Elbeuf, au champ de foire : nous sommes une petite centaine à attendre les cars. Un arrêt à Renault-Cléon pour compléter le car.
Arrêt casse-croûte sur l'A13. Toute la Normandie est là : Calvados, Eure, Le havre, Rouen, Elbeuf ... Fécamp aussi.
Arrivée sur Paris. Embouteillage à la sortie du périphérique. Certains descendent des cars. 200 Paluel, au moins, défilent. Dernière consignes de sécurité avant de descendre. Nous rejoignons ensuite à pied la Place d'Italie. Cela a déjà une allure de manif. Les manifestants sont déterminés, en colère contre la gouvernement socialiste et son mépris du monde du travail. Nous savons que nous sommes majoritaires.
Arrivée Place d'Italie. Il faut retrouver le camion bleu d'Elbeuf. J'attends au départ de l'Avenue de la Soeur Rosalie. Nous sommes plusieurs à guetter. Nous voyons défiler les dockers du Havre, ceux de Marseille. Salués et applaudis. A côté de moi une jeune manifestante. En passant un manifestant lui adresse la parole. Je ne sais pas ce qu'il lui dit mais elle réagit vivement. "Je ne suis pas venue pour draguer, moi !" me dit-elle.
Voici des FO, des Solidaires, et beaucoup, beaucoup de CGT.
Voici la Seine-Maritime et la voiture blanche de la CGT-76. Mise en ordre du cortège. Derrière les deux camions bleus de la CGT. Nous, nous devons suivre celui d'Elbeuf. Le voici. La manifestation peut commencer.
A côté du camion bleu : Renault, Aérazur, Carrefour Market, BASF, Leclerc, Bouygues ... et des retraités.
Pétards et fumigènes. Slogans. "Retrait, retrait de la loi Travail". Chansons :"Tout est à nous, tout est à nous, tout ce qu'ils ont, ils l'ont volé !... ". Ou encore "Tout le monde déteste la Loi Travail".
Et le long des avenues et boulevards, des stands, celui du "Temps des Cerises" et plus loin "Delga".
Des affichettes comme celle-ci : "Le gouvernement ne comprend pas le sens des grèves. Aurions-nous manqué de pédagogie ?"
Les casseurs ont commencé leur travail. Des vitrines brisées, éclatées. Qu'est-ce qu'ils cherchent ? Ils savent que ce n'est pas comme ça qu'on fera reculer le gouvernement. Au contraire ce sont des armes qu'ils lui donnent. Je suis persuadée que les salariés sont minoritaires parmi eux. La loi Travail, ils s'en moquent. Ces formes d'action révèlent aussi qu'une partie de la jeunesse est sans espoir, sans perspectives politiques. C'est une jeunesse qui n'a jamais rien vécu d'autre que des reculs sociaux.
Un vendeur de Fakir. Pédagogique, toujours. Il sait relier les histoires simples de chacun, l'exploitation au quotidien au capitalisme mondialisé. Avec la colère qui sourd de toutes ses enquêtes.
Des élus communistes sur le trottoir avec Pierre Laurent. Une camarade me dit :"Il y avait Patrick Le Hyaric ( directeur de l'Humanité, député européen). J'ai été le voir. Je lui ai demandé : et en 2017, vous appelez à voter PS ?".
Car la question du vote est dans toutes les têtes. Tout le monde se souvient du slogan "Voter PS pour battre la droite et l'extrême-droite". Alors une pancarte vue dans la manif :" 2016 - Travailler pour un costard - 2017 - Voter pour une veste". Il va falloir faire un effort camarades!
Le stand du PRCF. "Pour l'indépendance nationale et le socialisme - Sortons de l'Europe du Capital".
Et une affichette de la commission Europe de Nuit Debout Paris : "Motion de censure contre l'Union Européenne". C'est déjà pas mal. Mais soyez plus ambitieux camarades. C'est qu'il faut en sortir de l'Union européenne. Ou la faire éclater de l'intérieur. Et aujourd'hui, quoiqu'elle soit à l'origine de la loi Travail, je n'en ai pas beaucoup entendu parler.
Il a dû se passer quelque chose devant. Nous stoppons. Gaz lacrymogènes. Ce sont les manifestants comme nous qui subissons. Ni casqués, ni masqués. Ceux qui se battent vraiment contre la loi Travail. Ceux qui tous les jours discutent dans les entreprises, les grandes surfaces, les bureaux, les salles de profs, pour convaincre, non pas de la nocivité de la loi Hollande-Juncker, mais de la nécessité de se lancer dans la grève. Ceux qui sont convaincus que ce sont les mobilisations de masse, manifestations ou grèves massives qui peut faire reculer le gouvernement. Les autres, les casseurs, ils ont disparu.
Nous continuons encore. C'est long de relier la place d'Italie aux Invalides. Nous sommes nombreux, très nombreux. Mais la détermination reste intacte. Un peu avant les Invalides, nous arrêtons et regagnons nos cars.
Nous étions nombreux, très nombreux. Et pourtant les médias n'ont parlé que d'une chose : des casseurs. Les téléspectateurs n'ont vu que des vitrines brisées en pagaille, des affrontements avec les CRS, mais rien des centaines de milliers de manifestants venus de toute la France, rien des slogans, rien de la détermination, rien des manifs en province ...
Les manifestants et ceux qui les soutiennent ne laisseront pas casser leur lutte contre la loi Travail. Déjà ce matin, jeudi, les Havrais distribuaient des tracts aux portes du Havre. Pour les actions de la semaine prochaine.
Mais j'en suis persuadée. Il ne suffit plus de désigner la responsabilité du gouvernement socialiste et de Hollande, serviteurs du Medef. Il faut mettre en accusation ceux qui se cachent derrère eux et que personne n'accuse : la Commission européenne et les conseils européens qui acceptent tout de la commission et du responsable de celle-ci, Jean-Claude Juncker, les mêmes qui mettent la Grèce à genoux.
Yvette Genestal
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