par Jacques Sapir · 15 février 2016
Notre pays avait approuvé, de très peu, lors du référendum du 20 septembre 1992 sur le traité sur l’Union européenne, dit aussi Traité de Maastricht, le principe de la monnaie unique. Cette dernière est entrée en service d’abord en 1999 (pour ce qui est des transactions bancaires), puis en janvier 2002, pour ce qui est de l’Euro fiduciaire. Cela fait donc aujourd’hui plus de 17 ans que nous vivons sous le régime de l’Euro, dont 14 années très concrètement. En fait, il faut même remonter au début des années 1990 car la volonté de « qualifier » la France pour la monnaie unique a pesé lourdement sur la politique économique et ce bien avant le 1er janvier 1999.
Il est temps aujourd’hui d’en tirer le bilan. Le discours en faveur de l’Euro prétend se fonder sur des bases scientifiques. Regardons donc ce qu’il en est. Mais, le discours officiel sur l’Euro prétend que ce dernier aurait amélioré la situation globale de la France. Vérifions donc aussi cette affirmation. Et surtout, posons nous la question des conséquences politiques de l’introduction de l’Euro sur la société française.
[...]
La « bonne nouvelle » des économistes et l’imposture
Des économistes avaient préparé, dans leurs travaux, la venue de la monnaie unique. Ils sont nombreux mais nous ne présenterons ici que les trois principales contributions, celles de Robert Mundell, de R. McKinnon et de Peter Kennen. Ces économistes, tels les trois rois mages des évangiles, sont donc venus porter la « bonne nouvelle », et leurs travaux ont eu une influence considérable sur les autres économistes, non pas tant en les convaincant de la nécessité d’une monnaie unique mais en les persuadant que la flexibilité du taux de change était désormais superflue.[...]
Fausse et vraie science
Seulement, il y avait un hic. Ces travaux étaient fondés sur des visions fausses des processus économiques. D’autres recherches, basées sur des bases de données plus complètes, aboutissaient alors à une forte réduction de l’ampleur des effets positifs de l’Union Monétaire[13].[...]
Le coût économique de l’Euro pour la France
L’Euro a joué un mauvais tour à l’économie française.[...]
Le coût social de l’Euro
Dans les 17 ans qui nous séparent de l’introduction de l’Euro nous avons vu se développer la logique d’une économie où des sommes toujours plus importantes sont accaparées par un petit nombre d’individus au détriment des conditions d’existence du plus grand nombre. L’Euro pousse l’économie réelle à réduire sans cesse ses coûts. C’est l’Euro qui conduit les agriculteurs au suicide, en les forçant à travailler à pertes. C’est l’Euro qui organise l’abandon des campagnes et des territoires dits « périphériques ».[...]
L’Euro et la crise politique
Mais, il faut ici aller plus loin et se poser la question de la compatibilité directe de l’Euro avec un système démocratique. L’Euro a imposé à la France de céder sa souveraineté monétaire à une institution non élue, la Banque Centrale Européenne.[...]
Si l’on prend donc en compte tous les aspects tant économiques, sociaux, fiscaux, mais aussi politiques, il est alors clair que l’Euro a eu, depuis maintenant près de 17 ans, un rôle extrêmement négatif. Retirant aux gouvernements le moyen d’agir, il accrédite l’idée de leur impuissance. De cela, nous n’avons visiblement pas fini de payer le prix.
commenter cet article …