratie et les droits de l’homme : grands absents du Sommet
La démocratie et les droits de l’homme ne seront pas parmi les objectifs du Sommet, en dépit de la propagande habituelle des Etats-Unis. En effet, de nombreux dictateurs patentés et violateurs des droits humains feront partie des chefs d’Etat qui sont invités à Washington. Il serait fastidieux de les citer tous. Mais parmi eux, on comptera Paul Biya du Cameroun, Idriss Deby Itno, du Tchad, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, de Guinée Equatoriale, au pouvoir depuis 1979, après avoir assassiné son propre oncle ! Et que dire alors de Blaise Compaoré du Burkina Faso, assassin de Thomas Sankara et d’autres valeureux fils du pays des hommes intègres ? Voilà un vulgaire assassin, devenu « chef d’Etat », puis dictateur sanguinaire au service de la Françafrique. Après plus de 27 au pouvoir, il veut faire modifier la Constitution de son pays pour rester au pouvoir, dans le but évident d’éviter à répondre à la justice pour les meurtres et assassinats qui ont jalonné son long règne de terreur. D’autres encore parmi les invités d’Obama sont des « héritiers » de dictateurs défunts, comme Faure Gnassimbé du Togo ou encore Ali Bongo du Gabon. Enfin, il y aura des présidents qui doivent leur pouvoir à des interventions étrangères, comme Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire.
Et dans la plupart de ces pays, les droits de l’homme sont allégrement violés au vu et au su des « champions » de la démocratie et de la liberté et avec leur complicité. Mais les violateurs des droits humains africains seront en de bonne compagnie. Barack Obama aura du mal à leur faire la leçon, étant donné le bilan exécrable des Etats-Unis dans ce domaine. Le soutien inconditionnel au génocide des Palestiniens perpétré par l’Etat terroriste d’Israël suffirait à lui seul à disqualifier les Etats-Unis à se dresser comme « défenseurs » des droits humains. Mais les révélations de Wikileaks et celles de Edward Snowden sur les tortures et autres pratiques inhumaines perpétrées par les Etats-Unis à travers le monde sont venues s’ajouter aux atrocités et barbaries commises par les troupes yankees dans l’Irak occupé et dont le monde entier a été témoin il y a quelques années de cela.
La course pour le contrôle des ressources africaines
En réalité, l’un des objectifs majeurs du Sommet sera pour les Etats-Unis de tenir un discours mielleux sur les « bienfaits » du commerce et des investissements dans le but d’avoir encore plus d’accès aux ressources du continent africain. Cela explique la pléthore de représentants du secteur privé, tant du côté africain que celui des Etats-Unis, à ce Sommet. Comme on le sait, les multinationales de ce pays se sentent « distancées » par les entreprises des pays « émergents » et même d’Europe, dans la course pour le contrôle des immenses ressources de l’Afrique. Et dans certains milieux du capitalisme en profonde crise, d’aucuns pensent que l’Afrique est devenue la nouvelle frontière de la mondialisation capitaliste et qu’elle détiendrait les clés de « sortie de crise ». Lors de sa visite au siège de l’Union africaine à Addis Abéba, en janvier 2014, le Premier ministre japonais Shinzo Abe avait déclaré : « Avec le potentiel que lui donnent ses ressources, avec sa capacité de croissance économique, l’Afrique est aujourd’hui un continent qui porte les espoirs du monde ». Ainsi le capitalisme en crise attend de l’Afrique qu’elle lui fournisse les solutions à la sortie de crise…grâce à l’exploitation de ses richesses au détriment de ses propres peuples ! Rappelons-nous le rapport du sénat français, rendu public en octobre 2013 et dont le titre à lui seul est sans ambigüités : "L’Afrique est notre avenir". C’est-à-dire « l’avenir » de la France et certainement et d’autres pays occidentaux, mais pas celui des peuples africains ! Ainsi, à Washington, il sera beaucoup question d’investissements, de « partenariats public-privé », de « liberté de commerce » et « d’aide ». Tout cela dans le but d’ouvrir grandes les portes d’entrée des économies africaines pour les livrer à l’appétit insatiable des multinationales yankees. Déjà l’on sait que le pétrole brut africain fait partie des priorités des Etats-Unis dans leur politique de diversification de leurs sources d’approvisionnement visant à diminuer leur dépendance à l’égard du pétrole du Moyen-Orient, région devenue plus volatile et de plus en plus hostile à l’impérialisme occidental, comme le montrent les réactions actuelles suite à l’agression de l’Etat sioniste et les massacres de milliers de Palestiniens. Dans la mise en œuvre de leur stratégie, les Etats-Unis cherchent à installer sur le sol africain le quartier général de leur projet de militarisation du continent, appelé AFRICOM ou « Africa Command ». Le prétexte apparent est « d’aider » les pays africains dans la « lutte contre le terrorisme ». Mais en réalité, AFRICOM vise à assurer la sécurité des investissements et des approvisionnements des Etats-Unis. Et l’implantation du quartier général d’AFRICOM en Afrique, surtout dans la région du Golfe de Guinée, riche en pétrole, leur donnerait un avantage stratégique pour contenir leurs rivaux potentiels, notamment la Chine.
