Près de 100 militants communistes se sont réunis à Gemenos fin juin, dans la banlieue marseillaise, sur le site de l’usine Fralib (Unilever) occupée. Ce n’était pas rien que de réunir des militants communistes appartenant à une myriade d’organisations, dans et hors PCF, créées après le virage réformiste opéré par le PCF lors des années 90.
Assises du communisme :
des analyses convergentes,
des batailles à mener tous ensemble
Rouge Vifs 13, avec Charles Horeau, les militants du réseau « Faire vivre le PCF », Réveil communiste, le collectif communiste polex …, des militants isolés, étaient à l’initiative depuis déjà plusieurs années de ces rencontres. Ce week-end de fin juin d’autres sont venus aussi : le PRCF, les Cercles Communistes, la Gauche communiste, des jeunes communistes, des communistes des sections de Béziers, Aubagne, Arcachon, La Courneuve, Lyon, … Je représentais Action Communiste Haute-Normandie, et j’y ai participé aussi à titre individuel. En voici, enfin, le compte-rendu.
Accueillis par Fralib en lutte
Merci aux militants de Fralib qui nous ont accueillis. Le matin, pour leur millième jour de lutte, ils avaient organisé un carrefour des luttes, accueilli et débattu avec des délégations d’entreprises venus de toute la France, entre autres : des aciéries d’Arcelor Mittal, de Ford, Danone, Bonduelle, Yoplait, Kronenbourg, Nestlé, Continentale Nutrition, Sanofi, Ford, Kem One, Viron, Air-France …
Olivier Leberquier, venu du Havre lorsque l’usine havraise appartenant au même groupe avait fermé en 1998 est aujourd’hui délégué syndical CGT à Gemenos. En 2011 Unilever qui avait racheté l’usine au créateur de la marque « Thé éléphant » poursuit ses délocalisations, notamment en Pologne et annonce la fermeture de l’usine. L’argument ? Pour les dirigeants, l’usine est la moins compétitive du groupe. Evidemment : en Pologne l’opérateur machine est rétribué 8000 euros par an ( brut). Pourtant, l’entreprise a dégagé un résultat net après impôt de 2,4 millions d’euros en 2011 ( « Les Echos »). Mais pour les actionnaires de la multinationale anglo-néerlandaise cela ne suffisait pas.
Sur les murs on lit : « Le thé de l’éléphant vivra à Gemenos » et « Fralib aux Fralibiens ». Le 5 juillet, une centaine de salariés de Fralib ont bloqué une plateforme du site FM Logistic, du groupe Unilever, sur laquelle transite les thés Eléphant et Lipton. Pour sauver leur travail, les salariés réclament la cession gratuite de la marque pour continuer à produire eux-mêmes et en même temps la nationalisation pour que l’Etat prenne ses responsabilités.
Les nationalisations au cœur des débats
Le soir c’est Olivier Leberquier qui a introduit le débat des Assises du communisme sur « Lutte pour l’emploi et appropriation sociale : de quelle intervention politique avons-nous besoin ? ».
Dans les débats il fut souligné que les nationalisations et la réappropriation sociale sont au cœur des luttes pour l’emploi. C’est une question centrale pour la classe ouvrière aujourd’hui. Y substituer la recherche d’entrepreneurs ou de fonds de pension est illusoire. La seule façon de maîtriser l’économie nationale, c’est que l’Etat s’en mêle et la contrôle. Cela recoupe les luttes contre les délocalisations, contre le chantage à la baisse des salaires, pour la réindustrialisation en France. En abordant ces questions on en vient vite à la nécessaire sortie de l’UE et à la perspective socialiste comme issue à la crise.
