[16 octobre 2019] - Le 2 septembre, j’ai quitté la ville de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie, en minibus, en direction du nord-ouest, vers la frontière de la République populaire de Donetsk (RPD), puis vers Donetsk. Pour mes premiers jours sur place, j’ai loué un appartement bon marché au cœur de la ville. En marchant sur une longue allée piétonne bordée d’arbres et remplie de cafés, la vie semblait normale. Mais je me suis vite rendue compte que pour les habitants de Donetsk, c’était tout sauf normal.
Je suis passée devant un café où un ancien dirigeant et commandant militaire de la RPD, Alexandre Zakharchenko, a été assassiné par une bombe déclenchée à distance en août 2018. Il était bien-aimé, et alors que je me tenais là, deux femmes se sont arrêtées pour lui rendre hommage et prier.
Quelques jours plus tard, dans un centre de transit de Donetsk, j’ai rencontré Alexey Karpushev, un habitant de la ville septentrionale de Gorlovka, une zone durement touchée par les bombardements ukrainiens et dont la périphérie continue d’être bombardée presque quotidiennement.
Une longue file d’attente, composée principalement d’étudiants, s’étendait au coin de la rue, attendant le prochain minibus disponible pour Gorlovka. Après une heure d’attente, le minibus est arrivé et nous avons embarqué pour le trajet cahoteux vers le nord.
Alexey m’a déposé à l’hôtel, une structure délabrée de l’ère soviétique, juste à côté d’une zone piétonne qui, le soir, devient bondée de familles, d’amoureux et d’amis qui se promènent, et d’enfants qui font du vélo.
Le matin, il m’a emmené dans un parc central où se déroulait un tournoi d’échecs. Pendant les cinq heures suivantes, quatorze adultes et huit enfants ont joué aux échecs. À une centaine de mètres de là, un parc pour enfants, défraîchi mais qui fonctionne bien, avec de petits manèges, attire de plus en plus d’enfants à mesure que la journée avance.
Dans cette tranquillité et cette normalité, il était difficile de croire que les quartiers centraux de Gorvloka avaient été terrorisés par des bombes ukrainiennes quelques années auparavant. "L’été 2016 était la dernière fois que le centre ville a été bombardé", me dira Alexey plus tard. "Nous entendons toujours les tirs d’obus, mais c’est à la périphérie. Les gens là-bas sont visés aussi par des snipers."
Gorlovka a été le plus durement touché en 2014, notamment le 27 juillet, lorsque le centre a été secoué par des missiles Grad et Uragan tirés par les Ukrainiens du matin au soir. Une fois la poussière retombée et les blessés graves ayant succombé à leurs blessures, on a compté au moins 30 morts, dont cinq enfants, me dit Alexey. Cette journée a été surnommée le "dimanche sanglant".
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