L’ombre de la Chine
C’est un secret de Polichinelle que l’ombre de la Chine planera sur le Sommet de Washington, qui est en vérité une réponse des Etats-Unis à la montée en puissance du géant asiatique en Afrique. La Chine est devenue une obsession pour tous les pays occidentaux et le Japon, qui voient d’un très mauvais œil le resserrement de ses liens économiques avec l’Afrique. L’on se souvient des attaques à peine voilées de Barack Obama contre la Chine lors de sa visite de plusieurs pays africains en 2013. La visite du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, rappelée plus haut, avait le même but : contrer la Chine. Quant à l’Union européenne, cela fait des années qu’elle essaie d’imposer aux pays africains son agenda de « libre-échange », frauduleusement appelé « accord de partenariat économique » (APE). Les chefs d’Etat de la CEDEAO ont apparemment décidé de capituler face aux pressions, menaces et change de l’UE en acceptant de signer les APE dans quelques semaines. Toute cette agitation occidentalo-japonaise vise à contrer la Chine, perçue comme le plus grand obstacle au maintien de l’hégémonie économique et géostratégique de ce que le Pr. Samir Amin appelle la « triade impérialiste » (Europe, Etats-Unis et Japon).
Le génocide du peuple palestinien entachera le Sommet
Cette triade impérialiste constitue le principal soutien de l’Etat sioniste dans sa stratégie d’extermination du peuple palestinien. Et le Sommet de Washington sera immanquablement terni par les atrocités quotidiennes commises par l’Etat terroriste Israël à Gaza. La complicité des Etats-Unis dans ces atrocités fait que les mains de Barack Obama sont tachées du sang de milliers d’innocents Palestiniens, dont plus de 300 enfants, assassinés de sang froid par l’armée israélienne équipée par les Etats-Unis. Ainsi donc, les présidents africains qui défileront à Washington serreront-ils les mains tachées de sang du président américain, complice d’Israël dans le massacre de milliers de Palestiniens. Si Israël continue de défier le monde entier et de rester sourd aux appels venant de toutes parts, c’est parce qu’il sait qu’il peut compter sur le soutien et la protection des Etats-Unis, quoiqu’il fasse. On l’a vu lors du vote de la Résolution du Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies : les Etats-Unis étaient le seul pays à voter contre dans le seul but de défendre Israël !
Conclusion
Il est fort à parier que le Sommet de Washington n’apportera pas grand-chose aux peuples africains. Certes, les chefs d’Etat qui y prennent part mettront l’accent sur son « succès » et sa « réussite ». Mais peu de gens les croiront. Du point de vue des Etats-Unis, le seul et unique but de ce Sommet est de chercher à mettre les ressources de l’Afrique entre les mains des multinationales nord-américaines pour essayer de « rattraper le temps perdu » au profit des pays « émergents ». Et qu’ils le veuillent ou non, deux ombres planeront sur ce Sommet : celle de la Chine et celle des massacres quotidiens d’innocents enfants palestiniens par un Etat terroriste soutenu par leur hôte : Barack Obama !