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Accord Zelensky-Macron - Interventions de Fabien Roussel et Arnaud Le Gall qui ont donné le point de vue des groupes communistes et LFI : le vote NON !
Il y a deux ans, quasiment jour pour jour, ici même devant vous, je dénonçais au nom de mon groupe GDR et des députés communistes l’offensive criminelle lancée par le nationaliste Poutine, en violation de toutes les règles du droit international. Dans cette guerre, il y a bien un agresseur, Vladimir Poutine, et un pays en état de légitime défense, l’Ukraine, qu’il faut soutenir.
C’est pourquoi nous avons voté en novembre 2022 la résolution de soutien à l’Ukraine et la condamnation de la guerre lancée par la Russie.
Notre position n’a pas changé depuis. Oui, la Russie ne doit pas gagner la guerre, oui, il faut donner à l’Ukraine les moyens de se défendre, comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant.
Et je le dis ici au nom de mon groupe : ce soutien doit être apporté dans le cadre défini par la France il y a deux ans, c’est-à-dire avec des lignes rouges à ne pas franchir, pour que la France n’entre pas en guerre directe avec la Russie et ses alliés.
Les déclarations va-t-en-guerre du Président de la République sur l’envoi de troupes françaises en Ukraine, ne mettant aucune limite à notre soutien à ce pays en guerre et confirmées lors de notre réunion à l’Élysée, ont fortement choqué nos compatriotes.
La perspective de la guerre et son cortège de souffrance sont entrés brutalement en France, dans chaque foyer, dans chaque famille.
La France, je le dis ici avec gravité, a une autre voix à porter que celle de la guerre, quand celle-ci a déjà provoqué la mort d’un demi-million de personnes et semé le chaos aux portes de l’Europe.
C’est une véritable boucherie. Au nom de l’humanité, nous devons tout mettre en œuvre pour qu’elle s’arrête et au plus vite !
Dans quelques semaines, nous allons célébrer le 80e anniversaire du Débarquement. Notre pays, avec d’autres, a subi dans sa chair le martyr de deux conflits mondiaux, au 20e siècle, soldés par des dizaines de millions de morts. [...]
La suite ci-dessous
Débat Ukraine Mardi 12 mars 2024 - Assemblée nationale - Intervention Fabien ROUSSEL
Il y a deux ans, quasiment jour pour jour, ici même devant vous, je dénonçais au nom de mon groupe GDR et des députés communistes l’offensive criminelle lancée par le nationaliste Poutine, en violation de toutes les règles du droit international. Dans cette guerre, il y a bien un agresseur, Vladimir Poutine, et un pays en état de légitime défense, l’Ukraine, qu’il faut soutenir. C
Intervention d'Arnaud Le Gall (LFI-NUPES)
Ce débat est un simulacre. Vous avez choisi un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution, suivi d’un vote indicatif qui ne vous oblige à rien. Ce n’est pas à la hauteur de la situation.
Nous ne décidons pas réellement d’un accord de sécurité avec l’Ukraine : vous l’avez déjà signé sans rien demander à personne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous nous demandez de signer un chèque en blanc après les déclarations va-t-en-guerre irresponsables du chef de l’État, chef des armées ; nous ne pouvons l’accepter. Les escalades militaires sont toujours précédées d’escalades verbales. À cet égard, le mois écoulé donne le vertige. Le 5 février, le chef de l’État a jugé utile de s’exprimer sur la dissuasion nucléaire française. Il a proposé d’ouvrir le parapluie nucléaire français à l’Union européenne : une absurdité.
Dans un domaine où le laconisme est la règle, il a créé, au pire moment, la confusion. Puis, le 16 février, l’accord de sécurité entre la France et l’Ukraine a été signé sans débat parlementaire ni information préalable.
Ayant condamné, dès le premier jour, l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine, nous avons approuvé à ce titre les initiatives de soutien au peuple ukrainien, notamment la cession d’armements – à condition qu’elle n’affaiblisse pas nos propres capacités de défense ; qu’elle n’entraîne pas un risque d’escalade en permettant de frapper en territoire russe ; et que le Parlement soit saisi. Une telle aide peut parfaitement perdurer sans qu’il soit besoin de signer quoi que ce soit. Au reste, signer un accord avec un pays déjà en guerre est une nouveauté dans notre histoire.
