«Tant qu'un juif dans le monde craindra pour sa vie parce qu'il est juif, nous ne serons pas libres ». C'est en substance le contenu de l'une des dernières phrases des «Réflexions sur la question juive» de Sartre. Cette pensée, et le reste du livre, sont encore hélas ! d'actualité. Nous venons de le voir à Bruxelles, deux ans seulement après la tuerie de Toulouse.
GAZA : L'IMPOSSIBLE PAIX
Et voici qu'à nouveau l'Etat d'Israël réactive tous les antisémitismes (de droite, d'extrême-droite, religieux, djihadistes, etc.) par une politique de représailles sanglantes dans la bande de Gaza sans aucune commune mesure avec les actions du Hamas. Cette disproportion est en apparence inexplicable puisqu'elle est accompagnée par des injonctions verbales en faveur de la «paix». C'est pourquoi l'explication par le poids de l'extrême-droite israélienne sur la diplomatie de l'Etat hébreu ne tient pas la route car l'opinion publique de celui-ci se méfie de toute escalade militaire et tend à préférer des solutions négociées. En revanche, on s'explique mieux, disons, la brutalité – je réserve le mot «barbarie» aux crimes commis par les nazis et leurs amis en Europe – lorsqu'on réfléchit aux conditions concrètes de la paix dans la région.
Ces conditions ont été décrites le 22 novembre 1967 dans la résolution 242 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies, six mois après la guerre des six jours. Cette résolution, sur laquelle Israël s'est toujours essuyé les pieds sans que cela pose de problème majeur à la «communauté internationale», exigeait«l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient »,ce qui impliquait « le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés pendant le récent conflit »ainsi que « respect et reconnaissance de la souveraineté de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque Etat de la région, et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces et d’actes de force».
Non seulement le retrait des territoires occupés n'a jamais été accepté par Israël, mais une politique d'implantations de colonies peut-être irréversible et assurément inhumaine a été mise en place dans ces territoires, rendant illusoires les initiatives en faveur de la paix dans la région. Nous sommes ainsi en droit de poser la question : depuis quand le martyr d'un peuple lui donne-t-il le droit d'en martyriser un autre dans le mépris des Droits de l'Homme et d'en annexer les terres au mépris du droit international ?
Et comme cette politique expansionniste n'inspire pas la sympathie, on en conviendra, un mouvement idéologique puissant aux Etats-Unis et relativement bien accueilli en France vise aujourd'hui à discréditer toute opposition au sionisme en la présentant, dans une généralisation indigne mais pas innocente, comme une forme nouvelle d'antisémitisme. Sur ce point, une partie importante de la presse française relaie les positions des officines idéologiques pro-israéliennes inspirées par une partie de l'opinion nord-américaine.
Ce qui caractérise les roquets, ce n'est pas d'aboyer de loin, c'est d'être soumis à ceux qui les dominent.
Pascal Acot