Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
La nouvelle a secoué les camarades espagnols : une figure historique du PC espagnol et d'Izquierda Unida a annoncé sa démission de son poste de député européen, après l'annonce d'un « scandale » financier qui l'a éclaboussé ainsi que trois autres députés espagnols.
Sic transit gloria mundi. Il y a un mois, Willy Meyer était réélu pour la deuxième fois consécutive à son siège au Parlement européen, en tant que tête de liste de la « Gauche plurielle » (Izquierda Plural) menée par IU et qui obtenait près de 10 % des voix.
Pester contre la « domination de la finance » …
puis participer à un fonds de pension en SICAV pour les députés européens !
En l'espace d'une journée, Willy Meyer vient sans doute de clôturer sa carrière politique vieille de plus de trois décennies, lui qui occupait encore hier des postes de membre du Comité exécutif du PCE et de la direction fédérale d'IU, en tant que secrétaire à l'international.
Meyer met un terme à une longue carrière dans les salons feutrés des Parlements : député provincial d'Andalousie de 1987 à 1991, député national entre 1996 et 2000, et enfin député européen depuis dix ans (2004) sous la bannière d'Izquierda Unida.
Mais il a fallu moins de 24 heures pour contraindre Meyer à la démission, sous pression de la direction nationale d'IU, comme de sa fédération d'Andalousie qui exigeaient « une explication convaincante ou la démission immédiate ». Il n'y avait plus d'autre choix que se démettre.
Pourtant Willy Meyer n'a rien commis d'illégal, c'est bien ce qui rend le scandale dans lequel il est englué d'autant plus susceptible de soulever l'indignation des citoyens espagnols.
Le député d'IU a en effet participé activement à un fonds de pension volontaire des députés européens géré sous la forme d'une SICAV enregistrée au Luxembourg. Un fonds à très haute rentabilité, et à très faible taxation, de l'ordre de 0,01 %.
Meyer prétend ne jamais avoir su que la contribution volontaire qu'il apportait pour sa retraite s'intégrait à un circuit contribuant à des mécanismes d'évasion fiscale, profitant de l'existence de paradis fiscaux au sein même de l'Europe.
L'explication ne fut pas jugée convaincante par l'organisme dirigeant suprême d'IU, convoqué hier de toute urgence.
Ce qui a contraint, en présence du coordinateur d'IU Cayo Lara et du secrétaire-général du PCE, José Luis Centella, Willy Meyer à démissionner de son poste de député européen et de « toute responsabilité politique ».
Willy Meyer n'est pas le seul député européen éclaboussé par le scandale. Au moins trois autres noms sont sortis : ceux du député de droite (PP) Miguel Arias Canete, administrateur de la SICAV, de la député centriste (UpyD) Rosa Diez et de la socialiste Elena Valenciano.
Toutefois, la position de Meyer était de loin la plus intenable, révélant une hypocrisie, un hiatus entre discours et pratique, mettant en péril l'avenir même de la formation Izquierda Unida.
Lui qui a construit sa campagne de 2014 sur l'indignation face au « règne de la finance » et à la corruption « du système bi-partisan PP/PSOE », sur des propositions (utopiques) de « taxation des revenus financiers » à l'échelle européenne, est pris à son propre piège.
Une tête pensante du PGE déboulonnée ...
mais un départ susceptible d'accélérer la liquidation de l'organisation communiste
La démission de Meyer ne concerne pas seulement nos camarades espagnols. Meyer était bien plus que cela, en tant que membre du Comité exécutif du PGE (Parti de la gauche européenne).
Il représentait depuis la fondation du PGE, en 2004, une des têtes pensantes – avec les allemands Lothar Bisky et Gregor Gysi, le français Francis Wurtz ou l'italien Fausto Bertinotti – de ce projet de transformation des Partis communistes révolutionnaires en formations de gauche réformistes, euro-compatibles.
Depuis son élection au Parlement européen, Willy Meyer a incarné toutes les ambiguïtés – piur ne pas dire hypocrisies – de la ligne IU sur l'Europe : euro-constructif, Meyer a relayé pendant des années la ligne de réforme de l'UE au sein d'IU, avant d'infléchir, de radicaliser son discours lors de la dernière campagne … sans jamais remettre en cause ni l'Euro, ni l'UE, ni même l'OTAN.
Le retrait de la vie politique de Meyer représente un coup dur pour le projet liquidateur, réformiste du PGE. Toutefois, son instrumentalisation pourrait paradoxalement renforcer la liquidation de l'organisation communiste en Espagne.
Les médias dominants – qui ont tout fait pour mettre en avant les Indignés, avec leur représentation politique officielle, le mouvement sociétal-populiste « Podemos » – utilisent le scandale pour discréditer le « communiste » Meyer, et le « parti » Izquierda Unida.
Une campagne intégrée au dénigrement de tout ce qui est lié à l'héritage communiste, et tout ce qui est organisation partisane structurée autour d'une idéologie.
Au sein même d'IU, la démission de Meyer ouvre un espace à des courants liquidateurs prêts à utiliser également le score de Podemos pour proclamer la nécessité de « l'élargissement d'IU » à toutes les forces politiques, de la remise en cause de la forme-parti, d'une idéologie figée (communiste) qui empêche l'expression d'une « gauche plurielle ».
Le PGE est en crise, au-delà de sa recomposition. La course à la droitisation touche les Tsipras, Gysi, Vendola, toujours plus prêts à la compromission avec la social-démocratie, la défense de l'Union européenne, la liquidation de l'organisation communiste.
Le « scandale Meyer » ne fait qu'ajouter à la confusion. Au-delà de la vérité sur le personnage, l'hypocrisie mise à jour, il ne préfigure rien de bon pour la continuité d'un parti communiste en Espagne.