Communiqué du Mouvement politique d’émancipation populaire (M’PEP).
Le 15 septembre 2013.
Les États-Unis d’Amérique ont proposé à l’Union européenne un accord commercial bilatéral à l’occasion de la réunion du G8 qui s’est tenue à Lough Erne, en Irlande du Nord, les 17 et 18 juin 2013. Il n’y aurait rien à redire si ces négociations entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne avaient pour objectif de rapprocher les peuples des deux côtés de l’océan. Un tel partenariat, s’il avait pour ambition d’améliorer la prospérité générale, de s’attaquer radicalement aux désastres environnementaux, d’établir des normes de haut niveau en matière de protection sociale, tant du point de vue des soins de santé que de retraites ou de conditions de travail, d’éradiquer définitivement le chômage et la précarité, et donc la pauvreté, susciterait un enthousiasme universel. Il serait un exemple pour le reste du monde.
Hélas, comme tous les traités de libre-échange depuis des décennies, non seulement il ne s’agit pas du tout de cela, mais de l’inverse. La décision prise en Irlande les 17 et 18 juin 2013 est monstrueuse à tous égards.
Les États-Unis d’Amérique ont un objectif très clair : recouvrer la suprématie mondiale dont ils ont bénéficié à la fin de l’URSS quand le monde était devenu unipolaire à leur avantage. Ils ont utilisé les organisations mondiales comme l’OMC et le FMI pour des accords multilatéraux basés sur le libre-échange visant à retirer aux autres nations alors en position défavorable, la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par la ploutocratie étatsunienne. Ils ont été largement aidés dans leur entreprise par l’UE à la fois pour soumettre les pays européens mais aussi le reste du monde en servant de caisse de résonance à leur politique, d’abord en nivelant les droits de douanes, puis en s’attaquant aux « barrières non-tarifaires » que sont les normes sociales, environnementales, alimentaires, techniques, etc. Cette stratégie a trouvé sa limite par l’émergence des « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui est venue perturber le leadership étasunien puisque, notamment, de très grandes entreprises des pays émergents concurrencent désormais avec succès les firmes multinationales à base étasunienne ou européenne. Dans cet ensemble, la Chine tient une place à part compte tenu de sa taille et de son régime politique. L’OMC et le multilatéralisme ont vécu pour les États-Unis d’Amérique comme moyen de domination du monde : il leur faut changer de stratégie. C’est pourquoi ils veulent désormais contourner l’OMC qui ne leur offre plus les mêmes garanties du fait du poids croissant des pays émergents et des pays pauvres.
La stratégie des Etats-Unis d’Amérique vise aujourd’hui à contenir la montée en puissance de la Chine et à recouvrer leur position de l’après-guerre froide. Pour cela, ils préparent une nouvelle guerre économique par l’instauration d’alliances au travers de traités commerciaux bilatéraux fondés non plus simplement sur la diminution des barrières tarifaires (les droits de douanes), mais sur l’élimination des barrières non-tarifaires : ils veulent prendre en tenaille la Chine par, d’un côté, un accord avec l’Asie (sans la Chine) appelé Trans-Pacific Partnership (TPP), et d’un autre côté par l’Union européenne au travers du (TIPC). Aujourd’hui contre les BRICS comme hier contre le communisme, l’Union européenne sera l’outil qui leur permettra d’un coup d’asservir les pays qui en font partie pour constituer un grand empire euroatlantique qu’ils domineront. Si cela se réalise l’objectif de l’Union européenne sera atteint et sa construction sera achevée. C’est un tournant de la géopolitique mondiale qui est train de s’amorcer sous nos yeux, c’est un « OTAN économique » qui se met en place comme le reconnaît lui-même le président Obama. Si cet accord voyait le jour, une nouvelle vague de libéralisation aux effets destructeurs s’abattrait sur la planète avec pour conséquences prévisibles :
- la montée des tensions avec les BRICS et les pays en développement ;
- une concurrence accrue entre les travailleurs des deux côtés de l’Atlantique et avec une pression sur les salaires, les conditions de travail et l’emploi ;
- une aggravation des inégalités Nord-Sud ;
- une détérioration de l’environnement ;
- une privatisation du droit et de la justice par la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends qui donne aux firmes multinationales le droit, en cas de litige, de porter plainte contre un Etat ou une collectivité territoriale auprès d’un tribunal privé, contournant les tribunaux respectueux des droits nationaux ;
- une uniformisation et standardisation des modes de vie ;
- des menaces sur l’agriculture de l’Union européenne et de la France ;
- une privatisation des données personnelles.
