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ACTION COMMUNISTE

 

Nous sommes un mouvement communiste au sens marxiste du terme. Avec ce que cela implique en matière de positions de classe et d'exigences de démocratie vraie. Nous nous inscrivons donc dans les luttes anti-capitalistes et relayons les idées dont elles sont porteuses. Ainsi, nous n'acceptons pas les combinaisont politiciennes venues d'en-haut. Et, très favorables aux coopérations internationales, nous nous opposons résolument à toute constitution européenne.

Nous contacter : action.communiste76@orange.fr>

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Humeur

Chaque semaine, AC attribue un "roquet d'or" à un journaliste qui n'aura pas honoré son métier, que ce soit par sa complaisance politique envers les forces de l'argent, son agressivité corporatiste, son inculture, ou sa bêtise, ou les quatre à la fois.

Cette semaine, sur le conseil avisé de la section bruxelloise d'Action communiste, le Roquet d'Or est attribué  à Thierry Steiner pour la vulgarité insultante de son commentaire sur les réductions d'effectifs chez Renault : "Renault fait la vidange"...  (lors du 7-10 du 25 juillet).


Vos avis et propositions de nominations sont les bienvenus, tant la tâche est immense... [Toujours préciser la date, le titre de l'émission et le nom du lauréat éventuel].

 

 
7 avril 2016 4 07 /04 /avril /2016 09:53

"LE XXI° SIÈCLE SERA L'ÂGE D'OR SU SERVICE PUBLIC"

 

Sénateur et ministre communiste de la Fonction publique et des Réformes administratives de 1981 à 1984, Anicet Le Pors, Conseiller d’État honoraire, porte un regard à la fois érudit, généreux et acéré sur les politiques d’aujourd’hui. En témoin actif de son temps, il partage ses convictions et ses (pré)visions.

 

Comment êtes-vous passé de la Météorologie nationale à la politique ?

J’ai travaillé 12 ans comme ingénieur météo, dont
5 ans à Marrakech et à Casablanca (Maroc). Je suis originaire de la région du Léon au nord de Brest qui était une terre de catholicisme. Ma famille vient de Plouguerneau, qui a donné un prêtre par an pendant un siècle ! Mon grand-père était anarchiste, il lisait
La Dépêche de Brest. L’église voyait ce journal radical d’un très mauvais œil et avait menacé ma grand-mère de la priver de ses Pâques si mon grand-père continuait à le lire... Mes parents ont émigré en région parisienne en 1929, ils se sont très vite laïcisés, mais n’ont
adhéré à aucun parti. Les racines de mon engagement viennent du christianisme social. Au Maroc, je lisais la Bible et Le Capital. C’était un christianisme de gauche, qui s’est traduit par des engagements anticolonialiste. Je militais avec la CGT, et j’ai continué à le faire lors
de mon retour en France.

Anicet le pors

Le 23 juin 1981, vous êtes nommé ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives. Quelles sont vos premières priorités ?

J’avais été longtemps militant syndical donc
je connaissais bien le droit de la fonction publique. J’avais rédigé de nombreuses propositions de loi que je présentais aux groupes de gauche à l’Assemblée nationale et au Sénat pour qu’ils la déposent à leur compte, ce qui est arrivé plusieurs fois. Lorsqu’un groupe parlementaire déposait une proposition
de loi, nous pouvions la faire imprimer en autant d’exemplaires que nous le souhaitions. Pour mon syndicat cela faisait autant de “tracts” disponibles
! Mon chef de cabinet était René Bidouze, avec qui j’avais milité et qui venait d’écrire Les fonctionnaires, sujets ou citoyens ? Nous avions une idée précise de ce qu’il fallait faire pour la fonction publique. On se disait qu’il suffisait de reprendre nos cahiers de revendication et d’en faire des orientations ministérielles, que ce serait assez simple finalement parce que nous savions ce que nous voulions. Cela ne s’est pas passé comme prévu.

Qu’est-ce qui modifie votre “plan de vol” dès votre prise de fonctions ?