Une crise systémique, une crise profonde
En introduisant le débat sur la crise du capitalisme aujourd’hui, Pascal Brula rappela que la création et la répartition de la plus value confisquée par le Capital est l’enjeu de la lutte de classe. « La dictature des marchés financiers» est seulement le bras armé du Capital pour extorquer toujours plus de plus value. Et JC Delaunay montra qu’aujourd’hui le PS et F.Hollande sont les partenaires loyaux de ce Capital mondialisé qui détruit les Etats et les Nations. Un rappel théorique et une incitation à la réflexion en rupture avec les idées dominantes de consensus social et politique. De ces échanges surgit l’évidence : un parti communiste ne peut pas être un parti comme les autres. Il ne peut être qu’un parti se mobilisant pour la rupture avec l’ordre politique existant, les institutions en place, le capitalisme, aujourd’hui mondialisé.
Sortir de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et sortir du capitalisme
Tour à tour, Jacques Nikonoff, du M’PEP, Pierre Lévy, rédacteur en chef de Bastille République Nation, Georges Gastaud, du PRCF, sont intervenus sur les questions européennes. Ce dont il faut se féliciter c’est qu’un large consensus se fait sur ces questions. Même si tous n’étaient pas d’accord sur l’opportunité de présenter des listes aux européennes : Appeler au boycott de ces élections illégitimes d’un Parlement illégitime d’une Union Européenne illégitime ? Ou occuper le terrain électoral en faisant avancer nos propositions ? A mon avis, ce qui importe, c’est que nous fassions connaître, au travers d’une campagne pour le boycott ou d’une campagne électorale, nos analyses et propositions pour la sortie de l’euro et de l’UE, notre dénonciation de cette construction européenne, américaine de naissance, libérale et capitaliste d’essence et anti-démocratique par conséquence. Et surtout nous devons nous attaquer au leurre « Europe sociale » qui fragilise les luttes et détourne les salariés et la classe ouvrière de tout combat révolutionnaire pour l’appropriation sociale et la sortie du capitalisme.
Le rôle de la bourgeoisie dans les guerres néo-coloniales
Enfin, Francis Arazalier, du collectif Polex introduit une discussion sur la situation internationale, essentielle pour identifier le rôle de la bourgeoisie Française comme grande puissance active dans les guerres de (re)partage du monde.
Ensemble, mener la bataille idéologique au niveau national
Dimanche matin, nous devions répondre à la question « Comment continuer ensemble ? »
Comme il ne s’agissait pas de créer artificiellement une organisation de plus, parce que c’est trop tôt, parce que nous ne sommes pas d’accord sur tout et qu’il reste beaucoup de questions à approfondir, nous avons décidé dans un premier temps de mener ensemble des actions communes.
Au final un accord très clair se dégage sur l’analyse de la crise, du capitalisme mondialisé et du rôle de l’UE dans l’approfondissement de la crise et sur les solutions politiques : sortie de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme. Un appel est déjà rédigé sur ces questions, à faire partager au plus grand nombre de militants.
De même les participants ont insisté sur l’enjeu de la bataille idéologique autour de « nationalisations » dans les luttes des entreprises pour l’emploi et la réindustrialisation. Ce mot d’ordre, dans les entreprises en lutte, peut être le moteur d’un rassemblement populaire de résistance au capitalisme.
Un comité de liaison sera créé. Cela peut permettre une plus grande visibilité nationale d'une position communiste et l’organisation d’actions communes.
Il y aura un stand des « Assises du communisme » à la Fête de l’Huma, pour faire connaître notre action, pour faire signer l’appel, pour discuter avec les militants communistes. Il s’agit de nous renforcer dans la bataille théorique pour comprendre le monde tel qu'il est, dans la bataille politique pour nous aider à agir, enfin dans la bataille d'organisation, pour progresser en même temps dans le rassemblement populaire et la perspective de la reconstruction d'un parti communiste sur des bases de classe et des objectifs révolutionnaires.
Car il y a urgence. La crise européenne, la crise capitaliste appellent des solutions de rupture, des solutions radicales et des forces communistes déterminées : appropriation sociale et nationalisations liées à sortie de l’euro, de l’UE, de l’OTAN, du capitalisme. A nous de concrétiser dans la pratique pour aller au-delà des discussions fraternelles et donner une visibilité nationale à ces batailles aux enjeux décisifs.
Yvette Genestal