Extraits
Confinés, ils avaient accroché des banderoles à leurs fenêtres, des lettres noires inscrites sur de grands draps blancs, pendus aux lucarnes pour que toute la rue puisse les voir, pour que le slogan résonne chaque jour dans la tête des passants. À Paris, Caen, Toulouse ou Marseille, ils se ne connaissaient pas mais avaient pris part au même mouvement qui proposait d’exprimer sa colère depuis balcons et fenêtres.
« Macronavirus, à quand la fin ? » ; « Macron, on t’attend à la sortie !! »
Leurs banderoles avaient une virulence particulière en cette période d’exigence d’unité nationale et d’état d’urgence sanitaire : « Nous sommes gouvernés par des criminels ! », pouvait-on lire dans une rue de Montpellier, sur une grande affiche reconvertie pour l’occasion. « La liberté n’est pas confinée » ; « Des milliards pour la santé, pas pour le Cac 40 ! » À Marseille, des locataires avaient réussi à synthétiser en une phrase tout le problème du dépistage en France : « Tu veux savoir si t’as le corona ? Crache sur un bourgeois et attends ses résultats ! »
Le point commun de toutes ces personnes ? La police est venue retirer leur banderole ou les cueillir chez elles, parfois pour les placer en garde à vue.
Depuis que le confinement a débuté le 17 mars, tous les rassemblements sont interdits. Il est donc clairement défendu de manifester. Face à cette impossibilité d’employer les moyens traditionnels d’expression de la colère, des initiatives nationales sont nées spontanément. C’est ainsi que le mouvement « Cortège de fenêtres » a vu le jour, entendant rappeler « aux gouvernements successifs leur responsabilité dans la casse de l’hôpital public », à travers des banderoles, des chants tels que « Bella Ciao », ou des rendez-vous donnés sans sortir de chez soi.
« Manifestons au balcon » en est un autre exemple, et a donné naissance à des expressions saisissantes, comme « Nos vies, pas leurs profits », « De l’argent pour l’hôpital, pas pour le capital », ou encore « Confinés, égalité, fraternité ». Les murs et les enceintes des hôpitaux ont également vu fleurir un slogan qui restera dans les annales, tant il résume à merveille le cynisme du système actuel : « LVMH-PSA-Bouygues-BNP. Payez vos impôts. L’hôpital se fout de la charité ! »

Crédit : Adrien Weiss
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À Paris, dans le XIXe arrondissement, la police a rendu visite à Thomas et Simon, qui avaient affiché « Macron, on t’attend à la sortie !! » à leur fenêtre. Alors que la banderole à connotation politique a dû être retirée immédiatement, la procédure n’a pas entraîné de verbalisation ni de convocation, la police étant bien incapable d’invoquer un cadre légal quelconque. Seulement, les faits sont là : elle a empêché ces deux jeunes hommes de manifester.
De la même manière à Caen, la police est venue frapper chez un étudiant qui avait affiché une banderole ne comportant pas la moindre trace de diffamation ou d’insulte : « Il y en a de l’argent magique, du fric pour le service public ». Après lui avoir demandé son identité et ses revendications politiques (sic), les policiers sont repartis bredouilles.
Source : https://lareleveetlapeste.fr/author/augustin-langlade/