Publié sur ce blog en mai 2019. Hormis le nom du président du MEDEF et la prudence et silence de Geoffrey Roux de Bézieux, le discours n'a pas vraiment changé ... Mais aujourd'hui le patron du Medef laisse E.Macron, Castaner, E.Philippe et les grands médias faire le sale boulot idéologique à sa place.
Pierre Gattaz n'a pas de mémoire. " Chantage », « violences », « intimidation », « terreur", voici les mots employés pour dénoncer l'action des salariés. Il accuse la CGT. Il stigmatise les militants « qui se comportent un peu comme des voyous, comme des terroristes". Le tout six mois après les attentats du 13 novembre.
Et il en rajoute. "On ne peut pas laisser une minorité agissante, révolutionnaire, paralyser l'économie. C'est la capacité de la France à se réformer qui est en jeu. Pour moi, le sigle CGT est égal à chômage", se lâche Pierre Gattaz, dénonçant "une dictature stalinienne" …
La mémoire lui manque donc. Il y a des mots qu'un patron devrait s'abstenir de proférer quand il parle des militants CGT. Comme le mot "terroriste". Cela rappelle les heures où le patronat avait choisi la collaboration quand des syndicalistes, souvent militants de la CGT s'engageaient dans la résistance. Beaucoup d'entre eux furent alors arrêtés, condamnés, déportés ou fusillés pour « terrorisme ».
A cette époque, le patronat français participait massivement à la collaboration avec les nazis et se satisfaisait tout à fait de l'interdiction des syndicats et de la CGT. Manière de se venger de 1936. Lorsque le CNR ( Comité National de la Résistance) se constitua, on ne trouva aucun patron parmi ses membres.
En Seine-maritime ces militants de la CGT, résistants et victimes des nazis et de leurs collaborateurs, furent nombreux.
« Sur le monument érigé par l’Union départementale CGT de Seine-maritime, il y a 172 noms de militants fusillés ou morts en déportation. Mais Louis Eudier estimait que ce chiffre était inférieur à la réalité. Il avait recensé 41 noms supplémentaires, ce qui portait le nombre à 213 personnes.
Parmi eux, il y avait beaucoup de responsables syndicaux, par exemple: Secrétaires de syndicat: Textile d’Elbeuf, Textile du Houlme, Textile de Rouen, Métaux de Dieppe, Métaux du Trait, Métaux de Rouen, Marins de Dieppe, Marins de Rouen, Marine fluviale de Rouen, Produits Chimiques du Houlme, Produits Chimiques de la Région de Rouen, Produits Chimiques de Port Jérôme, Produits Chimiques de Dieppe, Gaz de l’île Lacroix, Gaz de Déville, Gaz du Havre, Bâtiment de Rouen, Bâtiment d’Elbeuf, Voiliers et Dockers du Havre, Bois de Rouen, Section syndicale TLM le Havre, Union locale d’Eu-Le Tréport, Union locale d’Elbeuf, un secrétaire de l’Union départementale (Louis Canton). » ( Source : article du Fil Rouge mis en ligne par Gilles Pichavant).
La Vie ouvrière du 23 Novembre 1940 appelle à la lutte pour les salaires. Elle était diffusée clandestinement.
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Le Conseil National de la Résistance
Un patronat français absent
« On veut bien se battre, on veut bien mourir, mais on veut savoir pourquoi » déclarèrent ceux qui dès 1940 et ils n’étaient guère nombreux à cette époque, avaient décidé sciemment de s’engager dans la résistance au péril de leur vie.
Il faudra attendre l’année 1943 après trois longues années de lourds sacrifices pour que l’unité de la résistance sous l’égide de Jean Moulin se réalise.
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L’action de Jean Moulin est historique pour de nombreuses raisons.
Il réussit avec son opiniâtreté, son intelligence et sa persuasion à rassembler et fédérer les organisations de résistance de sensibilités différentes. Il contribua ainsi à faire l’unanimité des partis politiques et syndicats reconstitués clandestinement. Et cette unanimité permit d’harmoniser le combat pour chasser l’ennemi hors de France en créant le 29 novembre 1943 les Forces Françaises de l’Intérieur. Enfin, le CNR jeta les bases d’une nouvelle société rompant avec la 3eme République pour imposer une société solidaire, laïque, juste, affranchie de la féodalité des classes dominantes, des trusts comme on disait à l’époque et des banques. Un vrai projet de société accepté à l’unanimité par les membres présents. A la mort de Jean Moulin c’est Georges Bidault qui présidera le CNR. Mais dès le 11 septembre 1944 Louis Saillant secrétaire de la CGT présidera à son tour le CNR et mettra avec le général de Gaulle le programme du CNR en application.
