Ci-dessous un texte de Michel Barrière qui peut servir de réflexion à propos du Front National. Il traite des thèmes sur lesquels joue le FN : souveraineté, Europe, immigration, xénophobie. Il n’aborde pas toutes les questions et pour cause : le FN n’a pas, à ce jour, 17 novembre, encore publié son programme et a vidé son site de toutes les déclarations antérieures. Comme si le FN n’avait pas d’histoire …
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Pour être inquiétante, la montée des intentions de vote en faveur du FN n’est cependant pas surprenante. Ce dernier se nourrit de la crise qui frappe plus durement les couches populaires les plus démunies matériellement et culturellement. Celles-ci sont lassées des politiques de droite et de gauche qui se succèdent sans rien changer d’essentiel; lassées de ces alternances sans alternative. Et ce ne sont pas les quelques mesurettes sociétales proposées par le PS qui suffisent désormais à masquer les convergences de celui-ci avec la droite en matière de politique économique et sociale.
Un sentiment d’impuissance s’est d’abord emparé de l’électorat populaire qui a déserté massivement les urnes. Mais la mise sous tutelle de l’Etat français par l’Europe intensifie chaque jour davantage la crise : le chômage grandit, le démantèlement des services publics s’accélère, les inégalités s’accroissent… Le sentiment d’impuissance fait place à la colère, à la volonté de faire radicalement du neuf et pour cela de voter FN.
Dans ces conditions, le parti de Le Pen peut apparaître comme le recours aux yeux d’un électorat populaire fragilisé. Il est le seul parti d’importance à ne pas avoir participé aux échecs des gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé. Il se présente comme la victime principale d’un système électoral injuste qui le prive d’être représenté au parlement alors qu’il obtient plus de 10% des suffrages. Il profite d’un débat d’idées mené sur son terrain de chasse ( l’immigration et l’insécurité ) par la droite et le PS soucieux d’en évacuer la dimension sociale. Il apparaît comme le seul défenseur de la Nation quand tous les autres partis ont appelé de leurs vœux ou accepté une Europe au service du grand capital. Il s’est aujourd’hui « relooké » avec Marine Le Pen à sa tête, le diable paraissant moins dangereux quand il revêt des traits féminins. Enfin, il ne rencontre pratiquement plus d’opposition idéologique dans les milieux populaires depuis que le PCF a renoncé à ses positions de classe.
Ce renoncement en même temps conduit le PCF à déserter les entreprises et les quartiers populaires, à abandonner la souveraineté nationale au profit de l’Europe et à fuir le débat sur l’immigration ouvrant ainsi un boulevard au FN.
Le choix de l’Union Européenne au détriment de l’indépendance nationale a été voulu par des dirigeants communistes plus soucieux de ménager le PS et l’union de la gauche qui leur valaient des sièges d’élus que de ramer à contre-courant d’une opinion publique façonnée par les médias. Ces tenants de l’union de la gauche ont mené campagne au sein du PCF pour faire craindre aux militants d’être catalogués « rouges-bruns », « national-Bolcheviks », bref d’être apparentés au FN s’ils persistaient à s’opposer à l’entrée de la France dans l’Europe. Il n’y a pourtant aucune confusion possible entre des positions communistes et celles du FN à ce sujet.
Nous sommes « souverainistes » alors que le FN, lui, est « nationaliste ». La souveraineté est un concept purement politique relevant d’une conception citoyenne de la Nation. La souveraineté est attachée à l’Etat-Nation qui ne se définit nullement par rapport à l’origine, les coutumes, les religions. L’Etat-Nation est une communauté politique, une communauté de citoyens. Or quand nous parlons « citoyenneté », le FN parle « nation ». Le capitalisme vise à la disparition de l’Etat-Nation pour ne consentir qu’à la Nation. Ce qu’il veut c’est priver notre peuple de sa capacité à décider des choix qui déterminent son avenir pour ne lui laisser que son folklore, sa gastronomie, ses communautés, c’est à dire son identité.
Notre attachement à la conception citoyenne de la nation s’oppose frontalement à l’acceptation de souche, voire biologique chère à Le Pen. Héritiers d’une culture républicaine française fondée sur les principes de laïcité et d’égalité, il n’y a pas pour nous de citoyens mineurs. Pour le FN qui fonde la nationalité sur l’origine le droit à la différence existe avec pour corollaire la différence des droits.
Le second champ d’action favori du FN est celui de l’immigration. C’est encore un terrain déserté par le PCF qui s’est aligné sur les positions du PS et des « sans-papiéristes ». L’immigration pose avant tout le problème des blocages de développement dans les pays du Sud. Les problèmes qui se posent au Sud ne peuvent trouver de solutions qu’au Sud et non pas en France. C’est en aidant les peuples de ces nations à se libérer de la misère et de toutes formes d’oppression.
Cela dit dans le court terme l’accueil de l’étranger est indispensable mais il ne peut se faire qu’en ayant toujours à l’esprit le devoir de cohésion sociale et d’intégration.
Une mauvaise interprétation de l’internationalisme peut conduire à l’illusion « sans-papiériste ». Le concept d’humanité est de nature morale, pas de nature politique. Chaque peuple a une histoire et un vécu d’expériences et de luttes politiques qui fondent sa citoyenneté, son originalité politique. Le concept d’humanité lui est fondé sur l’égale dignité de chaque être humain. Opposer la conception d’une notion citoyenne à celle d’une citoyenneté de résidence comme le font le PS et les sans-papiéristes est irresponsable ; Elle facilite l’exploitation capitaliste d’une main d’œuvre bon marché et peu rétive tout en risquant de fragiliser le modèle de citoyenneté auquel nous sommes attachés. En effet si l’immigration peut nous apporter un enrichissement réel notamment au plan démographique et par le biais du métissage elle a cependant ses limites : les règles du droit civil, les libertés publiques et individuelles, les garanties démocratiques qui ne sauraient être remise en cause à la baisse. Ainsi de la liberté de croyance ( la laïcité), du mariage monogamique, de l’égalité homme-femme, du secret du suffrage etc …
Une approche communiste responsable du problème de l’immigration doit conduire ses militants à dénoncer à la fois la démagogie sans-papiériste qui apporte de l’eau au moulin de l’exploitation capitaliste et le repliement xénophobe du FN qui ne vise qu’à dédouaner le patronat français en rendant l’immigration responsable de l’insécurité et du chômage.