Ce qui a bouleversé tout cela, c’est que Mitterrand
a donné la priorité à la décentralisation, qui s’est traduite dans la loi du 2 mars 1983. C’est l’acte I
de la décentralisation et nous en sommes aujourd’hui à l’acte III. Nous n’avions pas pensé nous occuper tout de suite des agents publics territoriaux, qui étaient régis par une loi du 28 avril 1952. Ils n’avaient pas été concernés par le statut du fonctionnaire de 1946, ils avaient une loi spécifique, qui était intégrée dans le code des collectivités territoriales. Ceux qui travaillaient dans la santé publique étaient régis par un décret-loi de 1955 qui était intégré au code de la santé publique. C’était des sous fonctionnaires. Les agents de
la communale étaient assimilés fonctionnaires mais ils pouvaient être licenciés, c’était beaucoup plus précaire. François Mitterrand a décidé que la décentralisation était la priorité absolue et il a chargé Gaston Deferre de mettre en œuvre cette réforme.

Que faites-vous alors ?

Nous avons été obligés de nous demander ce que nous faisions avec les territoriaux, les hospitaliers, les agents des établissements publics de recherche... Lorsque nous avons réalisé que Gaston Deferre ne voulait pas leur octroyer le statut de fonctionnaire, qu’il ne voulait pas augmenter leurs garanties statutaires mais les laisser dans l’état juridique dans lequel on les trouvait, nous avons considéré qu’ils couraient des risques, ainsi que les fonctionnaires d’Etat que l’on finirait tôt ou tard à aligner vers le bas sur les agents les moins bien protégés ! Grâce au soutien du Premier ministre Pierre Mauroy, j’ai pu intervenir immédiatement après Gaston Deferre le 27 juillet devant les députés à l’Assemblée pour dire qu’il fallait le même statut pour les trois versants de la fonction publique. Tout en respectant la diversité des situations, il fallait les englober dans une même construction statutaire. Et après bien des péripéties, c’est ce qui s’est fait.

Pourquoi était-il historiquement important que l’emploi des fonctionnaires soit garanti ?

C’était important que les fonctionnaires aient cette garantie de l’emploi pour qu’ils soient indépendants. Si quelqu’un est statutairement mis en situation précaire, soumis à des pressions de caractère politique avec ces changements qui ont lieu tous les 5 ans en France, c’est potentiellement dangereux pour
la démocratie. Pour ne pas être soumis au pouvoir politique, pour être à l’abri des pressions économiques, de l’arbitraire administratif, il faut que le fonctionnaire soit garanti dans son emploi. C’est-à-dire qu’il en soit propriétaire, que personne ne puisse l’en déposséder, si ce n’est pour des raisons pénales. C’est absolument indispensable à sa neutralité et à son indépendance.

Que retenez-vous de vos 36 années de communisme ?

J’ai adhéré au parti communiste le 29 septembre 1958, le lendemain du référendum sur la Constitution de la Ve République par De Gaulle. Je n’ai pas adhéré au PC par conviction mais d’abord parce que c’était le seul parti de gauche qui avait appelé à voter non ! J’étais et je suis toujours contre le présidentialisme de ce régime. Pour moi, cela a eu le sens dans l’immédiat d’une sorte de régularisation administrative ! Je n’ai donc pas adhéré en premier lieu par élan, foi ou conviction,
la conviction est venue après. Je suis très heureux
de mes 36 années de communisme, je ne renie pas du tout ce que j’ai fait, d’abord parce que je suis entré de manière raisonnable, ce n’était pas un acte de
foi, je n’ai pas changé ma foi catholique contre une foi soviétique ou communiste, je l’ai même fait de la manière la plus rationnelle qui soit. Après se sont ajoutés de la conviction et de la discipline au nom
de l’efficacité. Tout ce que j’ai fait, je ne le défendrais pas de manière égale, mais si vous parlez de l’ensemble de l’expérience, je suis très heureux d’avoir été un témoin agissant du 20e siècle.

Sur le plan de l’égal accès des hommes
et des femmes aux emplois supérieurs de la fonction publique, les choses ont-elles évolué dans le bon sens ?

