Finalement, la présence de Lorànt Deutsch apparaît plus visuelle qu’historiographique : c’est lui qui pose devant l’objectif d’un photographe à travers ce qui se présente comme une série de “balades” dans “le Paris des Allemands”, “le Paris des résistants”, ou… “le Paris des plaisirs” et “le Paris de la mémoire”. On découvre par exemple au fil des pages :
- Lorànt Deutsch chez Maxim’s ou “la fête perpétuelle” (“Allemands et Français s’y cotoyaient joyeusement!”)
- Lorànt Deutsch devant le Collège de France (“Le gendre de Marie Curie mettait la main à l’explosif!”)
- Lorànt Deutsch d’un air pénétré, en lunettes de soleil, devant le Mémorial des enfants du Vel’d’Hiv
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Car le Parisien ne semble pas avoir sollicité des historiens spécialistes de l’Occupation, ou même de la Seconde guerre mondiale et du nazisme. On trouve par exemple parmi les signatures des historiens comme Guillaume Picon, qui est plutôt… spécialiste des têtes couronnées (et aussi de l’histoire expliquée par la peinture). C’est lui qui signe par exemple depuis dix ans L’ABCdaire des rois de France (chez Flammarion), Le petit livre des rois de France (au Chêne), des livres sur Versailles ou très récemment The Queen - Elisabeth II, un destin d’exception, qui vient de sortir chez Glénat.
Qu’on soit historien ou journaliste, participer à un tel hors-série n’a rien d’indigne en soi. Et il y a évidemment quantité de choses à raconter sur l’Occupation dans la capitale, dont certaines mériteraient justement d’être plus connues. Mais ce qui semble plus étonnant, c’est qu’en contactant le rédacteur en chef du numéro spécial, on n’ait aucune réponse : quelles sources ont été mobilisées (sachant qu’aucune n’est citée explicitement à l’exception d’un ouvrage de 1967 signé d’un journaliste et d’un résistant) ? Quels historiens ont été consultés ? L’équipe éditoriale disposait-elle d’une sorte de conseil scientifique dès lors que les auteurs des textes ne semblent pas spécialistes de cette période ? - Rafael Pic répondra finalement après la publication de cet article comme vous pouvez le voir ci-dessous.
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Pourtant, à mesure qu’on progresse dans la lecture, s’installe une impression diffuse. Au point qu’on finit par se demander à quelle (re)lecture de l’histoire on peut bien avoir affaire. Souvent, c’est le vocabulaire qui fait tiquer.
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Dès la page 3, l’éditorial nous invitait à suivre les pas de Lorànt Deutsch, “un guide passionné pour nous aider à cheminer dans ce maquis d’impressions mêlées”. “Impressions mêlées” ? Curieuse expression pour évoquer ce Paris-là, toile de fond de la Shoah et de la répression des résistants. Qui n’a pas rien à voir avec la manière dont il est question de Louis-Ferdinand Céline. Page 55, l’auteur, en 1941, de Dans de beaux draps, est bien “l’antisémite éructant”. Mais trente pages plus loin, le voilà en esprit libre et audacieux au détour d’une anecdote bien plus flatteuse : un soir de 1943, Céline a osé singer Hitler en plein dîner rue de Lille, chez l’ambassadeur du Reich, Otto Abetz. A l’échelle de l’historiographie sur la Seconde guerre mondiale, l’anecdote est d’importance minime. Insérée dans un récit parisien qui se veut tout sauf exhaustif, elle produit surtout l’impression diffuse que tout se vaut.
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L'intégral ici : https://www.franceculture.fr/histoire/il-etait-une-fois-loccupation-selon-le-parisien-un-western-aux-references-ambigues#xtor=EPR-2-[LaLettre28052019]
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