S’il s’agissait seulement de défense, le débat se serait tenu sur d’autres bases. Or l’accord assume le soutien de principe à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, sans vote du peuple ni de ses représentants. Nous ne sommes pas d’accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
En l’absence d’une harmonisation fiscale, sociale et écologique préalable, cette adhésion aurait des conséquences dévastatrices pour notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Notre agriculture est déjà écrasée par cette concurrence.
Le texte approuve également le soutien de principe à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan. Or ce genre d’annonce ferme d’emblée toute discussion en vue d’un règlement durable du conflit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous votons contre !
Mais à quoi bon ce vote ? Je l’ai dit, ce débat est un simulacre. Le texte de l’accord lui-même n’a plus de sens depuis que le Président de la République a évoqué la possibilité d’envoyer des troupes au sol en Ukraine. (Mêmes mouvements.)
Ce faisant, il nous a fait passer dans une nouvelle dimension. Ce n’est pas un hasard si vous avez annoncé ce débat, non pas après la signature de l’accord, mais après les propos tenus par le Président de la République le 26 février. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Oui ou non, acceptons-nous que la France, puissance nucléaire, se place en situation de guerre face à la Russie, puissance nucléaire ? Voilà la question qui nous est posée. (Mêmes mouvements.)
La déclaration irresponsable du Président de la République a ouvert la voie à une escalade que nous ne pouvons cautionner. Comment croire qu’il a créé une « ambiguïté stratégique » ? La succession humiliante de communiqués des principaux alliés de la France se désolidarisant de cette déclaration a, au contraire, amené tout le monde à afficher ses limites. Poutine n’en demandait pas tant ! (Mêmes mouvements.)
L’ambiguïté stratégique est incompatible avec l’agitation verbale. Mais le chef de l’État a persisté et signé. À Prague, le 5 mars, il a assimilé la prudence de rigueur à de la lâcheté, aggravant encore l’isolement de la France. Puis, aux responsables des partis politiques reçus à l’Élysée le 7 mars, il a déclaré qu’il n’y avait « aucune ligne rouge », « aucune limite » au soutien de la France à l’Ukraine.
« Aucune limite » : êtes-vous sérieux ?
La parole de la France est encore affaiblie. Ce n’est pas la première fois puisque, auparavant, de sommet Union européenne-Ukraine en sommet de l’Otan, vous avez, de concert avec les autres parties prenantes, fixé des objectifs que vous avez été ensuite incapables d’atteindre (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), même s’agissant des fournitures militaires. Vous évoquez désormais le passage à une économie de guerre, sans avouer aux Français les graves implications sociales et militaires d’un tel choix.
Notre devoir est de dire stop. Stop à cette agitation verbale incompatible avec une action concrète s’inscrivant dans une stratégie cohérente. Stop à l’idée même d’entrer en guerre face à une puissance nucléaire, dès lors que nos intérêts vitaux ne sont pas en jeu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Il est urgent de revenir au principe de responsabilité. Il faut affirmer qu’il n’y aura pas d’issue militaire acceptable à ce conflit. Il est urgent de redonner une chance à la diplomatie. (Mêmes mouvements.)
Il ne nous appartient pas, à nous, Français, de définir maintenant les termes d’une négociation acceptable. Mais nous devons agir pour que le processus s’enclenche et progresse. Quel que soit le cadre retenu, l’ONU, gardienne du droit international, doit en être garante.
Quelques mois plus tard, l’Agence internationale de l’énergie atomique le faisait et l’expertise française était mobilisée. Le parlement ukrainien émettait à son tour la même demande. La question se pose à nouveau, car le maintien sous cloche des installations nucléaires au-delà du délai de sécurité indiqué par les experts représente un grand danger.
