On ne sait encore en ce matin du 13 août (2014) ce qu'il adviendra du convoi de camions humanitaires que la Russie est en train d'envoyer vers l'Ukraine de l'Est ravagée par les combats. Mais il faut saluer sans attendre le coup de communication diplomatique que l'opération représente. Poutine apparaît définitivement comme un maître en ce domaine, face à l'agitation désordonnée de ses adversaires.
Le geste montre en effet plusieurs choses à l'ensemble du monde, sympathisant ou non de la Russie, y compris à l'opinion publique française malgré l'intoxication qu'exerce sur elle les médias:
- Des combats violents se déroulent dans le Donbass et alentours. L'artillerie ukrainienne bombarde sans hésiter les villes, faisant des milliers de morts civils et des centaines de milliers de sans-abris.
- Les occidentaux, parmi lesquels à notre honte il faut inclure la France, ferment les yeux sur ces massacres, alors qu'ils ne cessent depuis des mois de nous apitoyer sur les morts et les réfugiés de Gaza et d'Irak.
- Les mêmes occidentaux, Barack Obama le premier, suivi par François Hollande, ont décidé (outre des interventions militaires aériennes pour le premier) d'engager des actions humanitaires soit par voie de parachutage, soit au sol, pour la défense des victimes du djihad islamique.
- Personne ne critique, à juste titre, le principe de ces actions humanitaires. On ne critiquera pas davantage l'Occident s'il décide d'armer les kurdes ou autres résistants de l'intérieur de l'Irak. La Russie seule n'aurait pas le droit de protéger des populations russophones qui ont toujours été au coeur historique de sa civilisation.
- Pour essayer d'empêcher l'intervention de Poutine, c'est ce matin le concert des hypocrites: Barack Obama, réputé pour semer le chaos partout où il intervient, Barroso, un pied dans la compromission économique, l'autre dans l'atlantisme (les deux ne s'excluant pas), les Allemands qui n'ont jamais soulevé le petit doigt pour défendre personne, sauf leurs intérêts immédiats, Hollande qui déplore par ailleurs, à juste titre, de n'être pas soutenu par les Européens dans ses interventions militaires en Afrique.
Face à cette hypocrisie généralisée, et même si, en Ukraine comme ailleurs, l'humanitaire est un argument derrière lequel peuvent se cacher des interventions politiques et militaires plus directes, nous ne pouvons qu'applaudir cette intervention du convoi humanitaire de Poutine dans le grand jeu diplomatique.
Poutine se montre une nouvelle fois un meilleur tacticien, et sans doute aussi un meilleur stratège que ses adversaires. Nous ne nous en plaindrons pas, car avec lui il engage de fait les BRICS et l'OCS, dont les membres représentent la partie du monde qui demain comptera face à l'atlantisme. Il est dommage que l'Elysée et le Quai d'Orsay ne l'aient pas encore compris.
Jean-Paul Baquiast
Dernière nouvelle ( selon Les Echos)