J’ai toujours été sensible à ce sujet, pas parce que Marx a dit que l’on juge une civilisation par la place faite
aux femmes mais parce que cela me semble ahurissant que l’on ne traite pas les femmes de la mêmemanière que les hommes. Lorsque je suis arrivé au gouvernement, il y avait 35 corps de fonctionnaires pour lesquels on faisait des recrutements séparés en raison de la nature des fonctions. La première loi que nous avons faite a été de changer le mot “nature” en “conditions déterminantes de l’exercice des fonctions”. En 1984, nous étions passés à 15 corps séparés et aujourd’hui, il n’en subsiste que deux. Mais je pense que le gouvernement ne fait pas son travail. Des centaines d’emplois sont à sa discrétion, par exemple les postes de préfets, d’ambassadeurs, de recteurs d’académie... C’est un problème de volonté politique d’abord. Mais c’est aussi un problème de mentalité,on n’a pas dépassé ce type de ségrégation, y compris , parfois les femmes elles-mêmes ! Mais cela progresse.

Que pourrait-on améliorer dans le recrutement des fonctionnaires et en particulier des hauts fonctionnaires ?

Je suis assez sévère vis-à-vis des hauts fonctionnaires bien que j’en ai été un. J’ai été un haut fonctionnaire particulier : je n’ai pas fait l’ENA ni Polytechnique
et aucune grande école, je ne suis pas représentatif. Mais en même temps je suis plus libre parce queje n’ai aucun corporatisme à défendre. J’avais créé
une 3e voie d’accès à l’ENA pour des syndicalistes,
des dirigeants d’associations et des élus ayant exercé au moins 8 ans, c’est-à-dire des gens marqués par l’esprit de service public. Ils avaient un concours spécial et des places réservées dans tous les corps, y compris au Conseil d’État, à l’Inspection des Finances, etc. C’était intolérable pour la haute fonction publique. Le statut des fonctionnaires est passé beaucoup plus facilement que cette loi. 30 personnes ont été recrutées ainsi, avant que le dispositif ne soit rendu caduc de fait par l’ouverture aux salariés diplômés du privé et la suppression des postes réservés. Pour le reste, les hauts fonctionnaires suivent l’ère
du temps. Dans des sociétés en décomposition comme actuellement, ils sont parfois carriéristes, opportunistes, allant où le pouvoir est, donnant le change comme ils peuvent. On a les hauts fonctionnaires du temps dans lequel on est. Heureusement, il y a toujours des esprits vigies, des gens qui arrivent à se dégager du contexte et à dire leurs vérités.

Vous plaidez dans votre dernier livre (1)
pour une meilleure protection des salariés du privé plutôt que l’inverse. Est-ce réaliste ?

En tout cas c’est le débat ! En septembre dernier, Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’Etat, a remis un rapport à Manuel Valls dont l’esprit était : il faut laisser les partenaires sociaux dire le droit dans les entreprises. Autrement dit, c’est le contrat contre la loi. On dénonce le code du travail comme étant trop dense, trop compliqué, trop touffu. Tout cela c’est du vent, c’est pour démolir l’idée
de la loi régissant les salariés. Et l’alternative consiste
à dire qu’il n’y a qu’à laisser les partenaires sociaux
se débrouiller, dans les rapports de force qui sont ceux de l’entreprise, c’est-à-dire au détriment des salariés.
Il y aura toujours des syndicats pour signer
des protocoles, des conclusions, des accords contractuels, et c’est cela qui ferait loi dans l’entreprise ! Mon état d’esprit à moi, c’est l’inverse.
Et visiblement, je ne suis pas le seul. Je ne pense
pas qu’il faille aligner les salariés du privé sur les fonctionnaires, mais par contre, tous les salariés doivent être protégés et avoir des garanties qui leur assurent la tranquillité de leur vie professionnelle.

Comment expliquez-vous que
les fonctionnaires soient considérés comme des nantis ?