Le calendrier diplomatique doit partir des objectifs atteignables à un horizon visible pour, de proche en proche, avancer sur les questions qui paraissent actuellement insurmontables. Tout est encore possible pour la paix ! Le cessez-le-feu serait demandé par la Russie, si l’on en croit les déclarations du président Macron aux chefs de parti. Et, toujours selon le Président de la République, le vote, sous une stricte surveillance internationale, des populations concernées pour décider de leur appartenance nationale serait accepté par l’Ukraine.
L’objectif doit être de mettre sur pied une architecture régionale de sécurité collective durable. Il faut le faire maintenant, puisque cela n’a pas été fait lors de la chute de l’Union soviétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il faut chercher ensemble des garanties concernant l’intégrité des frontières. Il est inacceptable de régler les litiges par des invasions. Un cadre existe pour discuter, c’est l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), créée au pire moment de la guerre froide et à laquelle adhèrent cinquante-deux États, dont la Russie, l’Ukraine, les États-Unis et les nations de l’Union européenne.
Si l’on estime que cette instance est paralysée, donnons-nous les moyens de réinventer un autre cadre. C’est le principe même de la diplomatie que de rechercher la lumière au milieu du tunnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
La France doit être une puissance facilitatrice de la paix, et non un boutefeu. Depuis deux ans, nous accueillons des opposants russes à la guerre de Poutine. (Mêmes mouvements.) Même eux nous disent que l’existence de partisans de la paix en Europe aide l’opposition russe.
L’enfermement manichéen et la surenchère militaire ne sont conformes ni à l’histoire, ni aux principes, ni aux intérêts de notre patrie. De de Gaulle à Mitterrand en passant par Chirac, la France a été une puissance non alignée décidant souverainement de ses alliances et de ses combats. (Mêmes mouvements.)
Au Conseil de sécurité, elle fut longtemps le membre permanent le plus à même de parler avec tout le monde. Car il ne faut pas confondre diplomatie et posture morale : par principe, une action internationale au service de la paix implique de s’autoriser à parler à ceux qui ne sont pas nos amis. Capable de parler à tous, la France pouvait alors contribuer à produire des compromis, de l’ordre, du droit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Que reste-t-il de tout cela ? Plus grand-chose, hélas, après des années de réalignement qui furent aussi, pour notre appareil diplomatique, des années de disette. Avez-vous vu que notre réseau diplomatique vient d’être déclassé ? Naguère deuxièmes, nous sommes maintenant relégués au cinquième rang, derrière le Japon et la Turquie ! (« Quelle honte ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous avez supprimé les corps diplomatiques au moment où nous en avions le plus besoin, et les nouvelles coupes budgétaires annoncées par le ministre de l’économie vont encore affaiblir l’action extérieure de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Peu importe, nous a-t-il été répondu en commission, puisque vous avez accru le budget des armées. Mais croyez-vous sérieusement que la force militaire, sans réseau diplomatique solide ni stratégie internationale cohérente, suffit à produire une solution viable ? (Mêmes mouvements.)
Dans le vide laissé par la France, d’autres pays s’engouffrent. Par exemple, quand il a fallu conclure un accord sur l’exportation du blé ukrainien, c’est la Turquie qui a été à la manœuvre. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Quand le pape François a appelé, ce dimanche, à une négociation, c’est la Turquie qu’il a citée comme une médiatrice possible. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) La Turquie, et non la France !
Comment en sommes-nous arrivés là ? Voilà où nous ont conduits, en politique internationale, les déclarations à l’emporte-pièce, les prises de position incohérentes, les indignations à géométrie variable, l’usage du mégaphone quand il faut savoir se taire et le silence quand il faudrait dénoncer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
La France n’a pas à s’enfermer dans un camp, occidental, atlantiste ou autre. Cette attitude nous isole… …et ternit l’aura internationale de notre patrie.
Dans la guerre en Ukraine – comme à Gaza, en République démocratique du Congo ou au Liban –, notre pays, présent sur tous les continents, doit, au contraire, être à la pointe du combat pour la paix. (Mêmes mouvements.) Il doit, avec d’autres, toujours rechercher et proposer des issues, au lieu de se précipiter dans des impasses. (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)
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