Tania Kaddour-Sekiou | 14 Mai 2019
Dans les murs du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, l’entreprise publique était jugée hier suite au décès, il y a six ans, d’un jeune livreur employé par l’un de ses sous-traitants. Une procédure dans laquelle la Poste est accusée de « prêt illicite de main d’œuvre et de marchandage » : trois syndicats se sont portés partie civile pour protester contre ce qu’ils qualifient de « sous-traitance abusive ».
Il aura fallu six ans pour que s’ouvre à Nanterre, le 13 mai 2019, un procès inédit aux enjeux considérables. Le 15 décembre 2012, Seydou Bagaga, jeune travailleur de 34 ans, effectue une tournée pour l’entreprise DNC Transport, prestataire de Coliposte, une filiale de l’entreprise publique en charge de la livraison des colis. Alors qu’il livre des paquets sur des péniches amarrées en bord de Seine, à Boulogne-Billancourt, un colis tombe à l’eau. Le livreur essaie de le récupérer et se jette dans une eau dont la température hivernale ne dépasse pas les 5 degrés. Repêché par la brigade fluviale, il succombe à son coma trois semaines plus tard. Un accident dramatique et révoltant, qui révèle, pour les parties civiles, l’ampleur des abus de sous-traitance au sein de La Poste et de ses filiales, au mépris des nombreuses alertes de l’Inspection du travail.
Dans le cadre de son emploi au sein de DNC Transport, Seydou Bagaga n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche (DPAE), pourtant obligatoire. « L’extraction URSSAF nous permet de constater que Monsieur Bagaga a fait l’objet d’une déclaration le 15 décembre 2012 à 16h05 », peut-on lire dans le procès verbal établi par l’Inspection du Travail, que Le Média a pu consulter. La DPAE, ainsi que le contrat de travail, ont donc été établis après l’accident. Dans le même temps, le directeur de l’entreprise DNC Transport se trouvait pourtant au commissariat pour son audition. Plus étonnant encore, le procès-verbal indique que « la consultation du registre unique du personnel mentionnait une date d’entrée dans l’entreprise au 14 décembre 2012 », alors que Seydou Bagaga était en activité depuis le 8 décembre, d’après l’Inspection du Travail. Le directeur de DNC Transport, quant à lui, le considérait « en formation ». « Il n’avait pas perçu de rémunération ni signé de contrat de travail », expliquait ainsi le procureur de la République le 26 janvier 2018. [...]
La suite sur https://lemediapresse.fr/social/la-poste-au-tribunal-un-proces-inedit-contre-la-sous-traitance-abusive/