Les membres du CNR en septembre 1944 :
Président d’honneur
Georges Bidault : Ministère des affaires étrangères
Président
Louis Saillant : Secrétaire de la CGT
Membres
Emmanuel d’Astier de la Vigerie « Libération Sud »
Paul Bastide « Parti radical et radical socialiste »
Maxime Blocq-Mascart « Organisation Civile et
André Colin « Démocrates Chrétiens »
Jacques Debu-Bridel « fédération républicaine et républicains nationaux Colonel FFI
Marcel Degliame « Combat »
Benoît Frachon « Confédération Générale du Travail »
Auguste Gillot « Parti communiste »
Jean Laniel « Alliance démocratique »
Jacques Lecomte-Boinet « Ceux de la Résistance »
Jean-Pierre-Levy « Franc-tireur »
Daniel Mayer « Parti socialiste »
André Mutter « Ceux de la Libération »
Henri Ribière « Libération Nord »
Gaston Tessier « Confédération Française des Travailleurs Chrétiens »
Pierre Villon « Front National » *
Secrétaire général : Pierre Meunier
Secrétaire général adjoint : Robert Chambeiron
* Le Front National était à l’époque un organe de la résistance communiste à ne pas confondre avec le FN d’aujourd’hui.
Autres membres ayant participé au CNR : Pascal Copeau, Jacques Henri Simon, Claude Bourdet qui à son retour de Buchenwald remplaça le colonel Marcel Degliame, André Mercier, Eugène Claudius Petit, André Le Troquer, Roger Coquoin, Charles Laurent.
On remarquera qu’aucun membre du patronat ne figurait parmi les membres fondateurs du CNR . En voici les raisons.
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C’est ainsi que les entreprises françaises du BTP se partagèrent cet immense chantier du littoral de la Manche et de l’Atlantique comprenant des milliers de bunkers, les bases sous marines de St Nazaire et de La Rochelle. Cela représentait du ferraillage, de la boiserie, des millions de mètres cubes de béton qui permirent à ces entreprises de s’enrichir d’autant plus qu’elles ne supportaient pas le coût de la main d’œuvre. En effet 291 000 personnes dont 10% d’Allemands seulement furent impliquées. Si en 1942 la main d’œuvre était libre et payée par les Allemands, avec l’argent de la banque française selon les conditions de l’armistice, en 1943 une partie des requis du STO fut dirigée vers le littoral.
« J’avais huit ans en novembre 1943 et le hasard des déplacements de mes parents recherchés par la police de Vichy (ils avaient été condamnés par contumace par la section spéciale de Poitiers) nous avait conduits à Bacqueville en Caux en Seine-Maritime. Je me souviens des camions qui s’arrêtaient sur la place du bourg, devant le garage de M. André Carré et du magasin de Mme Marguerite Lair à l’époque. Chaque jour on embarquait les requis vers Belmesnil pour y construire une rampe de lancement de V1 et on les ramenait le soir ». (Témoignage et photos de Louis-Charles Morillon).
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Mais la collaboration ne s’arrêta pas au patronat du BTP.
Dans l’industrie aéronautique les entreprises Caudron, Gnome-et–Rhône, Martin Mullet, Bronsavia et Somua se mirent au service de l’occupant . Ces firmes livrèrent ainsi à la Luftwaffe 1540 avions, 4138 moteurs, 4144 hélices et des milliers de pièces (Selon les archives allemandes). l’usine Hispano-Suiza refusa cette collaboration. Elle vit, en représailles, ses machines réquisitionnées et envoyées en Allemagne et ses usines occupées furent alors bombardées par les alliés. Marcel Bloch qui refusera également de collaborer sera en définitive déporté. Quant à l’usine Creusot-Schneider elle accepta de fabriquer des éléments de bombes pour une firme d’Outre-Rhin.
Dans l’industrie automobile dès le 10 juillet 1940, les usines Renault furent les premières à réembaucher et à reprendre leur activité. A ce moment Peugeot délocalisa dans le sud de la France, réorienta et recycla sa production pour ne pas avoir à participer à une aide quelconque à l’occupant.
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Rédigé par Louis-Charles Morillon
Les sources :
« Les patrons sous l’occupation » par Renaud de Rochebrune et Jean-Claude Hazera.
« Industriels et banquiers sous l’occupation » site Alternatives économiques.
« Le mur de l’Atlantique » film de l’INA présenté par Alexandre Adler dans les mercredis de l’histoire.
- Photos collection personnelle de Louis-Charles Morillon.
- Le choix de la défaite par Annie Lacroix Riz.
- Surenchère collaboratrice sous l’occupation site histoire-en-questions.fr.
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