Le tout avec une asymétrie entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique au bénéfice de ces derniers. Les européistes ne doivent pas se leurrer. Les dindons de la farce ne seront pas seulement les BRICS. Le rapport de force entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique sera, dans tous les domaines, en faveur des États-Unis d’Amérique, l’Union européenne étant battue dès le départ. D’autant que les dirigeants de l’Union européenne, pour la plupart, sont des victimes consentantes de cette annexion de l’Union européenne par les États-Unis d’Amérique. En effet, les États-Unis d’Amérique sont une puissance militaire, pas l’Union européenne soumise à l’OTAN dirigée par... les États-Unis d’Amérique ! Les États-Unis d’Amérique mènent une politique étrangère de grande puissance, pas l’Union européenne (limitée par l’article 28A du traité de Lisbonne). Les États-Unis d’Amérique conduisent une politique industrielle, pas l’Union européenne, politique interdite par les articles 107 à 109 du traité de Lisbonne. Les Etats-Unis d’Amérique disposent d’une politique de change, pas l’Union européenne. Celle-ci a assigné un objectif unique à la Banque centrale européenne : combattre une inflation qui n’existe plus depuis des années. Les Etats-Unis d’Amérique ont une politique monétaire, pas l’Union européenne. L’interdiction qui est faite à la BCE d’acheter directement les titres émis par les États membres est une des causes de la crise dans la zone euro.
La lutte contre le PTCI doit se fixer comme volet défensif l’abandon intégral des négociations et exiger comme volet offensif la construction d’un ordre mondial fondé sur la coopération entre les peuples dans le respect de leur souveraineté nationale. Il faut aussi lutter pour l’abandon du traité Canada-UE : le Canada étant membre (avec les États-Unis d’Amérique et le Mexique) de l’ALENA, ce traité serait un véritable cheval de Troie ouvrant ainsi une porte aux États-Unis d’Amérique. Ce projet de traité fait dire au porte-parole de M. Harper, Premier ministre canadien, “qu’il était aussi dans l’intérêt de l’UE de conclure un accord ambitieux avec le Canada, qui puisse servir de modèle pour de futures négociations et montrer quelle sorte d’accord est possible avec les États-Unis.”
La lutte pour l’abandon des négociations doit être internationale et transatlantique car elles affectent aussi le peuple étasunien et le peuple canadien. Au niveau national, les mobilisations doivent se fixer pour but de contraindre le gouvernement français à rejeter ces négociations. Et à s’engager à n’appliquer sur le territoire national aucune des mesures qui pourraient résulter de ces négociations et de l’accord final. La destruction de l’organisation républicaine territoriale et la perte du cadre national à terme, mises en place par le projet de l’Acte III de la décentralisation, constitueront un cadre favorable à l’application de ces accords de libre-échange, au détriment des citoyens français qui se trouveront encore plus éloignés des lieux de décision et du droit.
La lutte pour exiger un nouvel ordre mondial doit placer les principes de la charte de La Havane signée en 1948 en particulier par la France au cœur des revendications. Le principe fondamental de cette charte est celui de l’équilibre de la balance des paiements. Il lui donne sa charpente. Il signifie qu’aucun pays ne doit être en situation structurelle d’excédent ou de déficit commercial. La charte de La Havane est non seulement un cadre conceptuel permettant de remplacer le libre- échange par la coopération internationale, mais elle est aussi un ensemble de procédures et de règles immédiatement opérationnelles. La lutte pour remplacer l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par l’Organisation internationale du commerce (OIC) dont le texte fondateur est la charte de La Havane est une perspective enthousiasmante.
Pour atteindre la perspective universaliste de la charte de La Havane, il est nécessaire de :
1.- Construire une majorité politique mettant la charte de La Havane dans son programme.
2.- Proposer des accords bilatéraux reprenant les principes de la charte de La Havane.
3.- Prendre des mesures protectionnistes à l’égard des pays qui refuseraient la coopération en préférant la guerre commerciale.
4.- Construire un double système commercial mondial, juxtaposant, d’un côté, des accords bilatéraux entre la France et un certain nombre de pays, d’un autre côté, des accords bilatéraux entre une multitude de pays, ce qui créera les conditions pour revenir à un nouveau système multilatéral.
Telle est la ligne stratégique universaliste que propose le M’PEP. Elle est une alternative positive à la crise actuelle.