Je comprends que quelqu’un du secteur privé qui
ne connaît pas bien ces questions considère que les fonctionnaires sont des privilégiés. Entre quelqu’un
qui est au chômage ou qui est menacé tous les jours de l’être et quelqu’un qui sait qu’il prendra sa retraite vers 60-62 ans, il y a une différence de sécurité.
Dans une période de crise, de décomposition,
on ne met pas en cause les fauteurs de crise, on met en cause celui qui est mieux loti que soi. C’est humain et cela fait des siècles que c’est ainsi. Il faut une explication pour dire que ce n’est pas le fonctionnaire qui est coupable, mais celui qui crée le chômage.
On peut progresser si on consolide les salariés du privé dans leur statut. Cela aurait un coût pour le patronat, c’est certain. Mais il ne faut quand même pas oublier qu’en 1983 les salaires ont perdu 7 à 9 points au profit de la rente et qu’ils ne les ont pas rattrapés !
Il faut les reprendre. Ce n’est pas ce que fait ce gouvernement, il fait l’inverse, comme on l’a vu avec le récent projet de loi sur le travail.

Quels sont aujourd’hui les chantiers prioritaires selon vous dans la fonction publique ?

Quand j’étais ministre, j’avais essayé de mettre sur pied une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences sur la base d’un modèle mathématique pour prévoir le nombre de fonctionnaires dont on aurait besoin dans 5, 10, 15, 20 ans... Mais nous n’avons pas eu le temps de finir, il aurait fallu dix ans pour aboutir. C’était très opposé à la conception traditionnelle de l’annualité budgétaire. Je pense
qu’il est crucial d’afficher une politique à moyen
et long terme de ce que serait la fonction publique. Je ne sais pas s’il faut plus ou moins de fonctionnaires parce qu’il faut aussi “mieux” de fonctionnaires. Mais c’est paramétrable, il suffit de vouloir le faire.
Les paramètres et les résultats du paramétrage dépendent d’une volonté souveraine qui est celle
de la puissance publique. Il me semble aussi important de défendre la garantie de mobilité des fonctionnaires - et non l’obligation - avec les systèmes de formation continue et les dispositions législatives nécessaires.

Vous avez surpris en déclarant : “Le 21e siècle sera l’âge d’or de la fonction publique”. Quelles sont les causes de votre optimisme ?

Rien ne vous dit que c’est optimiste ! Je termine
la rédaction d’un livre par une fiction dans laquelle
je mets en scène un agent public prenant sa retraite
en 2050 et revenant sur son parcours. Ce qui me conduit à imaginer ce que pourra être la carrière d’un fonctionnaire s’engageant dans la fonction publique aujourd’hui. Quelle sera sa vie ? Je pense que
l’on est en décomposition sociale et que le courant libéral va s’imposer de plus en plus sur un mode violent et autoritaire. On s’engage dans un retour
de l’État qui ne sera pas nécessairement démocratique. Ce qui est autour de l’urgence, la déchéance de nationalité... Ce sont les prémices. Dans ma fiction,
il se passe quelque chose de très grave au niveau mondial vers 2040. Est-ce que ce sera lié au climat, au nucléaire, à l’islamisme, au rapport de force entre la Chine, l’Inde et la Russie ? Peut-être tout cela en même temps. Il se passera des choses graves, mais je crois
en même temps qu’elles sont nécessaires pour créer
de nouvelles donnes, de nouvelles situations. Ensuite, ce pourrait être quelque chose de plus rationnel, une ère dans laquelle l’esprit de service public prospérerait, au-delà des seules frontières nationales. L’air, l’eau,
la sécurité et la santé relèveraient d’une fonction publique transnationale, voire mondiale.

 

*

Vous êtes cité dans une chanson de MC Solar. Quel effet cela vous fait-il ?

Anicet le porsJe ne sais pas pourquoi je suis cité...
C’est l’un de mes petits-enfants qui m’a acheté le CD. Je trouve cela plutôt sympa !

 

Quel est le mot le plus important pour vous ?

 

Anicet le porsCitoyen, ce mot m’a permis de trouver la manière de reconstruire quand le PC s’est écroulé.
C’est une clé pour aujourd’hui encore.

 

Quels sont vos hobbies ?

 

Anicet le porsLe judo et le pilotage, mais j’ai été rattrapé par la vie politique. Je pratique la généalogie, je suis remonté au 16e siècle !

 

(1) La Fonction publique au XXIe siècle, Anicet Le Pors et Gérard Aschieri, éditions de l’Atelier, janvier 2015.

 

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