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Excellent article du Canard
Des échanges de mails révèlent comment l’industrie chimique a torpillé l’interdiction des perturbateurs endocriniens. Un récit perturbant…
Ce n’est plus du lobbying, c’est de l’art… A Bruxelles, l’industrie chimique a réussi à saboter l’interdiction des perturbateurs endocriniens. Ces composés chimiques que l’on retrouve partout, dans les plastiques, les tapis, les dentifrices, les cosmétiques, les pesticides, et qui sont soupçonnés d’être responsables, même à très faible dose, de cancers, de troubles de la croissance et autres menus dégâts sur la santé.
Avec une maestria qui laisse baba, les lobbies ont reporté l’échéance d’au moins quatre ans. Dans un rapport rédigé en anglais et publié le 20 mai, une organisation indépendante, Corporate Europe Observatory, dévoile les coulisses de ce feuilleton. Des coulisses pas faciles à visiter : il a fallu deux ans à la journaliste française Stéphane Horel, coauteure du rapport, pour obtenir des milliers de pages de documents et plusieurs courriels croquignolets…
Février 2013. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa, en anglais) s’apprête à publier un rapport étonnamment sympa pour l’industrie. A vous donner envie de déguster du perturbateur endocrinien au petit dej ! Pas si surprenant, en réalité : près de la moitié des 18 experts qui tiennent le stylo ont des liens d’intérêt étroits avec l’industrie, via des animations de colloques, des travaux de recherche ou des boulots de consultant, et les chèques qui vont avec. Manque de bol, au même moment, le 19 février exactement, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publient leur propre rapport. Et leur conclusion dépote :
Les perturbateurs endocriniens constituent « une menace globale » sur la santé, « qui impose de trouver une solution ». C’est clair et tranché.
Avec leur avis tiédasse, les experts de l’Efsa ont l’air malin ! Et ils s’en rendent vite compte. Le 20 février, dans un courriel à ses confrères, l’un d’eux gémit : « Chers collègues, la vie est compliquée… Il est presque embarrassant de comparer notre version actuelle avec le rapport de l’OMS / PNUE. » Et de se lamenter, en dévoilant toute leur cuisine, au passage : « Quand le rapport de l’OMS / PNUE souligne certaines caractéristiques des perturbateurs endocriniens et les signale comme spécifiques, notre rapport, au contraire, les minimise (sic) ou évite de les mentionner (re-sic). »
L’humiliation ne s’arrête pas là :
Quand le rapport de l’OMS / PNUE parvient à la conclusion que la méthode traditionnelle d’évaluation des risques des produits chimiques est inadéquate [pour les perturbateurs endocriniens], nous arrivons à la conclusion exactement opposée. » Notre expert n’a plus qu’à se planquer sous la table : « Je suis heureux de ne pas avoir à être présent à la conférence de presse (…) pour défendre le rapport actuel (…), sachant que l’auditoire aura lu le rapport de l’OMS. Un vrai cauchemar !» Seule solution, soupire ce grand déprimé : « refaire notre rapport ou, au moins, le modifier de manière significative… » Scientifiquement, bien sûr. Pif, paf, pouf, à quoi ça tient, la santé de 500 millions d’Européens…
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