Rescapé
Louis Lecoq est né le 14 mai 1893 à Béthencourt-sur-Somme (Somme). Il est le fils de Marie Aimée Devarenne et de Désiré, Charles, Fernand Lecoq, son époux. Il habite Le Trait (Seine-Inférieure / Seine Maritime) au moment de son arrestation.
Il est mobilisé pendant la guerre 1914/1918. Fait prisonnier, il apprend l’allemand durant sa détention (Raymond Montégut).
Il est ouvrier mécanicien à l'entreprise CASM ("Cloutiers et Ateliers de la Seine-Maritime", qui est le nom du chantier naval du Trait (1). Louis Lecoq est membre du Parti communiste, secrétaire de la cellule du Trait «un des militants des plus actifs en faveur du Parti communiste de la région du Trait» écrit l’Inspecteur de la Sureté (2).
Au début de la 2° guerre il est interné par les autorités françaises. Il est libéré à l'arrivée des troupes allemandes d'occupation et travaille, selon l’enquête de la Sureté dans un dépôt de munitions que les Allemands avaient constitué dans un bois près de près de Sainte Marguerite-sur-Duclair (2).
Il forme alors un groupe de résistance dans sa ville, avec Lucien Adam, Maurice Basille, Maurice Billard, Louis Debord, Roger Girod, Gohon (ou Gohé ?), Moïse Lanoue, René Demerseman, Maurice Leclerc, Lefèvre, Lefranc, René Talbot, Thomasini : «J’étais le chef de ce groupe et comme il existait un dépôt de munitions de l’armée allemande sur la commune de Sainte Marguerite-sur-Duclair, j’avais décidé de la faire sauter avec mes collègues. Je ne sais pas si nous avons été vendus, toujours est-il que le 21 octobre 1941, les gendarmes de Duclair sont venus nous arrêter à nos domiciles» (témoignage de Louis Lecoq à la gendarmerie en 1948).
En réalité Louis Lecoq qui est un militant communiste connu, est arrêté dans la nuit du 21 octobre 1941 à son domicile par des gendarmes de Duclair, sur ordre des autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly : lire dans le blog Le "brûlot" de Rouen). Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. La moitié d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
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(extrait de la lettre de Maurice Chaumond) |
A Compiègne, Louis Lecoq reçoit le numéro matricule 2077, il est affecté au bâtiment A2. Selon le témoignage de Lucien Ducastel, il est très lié avec André Tollet. Il a l'estime de ses camarades qui le surnomment affectueusement, comme Maurice Chaumond (3) : "Le Père Lecoq" (lettre ci- contre).
Louis Lecoq est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les «Judéo-bolcheviks» responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Louis Lecoq est enregistré à son arrivée à Auschwitz-I «Stammlager» (camp principal), le 8 juillet 1942, sous le numéro «45743». Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard. Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet : «Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s'en retournent à Auschwitz-I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi (…)» écrit Pierre Monjault. Lire dans le blog, La journée-type d'un déporté d'Auschwitz. Sa qualification professionnelle lui permet d’être affecté à Auschwitz-I, au Block A8 et au Kommando DAW (armement, Deutsche Ausrüstungs Werke). Quoique l’un des plus âgés des «45000», il survit grâce à la reconnaissance de son savoir-faire : «Il y avait dans notre Kommando une fonderie qui coulait des étaux en fonte et des lingots d’alu. Notre doyen monta et ajusta à la grande satisfaction de l’Oberkapo, le premier étau. Il reçut à cette occasion les félicitations de ce dernier. Ces félicitations lui valurent de la part des caïds du block une attention obséquieuse» écrit Raymond Montégut.
En application d’une directive datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus français des KL la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Louis Lecoq reçoit le 4 juillet 1943 (comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz), l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille - rédigées en allemand et soumises à la censure - et de recevoir des colis contenant des aliments.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l'article du blog "les 45000 au block 11. Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Louis Lecoq et 28 autres "45 000" sont transférés d'Auschwitz le 28 août 1944 à Oranienburg-Sachsenhausen où ils sont enregistrés. L'évacuation de Sachsenhausen a lieu le 21 avril 1945, en direction de Schwerin (Meklembourg), puis de Lübeck ou de Hambourg. Certains "45 000" sont libérés en cours de route par les Soviétiques, au début mai, d’autres par les Américains. Louis Lecoq et Giobbé Pasini atteignent Schwerin, où ils sont libérés par les Anglais. Il est rapatrié en France en juin 1945 «avec Girot». Avec Lucien Vannier, Giobbé Pasini, Jean Rouault il est parmi les plus âgés des rescapés du convoi.
Il est homologué «Déporté politique». Louis Lecoq meurt à Rouen le 12 octobre 1965. - Note 1 : "A la réunification syndicale entre la CGT et la CGT-U dans la métallurgie en décembre 1935, un syndicat CGT s’organise au Trait (...). A l’initiative de Robert Lemonnier la grève est déclenchée le 4 juin 1936, le drapeau de la CGT flotte sur les bâtiments. (…) Le 8 juin, à 16 heures, les sirènes sonnent la fin de la grève, mais il faudra attendre le 28 septembre pour que Henri Nicot, le directeur, et Robert Lemonnier signent un accord définitif. Il y a du changement : en plus des premiers congés payés, les acquis sont énormes, et la vie change profondément (3). Serge Laloyer in © «Le fil rouge 76».
- Note 2 : Il s’agit de la note rédigée le 8 juillet 1952 par l’inspecteur de la Sûreté nationale Gambier, pour l’enquête diligentée par le Préfet, suite à la demande de Louis Lecoq d’être homologué «Déporté Résistant», demande qui lui est refusée (avis défavorable du Préfet, le 18 juillet 1952 : "Seule son appartenance politique (souligné en rouge) est la cause de son arrestation et de sa déportation".
- Note 3 : Le jour du départ du convoi, Maurice Chaumond jette une lettre depuis le wagon en gare de Châlons-sur-Marne. Cette lettre sera transmise à destination, comme des centaines d’autres. Il y annonce à ses amis Duval (…) qu’il est dans le convoi avec «le père Lecoq et Georges Peiffer».
Sources - Récit de Raymond Montégut (in "Arbeit macht Frei"), repris à la page 182 de «Triangles rouges à Auschwitz ».
- Bureau des archives des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel voir notamment le rapport de l'inspecteur de la Sûreté générale Gambier du 8 juillet 1952).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Siteinternet «Le Fil rouge», Institut CGT d’Histoire sociale de Seine Maritime.
Biographierédigée en 2000 pour l’exposition de l’association «Mémoire Vive» au CRDP de Rouen, et modifiée en mars 2012 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. *Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com Pensez à indiquer les sources et éventuellement les documents dont vous disposez pour confirmer ces renseignements et illustrer cette biographie.