Pascal Acot
Depuis quelques mois, nous assistons à une floraison de rapports sur le réchauffement climatique, dans lesquels il est fait assaut de prévisions catastrophistes. J'en retiendrai ici deux exemples seulement. En octobre 2007 le « rapport Stern », élaboré par un ancien ancien économiste de la Banque Mondiale à la demande du futur premier ministre de la Grande-Bretagne Gordon Brown est publié. Il y était indiqué que si nous ne faisons rien contre le réchauffement climatique, l'économie des pays industrialisés, donc l'économie mondiale s’effondrera, qu'un effondrement de 20% de la production économique et la multiplication de conflits de survivance meurtriers étaient à prévoir. Ce rapport indiquait aussi, et c'est l'idée centrale dont il est porteur, que la lutte contre les émissions de GES pourrait coûter l'équivalent de 1% des richesses produites dans le monde, mais que si l'on ne faisait rien, les catastrophes économiques, sociales, politiques, pourraient coûter 20 fois plus (5500 milliards de dollars).
Le 4e rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d'Experts sur le Changement Climatique, IPCC pour l'acronyme en anglais) à été présenté le 2 février 2007. Il y est indiqué que le XXe siècle aurait « probablement » connu le réchauffement le plus important depuis un millénaire. Qu'il est « très probable » (90%), mais non « quasiment certain » (99%), que ce réchauffement est dû « pour partie » aux activités humaines par rejets de gaz à effet de serre. Pourquoi « pour partie » ? Parce qu'il existe aussi et surtout des facteurs astronomiques du changement climatique, lesquels conduisent à une glaciation tous les 100 000 ans environ et nous permettent d'affirmer avec certitude que nous n'entrerons dans une phase de glaciation que dans 20 000 ans environ. Le GIEC prévoit d'ici à 2100, un réchauffement compris entre 1,8 et 4° C et une hausse du niveau des mers comprise entre 18 et 59 centimètres d'ici la fin du siècle. Le GIEC a également annoncé que le réchauffement se poursuivra inexorablement pendant plusieurs siècles, même si nous stabilisions dès aujourd'hui les taux de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère. De la même manière, la hausse du niveau des mers devrait se poursuivre pendant au moins mille ans. La presse ne s'est pas intéressée à ces colossales inerties biosphérales. Et alors que, selon l'Institut Français de l'Environnement, les ménages et les véhicules individuels sont responsables de 27 % seulement des émissions nationales de GES, les médias ne cessent de stigmatiser l'« empreinte écologique » des individus, invités du même coup à « sauver la planète » sous la bannière du WWF, gigantesque organisation nord-américaine de collecte de fonds. fondée, notamment, par Russell Train, qui fut responsable «Sécurité-Environnement » de la transnationale Union Carbide, laquelle provoqua la catastrophe de Bhopal en 1984 (12 000 morts). Russell Train a toujours nié toute responsabilité de son entreprise dans cette tragédie.
La presse dont il vient d'être question a, semble-t-il, oublié que dès mai 2004, Lorents Lorentsen, directeur de l'Environnement à l'OCDE déclarait : « (...) il est déjà trop tard pour contrer certaines modifications du climat causées par les activités humaines. Autrement dit, les politiques visant à réduire les émissions de GES devront s'accompagner d'autres mesures pour nous aider à nous adapter aux effets du changement climatique ». En fait, nous devons faire face à deux problèmes, souvent confondus : celui du réchauffement climatique et celui de l'épuisement prochain des combustibles fossiles. On voit que le premier problème pourrait être réglé par le second. Et qu'en conséquence, l'urgence véritable est de repousser le moment de l'épuisement des combustibles fossiles afin d'aménager la transition vers les énergies alternatives, aujourd'hui insuffisantes, le nucléaire civil mis à part.
Hélas ! les mesures à prendre seraient très douloureuses pour le monde des transnationales : suppression radicale des transports (aériens, maritimes et routiers) non absolument nécessaires, c'est-à-dire la démondialisation de l'économie et la relocalisation des activités industrielles et agricoles. Suppression du tourisme (aérien, maritime et routier) mettant en oeuvre l'usage de combustibles fossiles. Développement des transports en commun (songeons que le réseau ferré français est aujourd'hui revenu à son niveau de 1875) et que la SNCF organise sa propre concurrence avec ses filiales de transport routier Calberson et Bourgey-Montreuil, entre autres. Avec, en attendant le solaire, le développement de l'électronucléaire dans le monde entier puisque cette forme de production d'énergie ne rejette pas de GES. L'urgence est pourtant grande puisque rien n'a été fait depuis la Convention-cadre sur le changement climatique de la Conférence de Rio (1992), sinon la mise en place d'une Bourse de droits à polluer et du feuilleton à épisodes du stérile protocole de Kyoto. Au lieu de quoi, les politiciens roulent des yeux en évoquant le réchauffement. Ah ! Les candidats à l'élection présidentielle, en chemise et la corde au cou, venant signer le « Pacte écologique » de Monsieur Hulot ! Le GIEC a bon dos, dont les travaux scientifiques servent le plus souvent à préparer les opinions publiques à plus d'austérité énergétique, à de nouvelles taxations «écologiques », au déclin industriel de l'Europe par redéploiements vers les pays émergents et les PVD, et à la mise en place ou au renforcement d'instances supranationales afin de légitimer l'ensemble.
Pascal Acot, membre fondateur d'Action Communiste, historien de l'écologie scientifique (CNRS) a récemment publié «Histoire du climat », Perrin, 2003, et «Catastrophes climatiques, désastres sociaux », PUF, 2006. Cet article a été initialement rédigé pour le journal "Le Manifeste".