8 février 2016 / Maelle Ausias (Reporterre)
Dans le centre de la Bretagne, l’entreprise chinoise Synutra bâtit une usine de lait en poudre. Emplois, débouchés pour les producteurs locaux, le projet se veut le symbole du renouveau d’une région sinistrée. Pourtant, le gigantisme industriel qu’il met en oeuvre pourrait sonner le glas des petites fermes.
Carhaix (Finistère), reportage
Carhaix, ville à la campagne, a toujours tenté de rendre son territoire aussi attractif que la côte. Le kreiz Breizh (« centre de la Bretagne », en breton) marqué par les fermetures d’usines agroalimentaires : Marine Harvest, la base Intermarché, Tilly Sabco, Gad, Doux, Entremont et d’autres. Avec un taux de pauvreté de 17 % en 2012 pour la communauté de communes du kreiz Breizh, selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), le centre Bretagne est le parent pauvre d’une région touristique économiquement puissante. Les champs de plus en plus grands, parfois jaunis par les pesticides, alternent avec les grandes usines en tôle.
Au bord de la rocade de Carhaix, une nouvelle usine est apparue. L’entreprise chinoise Synutra concrétise un projet qui a officiellement débuté en 2012 : une usine de lait en poudre. Elle veut y exporter en Chine du lait pour nourrissons. 44.500 mètres cubes de béton et deux tours de séchage de cinquante mètres produiront près de 120.000 tonnes de poudre de lait par an, grâce aux 300 millions de litres de lait qui seront fournis par 700 agriculteurs des alentours. Le premier coup de pelle a été donné à 10 h 58 le 10 janvier 2014. « Un grand jour », selon les journaux locaux, avec une cérémonie orchestrée selon les rituels chinois.
L’usine sera presque exclusivement approvisionnée par Sodiaal, première coopérative laitière française et cinquième mondiale, qui a investi 10 millions d’euros dans le projet. Sodiaal s’est imposée dans le territoire breton en rachetant Entremont et la coopérative Unicopa en 2010. Aujourd’hui, elle collecte 800 millions de litres de lait auprès de 1.851 producteurs bretons.
Pascal Prigent, membre de la chambre d’agriculture du Finistère et fournisseur de Sodiaal, assure que cet investissement est une opportunité. « Aujourd’hui, Sodiaal a 500 millions de litres d’excédent qu’elle valorise très mal, à 200-250 euros les mille litres. Le fait qu’elle transfère 280 millions de litres à l’usine de Carhaix représente une plus-value plus importante, car il va être vendu au prix du marché, c’est-à-dire entre 280 à 300 euros. » Par comparaison, produire du lait coûte 340 euros les milles litres à M. Prigent.
L’usine de poudre de lait aurait dû commencer à produire de la « farine de lait » début 2016 mais finalement elle ne démarrera pas avant avril-mai. « Au début du projet, ils pensaient à un investissement global de 80 millions d’euros, aujourd’hui ils misent plutôt sur le double », explique Pascal Prigent. Qu’importe, dit-on, cette usine arrive à point nommé pour un territoire à bout de souffle. Elle offre aux agriculteurs un contrat qui va durer dix ans au prix du marché. Environ 230 emplois vont aussi être créés. Mais c’est un chiffre à relativiser car la plupart d’entre eux proviendront de l’usine d’Entremont qui vient de fermer.
« L’or blanc », voilà comment est présenté le lait carhaisien, comme un ingrédient de haute gastronomie dont la rareté et la pureté appâtent les entrepreneurs du monde entier. Les journaux locaux vantent d’une seule voix cette usine « monumentale », « titanesque » et « extraordinaire ». Le Poher, hebdomadaire local fondé par Christian Troadec, maire de Carhaix, en fait souvent sa Une.
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En Bretagne, " l'usine à lait " prépare la fermeture de milliers de petites fermes
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