Une partie de 421 au Marie-Louise, le bar hors du temps du quai de la Saône (quartier de l’Eure). Une barricade de pneus en feu pour bloquer un rond-point tenu par quelques dockers, chasubles rouges fièrement portées. La présentation en quelques plans semble virer aux clichés...
La journaliste Auberi Edler, ayant mis avec talent le pied dans la réalisation de documentaires depuis plusieurs années, trahit en réalité, et avec bonheur, son attachement à un monde découvert en 2014 à l’occasion d’un précédent tournage sur Aki Kaurismäki (réalisateur du film Le Havre, 2011). Celui des docks et de ses hommes. « Depuis, j’y suis retournée, souvent », confie-t-elle sur la page de présentation de son documentaire, mise en ligne sur le site de financement participatif kisskissbankbank.com. Aussi touchant soit-il, il reste effectivement à le financer afin de concrétiser deux années de travail. Non seulement de tournage qui se poursuivait encore ces dernières semaines, mais aussi d’échanges, de rencontres « pour apprendre à se connaître, à imaginer la confiance ».
Certains considéreront le film orienté puisqu’il donne également un coup de projecteur sur un dernier bastion du syndicalisme en France, alors que se poursuit le bras de fer entre la CGT (notamment au niveau local la très puissante fédération ports et docks) et le gouvernement autour de l’adoption de la loi El Khomri, dite loi Travail.
Un village ouvrier qui résiste
Havraises, Havrais, fils de dockers ou non, c’est donc le moment de contribuer à la réalisation d’un projet « alternatif », probablement livré aux alentours de septembre 2017, présentant un des visages de la ville du Havre à l’occasion de son 500e anniversaire. Celui d’un village ouvrier qui résiste aux forces de la transformation, architecturale et mentale.
Des mois durant, Auberi Edler suivra donc trois dockers, de génération différente, racontant leur approche de la condition ouvrière. Pas de commentaire, ni d’interviews. Juste la parole des ouvriers, de leurs épouses sur une bande originale, c’était inévitable, produite par l’icône Little Bob. Un projet ne saurait aboutir sans parrain. Celui de ce documentaire est en or. Au sens propre comme au figuré. J’ai nommé Ken Loach, tout juste entré dans le cercle des doubles récipiendaires de la Palme d’or du Festival de Cannes. Dans une vidéo, le réalisateur de Moi, Daniel Blake, connu pour l’ensemble d’une œuvre très militante, n’y va pas avec le dos de la cuillère. « Je souhaite bonne chance à cette campagne (N.D.L.R. : de financement), je suis certain que le film sera très bon... J’envoie ce message de soutien à Auberi et aux dockers du Havre, à leur combat pour tirer parti des nouvelles technologies (...). Elles ne devraient pas signifier des licenciements mais de meilleures conditions de travail (...). Victoire aux dockers ! »
Christophe Frebou
https ://www.kisskissbankbank.com/fr/ projects/la-classe-ouvriere
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